lundi 21 décembre 2020

Henri Gougaud, berger des mots...

De combien de vies Henri Gougaud est-il le nom ? Tour à tour chanteur, parolier, homme de radio, conteur, philosophe... l'enfant de Carcassonne (de Villemoustaussou, en fait) promène depuis longtemps sa destinée de fils du sud aux horizons multiples. Pour en témoigner, il publie chez Albin Michel J'ai pas fini mon rêve, titre qui rappellera des choses aux amateurs de la grande chanson française...

Une remarque personnelle : j'avais sans doute moins de dix ans quand une tante parisienne (entendez par là une soeur de ma mère) nous avait offert, à mon frère et à moi dans les années 60, un lot d'affiches d'artistes "Rive gauche", parmi lesquels je me souviens d'Henri Tachan, Maurice Fanon, Marc Hogeret, Gilles Dreu... et Henri Gougaud, qui courait alors ces cabarets mythiques d'où s'envolèrent tant de gloires. Si la carrière de chanteur de Gougaud ne dura pas, il restera comme un des grands paroliers de l'époque, pour Ferrat (La matinée, Cuba si, Un jour futur, J'imagine, Picasso Colombe, Hop là nous vivons...), pour Gréco (Non monsieur je n'ai plus vingt ans) ou Reggiani (Paris ma rose). Temps des "illusions sublimes qui font la vigueur des poètes"...

On le retrouvera ensuite à France Inter avec Claude Villers (Marche ou rêve) ou en solo (Le Grand Parler), devenu le grand conteur qu'il ne cessera d'être. Depuis l'ancêtre cathare Bélibaste jusqu'aux traditions orales d'un peu partout, il redonnera avec d'autres toutes les lettres de noblesse à cet art du conte qui était passé de mode. Un peu mystique, tendance Jung et Indou, écologiste, philosophe, voire surnaturel : sa pensée est parfois complexe à saisir pour le profane, mais l'homme qui est derrière est lumineux, en fils du peuple qui s'ouvrit bien des horizons sans oublier d'où il venait.

Ainsi fût-il chantre de l'épopée cathare (avec une belle traduction de la Chanson de la Croisade), de la langue d'oc (Lo pastre de paraulas) et de l'esprit du sud, démontrant en des temps hostiles que les racines profondes et les cimes éclairées font les plus beaux arbres.

Aujourd'hui il  raconte tout cela, dans un livre de transmission dédié à son fils. Mi-biographie, mi-témoignage, mi-réflexion, je sais ça fait trois demis. Mais tous ceux qui ont "rencontré" Henri Gougaud, d'une façon ou d'une autre, doivent le lire : c'est de haut qu'il les illuminera.

dimanche 13 décembre 2020

Culture abyssale...

... et culture au bord de l'abîme. Tout le monde vous le dira ces jours-ci, la culture est sacrifiée. Les larmes coulent sous les masques de nos gouvernants ; les unes de la presse rivalisent de belles envolées mélodramatiques. Tous les interviewés des trottoirs se déclarent choqués du sort réservé à la "culture".

Pas plus que de la littérature, on ne fait de la politique avec de bons sentiments, et il est à craindre que ce flot lacrymal ne soit contre-productif, à trop en faire ; les acteurs de la culture n'ont jamais si populaires que cela : trop payés, trop feignants, farfelus, bons à rien... du moins quand il s'agit de les aider (cf les crises des intermittents). D'autre part, la boulimie culturelle affichée par les français peut prêter à sourire quand on sait le sort réservé par ceux-ci aux petits commerces (librairies, disquaires) ou institutions (musées, orchestres, troupes) en déficit chronique. Nul doute que le monde d'après sera celui de la ruée vers l'intelligence...

Pourtant, avec ou sans la com' consensuelle, la réalité "objective" est là : ce secteur représente 670000 emplois directs et rapporte 2.3% au PIB, 47 milliards d'euros, autant par exemple que la filière agro-alimentaire et plusieurs fois celle de l'automobile. A quoi s'ajoute un intérêt stratégique majeur, en nos temps si modernes : il n'est pas délocalisable.

