mardi 3 septembre 2024

Philippe Meyer : feue la conversation...

 C'est dans sa série estivale "La vie sans écran" que le Figaro du 24 août dernier publiait une interview de Philippe Meyer, notamment en sa qualité d'animateur du "Nouvel esprit public", podcast qu'il a fait succéder à son Esprit public dont France Culture l'a écarté en 2017. Il défend dans cet entretien la notion de "conversation", par opposition à ce qu'est devenu le "débat" d'aujourd'hui. Il rappelle à propos comment les débats tant désirés dans les années 60, parce que rares, ont peu à peu dérivé vers ces combats de coq où les postures adoptées par les débatteurs n'ont rien de personnel, mais expriment quelque chose qu'ils estiment devoir exprimer pour satisfaire un besoin d'appartenance ou pour plaire, par narcissisme ou par intérêt. Et de ce fait on peut aisément prédire ce qui va être dit, pour peu qu'on ait déjà entendu le débatteur et qu'on ait saisi les éléments de langage sous-jacents. Et l'organisation de l'information génère une hystérisation qui elle-même énerve le corps social et pousse à exagérer ses propres opinions plutôt qu'à écouter celles d'autrui.

La qualité de la conversation selon Meyer est "que le caractère raisonnable, amical et préparé des échanges ait une utilité collective pour alimenter la réflexion de ceux qui écoutent". On comprend par là qu'elle ne soit plus dans l'air du temps. Et Meyer de rappeler que sa génération -disons soixante-huitarde pour faire simple- rêvait de pouvoir poser toutes les questions, et qu'aujourd'hui il est beaucoup de questions qu'on n'ose plus poser, par crainte d'être soi-même trop éloigné de la pensée dominante ou d'être au contraire trop conforme à celle-ci... L'hystérisation produit la fracture, et l'échange des idées ne s'en remet pas.

Philippe Meyer, compagnon de la deuxième gauche et d'un centrisme éclairé, montre comment les impératifs de la communication et les impasses des politiques nous ont mené là où nous en sommes, quand l'injonction et la mauvaise foi sclérosent toute initiative d'échange constructif. J'ai, pour ma part et ici-même, assez vanté l'intérêt du pamphlet, un genre qui, jusque dans ses outrances adolescentes, permet de caractériser une idée ou une position, de façon excessive et donc appelant in fine comme solution pragmatique une résolution équilibrée qui génère le meilleur ou le moins mauvais possible. L'exutoire du pamphlet ne fait que préparer l'avènement du bon sens, et le vrai débat est le second oeuvre de la confrontation constructive.

Philippe Meyer cite dans son interview le phrase de Jean-François Revel "L'idéologie c'est ce qui pense à votre place". Même si les idéologies se sont effondrées, il reste encore et plus que jamais la com, les slogans et les postures. Mais espérons encore de la conversation...

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