dimanche 9 décembre 2012

Pays perdu, terre gardée.

Je ne sais si les remake, surtout littéraires, méritent qu'on ait un avis définitif sur eux, mais je profite de ce que Jérôme Garcin, dans le dernier n° du N.O. évoque "Pays éperdu", de Bernard Janin, pour me rappeler ma découverte du "Pays perdu" de Pierre Jourde, paru en 2003 (L'esprit des péninsules). Oublions les postulats parfois moralisateurs du personnage Jourde, parmi lesquels il conviendrait sans doute de trier, mais saluons le livre ; il immerge le lecteur dans un univers âpre, celui d'un hameau du Cantal, dont l'auteur (revenu de la ville le temps d'un enterrement) dépeint avec rudesse ce que la modernité nomme tares : "Alcool, Hiver, Merde, Solitude", d'après Jourde, "image crasseuse, adultérine, éthylique et paléolithique" selon Garcin. On sait que Jourde échappa de peu à la lapidation lorsqu'il revint à Lussaud une fois le livre paru.
Pierre Jourde fait partie de ces auteurs contemporains, de moins en moins nombreux, qui ne font pas des livres mais de la littérature, avec le style et l'exigence, de fond et de forme, que cela suppose. Quant à "Pays perdu", il ne se raconte pas, il se lit.
J. Garcin affirme avec justesse que ce livre est "un grand et beau texte sur l'esprit des lieux dont nul ne voulut alors comprendre que Pierre Jourde y exprimait son ombrageuse fidélité à un pays lointain d'une noire beauté où sa famille habite depuis trois siècles"...
Avouerai-je que si ce livre me toucha, c'est aussi parce que mon Rouergue paysan natal était plus que cousin avec ces cantalous hors d'âge ? Moins "taré", certes, mais peut-être prêt à devenir glauque si l'on avait fouillé la vase. Oserai-je dire aujourd'hui que les turpitudes crado-névrotiques de ces primates (selon les normes actuelles) ne me paraissent pas pires que certains effets de la doxa de ce début de siècle ?
Mais peu importe, et lisez "Pays perdu".