Seulement voilà, la culture, la culture dans notre France est avant tout un outil de production (animation, concerts, festivals) qui valorise d'autres secteurs (tourisme, restauration...) ; or un outil, quel qu'il soit, qui ne tourne pas ne demeure pas longtemps opérationnel, et on ne le remet pas en place sur un clacquement de doigts, fussent-ils présidentiels. Et si l'on considère qu'un tiers des intervenants sont des travailleurs indépendants (donc sans Assedic en cas de besoin) on comprendra l'extrême vulnérabilité de ce "monde de la culture".

En clair, la France est-elle, une fois encore, en train de massacrer un de ses plus beaux fleurons ? on mesure de nos jours les effets de la désindustrialisation entamée il y a un demi-siècle. Jusqu'à présent, on se consolait en compensant avec le tourisme et la culture, ce que le monde entier nous envie... Mais demain ? que restera-t-il après la crise nommée Covid ?

mardi 8 décembre 2020

Millésime Covid : baisse des Prix...

Il ne vous a pas échappé que si cette année les Prix littéraires ont réussi à faire un peu parler d'eux, le coeur n'y était pas. Ils ont fait de la com' sur l'actualité, comme bien des médecins, mais sans compenser les effets de la crise sanitaire, comme on dit.

Ils ont tout d'abord repoussé leurs proclamations, pour afficher leur "solidarité avec les libraires" : entendez par là  qu'il aurait fallu être fou pour lancer les Prix quand toutes les librairies étaient fermées. Quelques semaines et quelques Zoom plus tard, échoppes ouuvertes, on connut le nom des heureux lauréats.

Qu'en retiendra-t-on ? Sans doute pas grand-chose, et pas longtemps. La lauréate du Renaudot, Marie-Hélène Lafon, aurait mérité plus de lumière, mais on n'a retenu du Renaudot que les relents de l'affaire Matzneff. Peut-être le Goncourt, si on arrive à y comprendre quelque chose. Sinon ce fût l'année du Figaro, multi-nominé.

Bien sûr on a bien récompensé quelques personnages (Chloé Delaume, Médicis), ou des thèmes à la mode (Serge Joncour, Fémina), mais on évité évité le trop politiquement correct, que le Goncourt des lycéens consolera, comme il en a l'habitude.

Il parait que de nombreux prix, dans la multitude des manifestations de deuxième ou troisième ordre, n'ont pas été décernés cette année. On devrait s'en remettre.

vendredi 27 novembre 2020

Une France essentielle

On sait que les situations de crise révèlent des angles de lecture nouveaux ; ainsi connaissait-on une France râleuse, syndiquée, fonctionnarisée ou non, bref une France manifestante et revendicatrice capable de bloquer le pays des mois durant pour obtenir une clopinette. Mais voilà que le confinement en révèle une autre, déroutante, qui elle ne réclame ni subvention, ni pognon ni même compassion : elle veut simplement pouvoir travailler !

Et cette France là, entrepreneuriale et peu grégaire mais vivante, n'est pas un avatar hérité de l'époque poujadiste. On y compte certes les commerçants, les restaurateurs, les mastroquets, les salles de sport, les stations de ski. Mais on y trouve aussi , par exemple, le "monde de la culture", créateurs, acteurs, organisateurs, techniciens, intermittents, cinémas, musées... qui ne demandent que le droit au travail.

Le confinement illustre jusqu'à l'absurde le travers français : les gouvernants et l'Etat, habitués aux réclamations adressées à l'Etat-providence, répondent comme d'ordinaire, font des stats et cochent des cases (car gouverner c'est choisir) et pondent des mesures technocratiques et administratives comme eux seuls savent en inventer. Et à fortiori quand les certitudes scientifiques (oxymore) font défaut.

D'où aujourd'hui cette stratégie consternante qui consiste à vouloir sauver le pays en l'empêchant de travailler. Car le "quoi qu'il en coûte" ne fera pas illusion bien longtemps, et les aides déversées risquent d'être des monnaies de singe.

