jeudi 31 mai 2018

Lacombe Lucien, un demi-siècle après...

Voilà quelques semaines, alors que je finalisais, comme on dit aujourd'hui, les derniers détails avant parution de mon dernier ouvrage -dont je vous entretiendrai très bientôt- une chaine de télévision, je ne sais plus laquelle, programmait Lacombe Lucien, film de Louis Malle sorti en 1974. Heureux hasard, vous comprendrez pourquoi...
Peut-être se souvient-on de la polémique que généra la sortie du film, dans une France encore très gaulliste. Louis Malle, fort de son vécu et aidé de Modiano pour le scénario, y montrait un jeune paysan quercynois, dont la famille a été malmenée par la guerre et qui, très frustre et en mal de reconnaissance, veut s'engager dans le maquis. On le trouve trop jeune et peu fiable, et on l'éconduit. Il va alors s'engager dans le camp opposé, la Gestapo française : l'envie d'action prime sur les idées, et il va au plus offrant en matière de reconnaissance...
Bien sûr, en 1974, quand le mythe d'une France unanimement résistante vit ses dernières heures mais reste encore entretenu par le pouvoir, le propos fait scandale. Louis Malle s'exilera définitivement aux Etats-Unis. Aujourd'hui, près d'un demi-siècle plus tard, le recul historique rend justice à l'oeuvre -et au courage- de Louis Malle, au moins sur le plan artistique.
Ce thème de l'engagement, ou du non-engagement, dont la nature, sinon l'orientation, tient parfois à peu de choses, est au coeur de mon ouvrage à paraitre, chez l'Harmattan dans les jours qui viennent...

lundi 28 mai 2018

De mai à mai

Etait-il décent de parvenir au terme de ce mois de mai sans consacrer le moindre propos à ce dont on nous rabat les oreilles depuis plusieurs mois, c'est bien sûr la célébration (davantage qu'une commémoration !) du cinquantenaire de Mai 68 dont je veux parler ? Oh oui, c'eût été décent ! Et même très convenable. Mais comme il y a pléthore de titres, de niveau variable et d'orientations diverses...
Le moins intéressant n'est pas le livre de Denis Tillinac qui, dans la posture qu'on lui connait d'ordinaire, a écrit un anti-68 (Mai 68, l'arnaque du siècle, chez Albin Michel) ; pour parcellaires que soient ses analyses et pour facile que soit la critique cinquante ans plus tard, il a le mérite de tempérer l'enthousiasme du camp d'en face. Son parti-pris idéologique est parfois caricatural mais il dégonfle quelque peu l'emphase avec laquelle on commente, ou même on réécrit les évènements.
Il me semble (mais j'avais onze ans à l'époque) que Mai 68 fut surtout le point d'acmé des états d'âme des sixties en France, où l'on préfère toujours le fantasme d'une mauvaise révolution à une bonne réforme aboutie. Pour le reste, que ce soit sur le fond (bien des "acquis" de 68 sont antérieurs, comme la pilule en 67) ou sur la forme (à quoi servent des barricades quand la police n'est plus à cheval ?) les évènements furent un exutoire assez creux dont chacun pensera ce qu'il veut.
Certes, ils furent la rencontre entre diverses aspirations (culturelles, matérielles, sociétales) et agglomérèrent un temps (sans les fédérer) les luttes étudiantes, ouvrières et paysannes. Il semble par contre assez folklorique de vouloir faire un parallèle avec d'éventuels "mouvements de protestations" de mai 2018 : 68 était un moment où il y avait du grain à moudre (la croissance était là) et de l'envie (le souvenir de la guerre restait prégnant), et tout était réuni pour aspirer à un autre monde, dans un esprit offensif. Aujourd'hui il n'y a de luttes que défensives, pour protéger des acquis souvent corporatistes. C'est la différence et elle est plus que fondamentale.
Alors, que l'on voit dans Mai 68 une arnaque ou une explosion de vie, une honte ou un joyeux foutoir, il fallait que Mai 68 eût lieu. Mais une chose est sûre : le bilan de ce monde cinquante ans plus tard n'en est pas plus joyeux...

vendredi 18 mai 2018

Nobel, peste et choléra

On pardonnera à ce blog son humeur buissonnière des dernières semaines, manque d'assiduité largement imputable aux complexités de l'Administration française. Mais passons : il est encore temps de revenir sur la non-attribution du Prix Nobel de Littérature 2018, ou plutôt son renvoi à 2019, pour cause, selon la mode, de scandale sur fond de harcèlement sexuel dans l'environnement de l'Académie Nobel. Dans la surenchère de flagellation intro-punitive qui anime notre vieux monde, et encore plus le Nouveau, les protestants suédois ont marqué un point.
Plus léger et plus proche de nous, l'affrontement Schiappa-Véron, quelque chose comme un combat entre une peste et un choléra. Rappelons les faits d'armes de cette guerre picrocholine : notre fringante secrétaire d'Etat s'est jugée de nature a donner une leçon de grammaire, en stigmatisant "la fête à Macron" de La France Insoumise. "La fête de Macron eût été plus correct. Penser que les classes populaires ont besoin d'une langue française dégradée pour s'y reconnaitre, c'est les mépriser".
L'argument me parait se tenir. Mais tel n'est pas l'avis d'une linguiste (?), agrégée de lettres modernes, obscure mais insoumise auto-proclamée. Celle-ci rétorque, avec une certaine suffisance, que "la fête à Macron n'a pas le même sens", ce qui ne doit pas échapper à grand monde, et que "la langue populaire est un trésor et non une dégradation". Ah.
La première partie de son twitt répond à côté, mais après tout c'est le b.a.ba de la com de mauvaise foi ; quant à la deuxième partie, elle pose, selon une réthorique bien connue, que l'usage a forcément raison et vaut davantage que la règle, démocratie oblige. Un peu comme les psychiatres russes de la grande époque démontrant que si vous n'étiez pas heureux dans un système qui était forcément (par définition) épanouissant, c'était vous qu'il convenait de soigner...
Mais peut-être extrapole-je.