dimanche 11 novembre 2012

Eloge littéraire du verre d'eau dans la tempête

Ami lecteur, ne sens-tu pas cette odeur de soufre qui émane de mes doigts sur le clavier ? C'est que je viens de reposer cet immonde brûlot de Richard Millet, dont on parla tant naguère...
Faut-il que notre époque s'ennuie, ou qu'un vide de sens menace, pour en être parvenus à de tels cris d'orfraie,à propos de ce qui aurait pu être un simple éditorial engagé, s'il n'y avait eu en sus le talent de Millet, et bien sûr ce malheureux terme d'"éloge", opportunément privé de son adjectif.
L'auteur, qui d'emblée prend ses distances politiques vis-à-vis de Breivik, n'échappe certes pas toujours à ces tendances quelque peu paranoïdes qui le menacent de plus en plus. Affirmer que AB est "le signe désespéré et désespérant de la sous-estimation par l'Europe des ravages du multiculturalisme : il signale aussi la défaite du spirituel face à l'argent." est sans doute un peu capillotracté, ou écrire que "décréter sa folie serait un moyen de le réduire au silence" n'est pas du meilleur niveau.
Pour autant, qui oserait nier, purement et simplement, ce qu'évoque "le délitement de la vieille Europe", "la ruine de la valeur ou du sens", ou les formes nouvelles de la grande peur des bien-pensants, voire "la conversion de l'individu en petit bourgeois inculte, mondialisé, social-démocrate" ?
Que RM ait voulu faire un coup, littéraire et commercial, éditorial et politique, est indéniable, et il se trouvait probablement de meilleurs prétextes pour soutenir le discours qui est le sien. Et je crains que parmi ses soutiens ne se trouvent beaucoup de crânes rasés incapables de lire et de comprendre la moindre de ses lignes...
Qu'il y ait, en tout état de cause, matière à débat est une certitude. L'autre certitude reste que l'agitation accueillant le livre n'allait pas dans le sens du débat mais dans celui de l'excommunication, et qu'à entendre les arguments on peut même douter qu'il ait été lu. Passés les slogans du prêt-à-penser et la mauvaise foi inhérente, assénés par les Torquemada du politiquement correct investis d'une morale totalitariste, rares ont étés à notre connaissance les réponses autres qu'opportunistes.