J'évoquai dans mon dernier billet (L'empire des essentiels) ce qu'une modernité foireuse définissait comme "essentiel" et qui plombe tous nos éléments de civilisation, et les choix de société que ces choix illustrent. Dans la même logique, nos élites pavloviennes balancent des pseudo-aides mais empêchent le travail et la création, c'est-à-dire la vie vivante.

samedi 21 novembre 2020

L'empire des essentiels

Les temps sont difficiles, la pandémie est complexe et sa gestion aléatoire, nul n'en disconviendra. Fort heureusement, le pays est pourvu en technocrates de haute volée, formés en série, et nous ne mesurerons jamais assez la chance qui est la nôtre d'avoir une élite capable de résoudre les vieilles questions existentielles : ainsi sait-on désormais ce qui est essentiel et ce qui est accessoire pour le citoyen lambda. Au rayon des accessoires : les commerces, les bistrots, et la gastronomie, les livres, les théâtres, les musées, les cinémas, les ballets, les concerts, les sports, les messes, les promenades, les randonnées...

Il se trouve que tout cela mis bout à bout n'est pas loin de définir une civilisation. Surtout si en même temps, selon la formule, on liste ce qui est présenté comme essentiel : la grande distribution, celle qui sort renforcée de toutes les crises, les magasins d'électronique et d'informatique, les garages pour les voitures et les bureaux de tabac. Certes il y a des gens à qui cela doit suffire...

On a décrété en haut lieu ce qui serait superflu ou dangereux, et c'est justement ce qui fait l'art de vivre, le lien social ou le vivre ensemble dont on nous rebat si souvent les oreilles. Cet art de vivre civilisé, on le stigmatise au nom de principes dont on se demande bien lesquels ils sont, tant les contradictions s'accumulent, si ce n'est le souci d'infantiliser le citoyen conformément aux principes de la com politique.

Il faudra bien sortir du Covid, ou s'habituer à vivre avec ; dans tous les cas de figure, on gagnerait à traiter les français en adultes responsables, qui ont aussi des parents et des enfants : l'acceptation de l'autorité est à ce prix, ainsi que l'acceptation de l'altérité. Le contraire expose à une réaction sociale qui pourrait surprendre...

En attendant, on aura vu ce que nos élites de la start-up nation considèrent comme primordial et, surtout, ce qu'elles estiment secondaires : l'ennui c'est que ces choses superfétatoires sont précisément ce qui fonde une société.

mardi 17 novembre 2020

Salons du Livre : in memoriam...?

Cela fait neuf mois, le temps d'une gestation. Celle-là est particulièrement stérile. C'est en effet début mars que se tenait le dernier salon du livre auquel j'ai participé, avant que covid, confinement et company n'envoient leur chape de plomb. Et même si ma présence dans ces salons régionaux était plutôt ponctuelle, leur présence me manque.

Ces salons connaissent des succès et des atmosphères très variables. Et reconnaissons que l'ambiance, depuis plusieurs années, y est de plus en plus morose : érosion des affluences, des ventes, de la qualité du public... Le constat est unanime. Pourtant ces rencontres sont pétries d'humanité ; ce sont d'abord les retrouvailles avec d'autres auteurs, dont certains sont des amis que l'on aime retrouver, surtout au repas de midi !, autour des accointances partagées : écriture, art de vivre, convivialité... Je soupçonne certains de n'y venir que pour cela.

 Et puis ces salons, dans leur village ou petite ville, sont des moments qui comptent localement. Ce n'est pas un public d'habitués au sens où on l'entendrait dans une grande ville. On y trouve de tout, parfois intéressant, parfois consternant, parfois magnifique de modestie intelligente, mais toujours témoins et acteurs de la vraie vie. Nombreux sont ceux qui achètent là leur(s) seul(s) livre(s) de l'année.

Mais cela ne doit pas être essentiel pour eux, ont décrété les technocrates incultes qui nous gouvernent. Retrouverons-nous un jour ces petits salons ? Au train où ne vont pas les choses, rien n'est moins sûr. Là comme dans bien des secteurs traditionnels, une année de black-out aura autant transformé notre société que dix ans d'évolution moderniste, avec une kyrielle de disparitions en tout genre. Requiescat in pace.

samedi 7 novembre 2020

Non essentiel ?

