vendredi 28 juin 2019

Vargas : confusions perverses

Le Point de cette semaine consacre, sous le titre "Fred Vargas : Cassandre ou faux prophète ?", un article sur les prétentions littéro-scientifiques de l'écrivaine. On sait que celle-ci a produit nombre de polars, qui se vendent très bien. Mais elle se hasarde régulièrement à des livres plus "scientifiques", arguant de son ancienne qualité de chercheur au CNRS.
Ainsi a-t-on connu en 2006 Vargas face au virus H5N1, contre lequel elle inventa une sorte de cape intégrale (un super burkini) pour s'en protéger. Car elle sait : "J'ai réalisé que l'épidémie se propage comme un feu de prairie et que, malgré tous les dénis, elle est inéluctable." La suite, ingrate, ne lui a pas donné raison.
On sait aussi que FV a animé le soutien à Cesare Battisti, ancien militant italien d'extrême-gauche accusé de 4 meurtres, réfugié en France puis en cavale, qu'elle avait décrété innocent. Aujourd'hui, même après les aveux de Battisti arrêté et extradé, elle s'appuie " non sur une conviction mais sur des recherches scientifiques et je maintiens mes conclusions". Circulez.
Elle vient de sortir "L'Humanité en péril" (Flammarion), un essai écolo-catastrophique comme l'époque les aime, dans lequel elle pronostique la disparition des trois-quarts de la population mondiale d'ici un demi-siècle. Même les plus motivés de nos climatologues en rigolent.
Bien sûr, l'impétrante retombe toujours sur ses pattes : tant mieux si la grippe aviaire a fait un flop, mais c'est elle qui avait raison. Battisti ? Elle maintient ses conclusions scientifiques.
Faut-il  voir là un problème ? Non, puisque c'est bien le privilège d'un auteur de s'inspirer de ses connaissances pour en écrire une transfiguration. Que Mme Vargas s'inspire de ses expériences simultanées d'auteure et de chercheuse (Tiens, à propos, pourquoi pas auteuse et chercheure ?) est tout à fait banal et logique.
Ce qui me parait pervers (les psy comprendront), c'est ce désir de soumettre les faits à ses désirs d'écrivain, fût-ce en niant le réel. Elle se sert de ses antériorités scientifiques, d'archéozoologue en l'occurrence (ça existe) pour poser l'écrivain et lui donner raison, comme si celui-ci ne faisait que la vulgarisation d'une Vérité. Certes, la notoriété de FV et le catastrophisme déjà évoqué se vendent très bien, mais on ne fera pas ce procès de vénalité à l'auteur. Pourtant tout cela ressemble finalement plus à un plan marketing bien ficelé qu'à une quelconque prise de conscience. Quant à la preuve que la grippe aviaire, la défense des persécutés ou le réchauffement climatique sont très importants, c'est qu'elle travaille beaucoup dessus, nous dit-elle. Peut-être finit-elle par croire à ce qu'elle a écrit.
On sait que les certitudes des petits scientifiques ne sont pas les plus molles, quitte à se révéler calamiteuses l'instant d'après. Si Fred Vargas s'inspirait de problématiques scientifiques, quelles qu'elles soient, pour asseoir une roman, il n'y aurait rien à redire : beaucoup l'ont fait avant elle, on appelle d'ailleurs ça science-fiction. Le problème vient qu'elle prétend, avec le soutien de quelques amis journalistes d'extrême-gauche, avoir écrit un essai rationnel, argumenté et objectif.
Reconnaissons toutefois un mérite à FV, c'est que, avec quelques années de recul, elle fait beaucoup rire. Et telle les généraux de Cocteau, elle ne se rend jamais. Même à l'évidence.

mercredi 19 juin 2019

Déjà parus...

A l'approche de l'été, et en attendant de se croiser au hasard d'un Salon du Livre, un petit rappel de mes œuvres :

          . Les Saints des derniers jours - L'Harmattan 2018
          . Le répountchou qu'es aquò ? - Vent Terral 2017 (avec AM Rantet Poux)
          .  Mona Lisa ou la clé des champs -L'Harmattan 2014
          .  Passeport pour le Pays de Cocagne - Elytis 2012
          .  Aveyron Croatie, la nuit - L'Harmattan 2011
          .  Histoires peu ordinaires à Toulouse - Elytis 2007
          .  Histoires peu ordinaires au Cap-Ferret - Elytis 2006 (avec Ch. Oyarbide)
          .  Week-end à Schizoland - Elytis 2005
          .  La branloire pérenne - Elytis 2002