On dit que la France manque de situations fédératrices, et c'est vrai : on ne peut pas gagner la coupe du monde de foot tous les ans. Il est pourtant actuellement un thème qui rassemble dans un grand élan beaucoup de nos compatriotes : l'ouverture des librairies.
On comprend la mobilisation générale des professionnels de la profession : libraires, éditeurs, écrivains, etc... Mais on ne savait pas que ce pays comptait autant de lecteurs forcenés ; les pétitions charrient des centaines de milliers de signatures. On oublie au passage que même si les libraires ont l'habitude de se tirer des rafales dans le pied (voir leur choix de ne pas être "essentiels" lors du premier confinement), bien des moyens existent encore d'acheter des livres dans une librairie indépendante, ne serait-ce qu'en "cliqué-retiré"... Mais il est de bon ton de flinguer Amazon et même les grandes surfaces, jusqu'à ce que celles-ci soient mises au pas et rebondissent en communicant sur leur soutien aux petits commerces.
Ces tartufferies oubliées, je repense à une autre époque : mon dernier ouvrage paru, Les Saints des derniers jours, (L'Harmattan) ainsi que Mona Lisa ou la clé des champs (L'Harmattan) traitaient de la vie culturelle sous l'occupation. Et c'est précisément pendant cette période que la création et la "consommation" ont été d'une vigueur exceptionnelle, tant dans le cinéma (malgré la main-mise de la Continental allemande) que dans la littérature. Après une réorganisation brutale de l'édition, la fermetures des librairies et le couvre-feu, une véritable boulimie s'était emparée des français : peu de nouveautés (crise du papier), marché noir et forte demande, et les prix des livres s'envolaient. Même les oeuvres clandestines trouvaient leur lectorat. Le contexte justifiait le besoin.
Le monde a changé, les media aussi, sans compter l'actualité. Mais est-on sûr que nous ne vivons pas quelque chose de même nature ? Et que les livres ne sont pas plus essentiels qu'on ne le décrète dans la start-up nation ?

jeudi 5 novembre 2020

Livres, colportage et finitude...

 Dans l'avalanche éditoriale qui déferle sans arrêt sur un marché de plus en plus étique, figure une quantité non négligeable d'ouvrages qui réconcilient avec la littérature : heureux constat, encore faut-il être informé de leur existence.

Je ne sais plus comment j'ai appris celle de "La vie fugitive mais réelle de Pierre Lombard, VRP", de Christian Estèbe, paru chez l'éditeur bordelais Finitude. Il y a la forme, une belle écriture qui accroche le lecteur exigeant, et il y a le fond : l'histoire d'un carriériste de l'édition, que son ascension a conduit dans l'impasse, qui jette l'éponge, perd son boulot, sa femme et son ambition ; il rebondit modestement sur un "petit" poste de "petit" commercial en livres, pour "petits" éditeurs. Revenu du prestige et du cynisme à une condition d'homme ordinaire et désabusé, il se reconstruira à partir de ce que sont les livres.

Précisons que Christian Estèbe a lui-même été commercial dans l'édition pendant trente ans ; de sorte que même dans les postulats un peu convenus (la grande édition pourrie, l'argent, le business, les coucheries, les faux-semblants...) il a l'avantage de savoir de quoi il parle, et de l'illustrer sans coup férir. Et de décrire, plus largement, le quotidien d'un VRP et en l'occurrence le petit monde des libraires, bibliothécaires, buralistes, etc... Sa plume est ironique, tendre ou féroce au gré des clients démarchés, mais bien informée sur un univers prompt à se gaver de mots et de postures qui ne cachent pas toujours la médiocrité. Et la financiarisation n'y est pour rien.