En vente aussi dans toutes les librairies, chez l'auteur, sur ce blog (en rubrique Commentaires) ou l'éditeur.
Pour les ouvrages publiés chez l'Harmattan, disponible aussi en version numérique (www.harmattan.fr).

mardi 11 juin 2019

Du temps des intellectuels en politique

C'est un pavé. Plus de 600 pages, plus une centaine d'autres en annexes. Un bon kilo sur la balance. Le genre d'ouvrage qui assure quelques semaines de bonne lecture, si vous aimez l'Histoire et notamment le rôle des intellectuels dans celle-ci.
Le livre s'appelle "Les intellectuels français et la guerre d'Espagne", de Pierre-Frédéric Charpentier, aux éditions du Félin. Comme le titre l'annonce, l'auteur recense et analyse l'engagement des intellectuels français, de droite et de gauche, face à cet évènement majeur, complexe et tragique, que fut la guerre civile espagnole. Il montre les différents aspects de cet engagement, depuis les sincérités jusqu'aux cynismes ; on y retrouve bien sûr les grands noms connus (Bernanos, Malraux, Weil...) mais également nombre de plumes d'auteurs ou de journalistes que le temps a renvoyé, parfois à tort, dans l'anonymat. L'auteur aborde aussi les fractures idéologiques au sein de chaque camp : pacifistes-interventionnistes ou staliniens-révolutionnaires à gauche, chrétiens progressistes-maurrassiens à droite, par exemple.
P.F. Charpentier, universitaire toulousain, écrit bien, mais ce n'est pas un conteur. Et son travail se veut trop exhaustif pour être léger ; peut-être aurait-il gagné parfois à synthétiser un peu plus. Mais son ouvrage est très intéressant, à plusieurs niveaux ; on peut certes débattre du sous-titre "Une guerre civile par procuration". Mais il illustre ce que pouvait représenter l'engagement des "clercs" lettrés et le poids qui était le leur à l'époque. Et, serait-on tenté d'ajouter, la force de leur pensée et de leur parole.
Comparer les époques ne présente guère de sens, mais on regrettera que cette force, diverse, multiple, contradictoire, polémique, violente souvent, hétérogène, qui offrait un débat de haut vol, que cette force se soit liquéfiée au fil du temps. On a perdu à la fois l'essence pamphlétaire, la hauteur de vue et la qualité de plume : la télévision, l'affairisme et la démagogie y ont gagné, la démocratie et le débat y ont perdu.
Quoi qu'il en soit, si le sujet vous intéresse, "Les intellectuels français et la guerre d'Espagne" vous offre un aperçu très complet d'un temps qui pensait.

mardi 4 juin 2019

D'Appollinaire à Daesh

L'actualité a ceci de remarquable qu'elle permet immanquablement de constater la redondance des choses, et par là même de montrer que c'est le regard porté sur ces choses qui autorise l'esprit critique.
Ainsi ces jours-ci compte-t-on les ressortissants français condamnés à mort en Irak pour leur appartenance à Daesh. On atteint désormais la douzaine. Le gouvernement français a pour position de les laisser juger là-bas, où ils ont sévi ; mais la France demeurant fidèle à son opposition à la peine de mort, elle insistera pour que cette peine soit commuée en perpétuité. Je ne serais pas surpris si un proche avenir voyait surgir des complications ou des contradictions, mais la position française me parait cohérente, malgré les habituels cris d'orfraie de quelques impuissants aux mains forcément propres.
Flash-back : en août 1914, Guillaume Appollinaire veut s'engager dans l'armée française (ce qu'il n'obtiendra qu'en décembre), pour remercier le pays qui l'a accueilli enfant, qui l'a éduqué et qui lui a permis de s'exprimer. Pas la CMU, pas le RSA, pas les Allocs, simplement de quoi vivre, apprendre et créer...
Les condamnés français d'Irak sont généralement, eux aussi, issus de l'immigration. Ils ont quitté la France pour aller aider les terroristes qui entendent la détruire.
Si l'attitude d'Appollinaire, et avec lui de nombreux autres étrangers, auteurs ou rapins de Montparnasse ou de Montmartre dont le mode de vie ou les oeuvres n'avaient rien de va-t'en-guerre, si cette attitude conforte la grandeur d'une France terre d'asile, celle des salafistes appelle des constats plus mitigés et des analyses plus subtiles. Il y aurait la nécessité d'un débat apaisé, par exemple sur la dimension culturelle de l'intégration ou le sens des migrations. Malheureusement on en est loin, et sans doute pour longtemps.