S'y retrouveront avec plaisir tous ceux qui ont ou ont eu une expérience de la prospection commerciale, comme ceux qui sont intéressés de près ou de loin par le commerce des livres. Quant à ceux qui croient que l'univers du livre est celui que présente la communication des corporations, ils apprendront beaucoup en lisant Estèbe. Précisons que celui-ci est devenu bouquiniste à Marseille...

Mais ce livre est aussi, et avant tout, un hymne au bon livre. Qu'est-ce qu'un bon livre ? Lisez cet ouvrage : il parle des bons livres, et il en est un.

mardi 27 octobre 2020

Books, the end...

Cela faisait douze ans que paraissait ce magazine bimestriel ; l'idée de son créateur Olivier Postel-Vinay était simple et agréable : partir de livres, de bonne facture, pour aller vers des critiques, des articles et des dossiers, le tout sur des thèmes d'intérêt général. Cela donnait une revue intéressante, bien faite et ouverte.

Las, ce concept n'est plus rentable, et on apprend que Books vient de publier son dernier numéro, assez opportunément consacré à la Bêtise. Il faut dire que, comme tantd'autres entreprises, Books a été bien servi par l'actualité française, de grèves en faillites et de faillites en pandémie. Sans doute le concept de 2008 était-il à revoir et à "moderniser", mais cela aurait été assez banal pour un repreneur.

Sauf qu'il n'y a pas de repreneur, et le signe des temps est là : quelques semaines après le Débat, un autre titre disparait. Books était moins élitiste que le Débat, plus accessible, moins cher, plus moderne peut-être, mais la sanction est la même : il n'y a plus assez de gens pour lire et réfléchir.

Et c'est peut-être cela qui explique bien des choses de notre monde.

vendredi 23 octobre 2020

2020 : quand j'entends le mot culture...

... je sors ma Covid.

Non, je ne confonds pas nos gouvernants avec Goebbels ni la Covid avec son révolver, mais je me demande ce qui est le plus dangereux. Chacun sait ce qu'il faut penser de la brutalité d'une répression et d'une dictature, et bien des artistes se sont trouvés en butte à cette répression. Ne relativisons donc pas cela.

Mais l'impact des mesures Covid est d'une autre nature et d'une autre dimension ; nous n'évoquerons pas ici leur pertinence, complexe à apprécier, mais ce qui est indéniable c'est que certains secteurs d'activité risquent d'être rayés de la carte. Parmi ceux-ci, juste après les cafés et les restaurants (dont le caractère culturel n'est pas négligeable, soit dit au passage), les cultureux comptent leurs jours : exploitants, auteurs, artistes, acteurs, techniciens, régisseurs, intermittents...

On pourrait, si l'on était à court d'arguments, rappeler que la culture en France rapporte au PIB autant que toute la filière agroalimentaire ou sept fois plus que l'industrie automobile. Mais parallèlement au désastre économique de sa mise en sommeil, c'est tout un monde qui sombre. Ancien monde, peut-être, tant le nouveau est acculturé... Et ce au moment même où l'actualité démontre la nécessité de tant de combats culturels.

Combien de temps durera cette éclipse ? nul ne sait, et rien ne prouve que le retour de l'astre suivra l'éclipse. Ce qui est d'ores et déjà sûr, c'est que la débâcle est bien avancée, et peut-être irréversible. Mieux que le révolver de Goebbels, la Covid. Mieux que la Covid, l'hypocondrie. Mieux que l'hypocondrie, nos gouvernants.

samedi 10 octobre 2020

Horizon mars 2021...

Y aura-t-il une année 2021 ? Entre Covid, gestes barrières, distanciation sociale et reconfinement, rien n'est moins sûr, sans compter deux élections qui..., mais je m'égare.

Toutefois, le pire n'étant jamais sûr, certains travaillent comme si une année 2021 devait succéder à 2020. Parmi ceux-ci Elytis, mon éditeur historique, qui porta jadis sur les fonds baptismaux La branloire pérenne, mon premier titre en 2002, ainsi que quatre autres livres jusqu'au Passeport pour le Pays de Cocagne...

Et c'est ainsi que le 18 mars de l'an prochain (enfin si...) paraitra mon dixième ouvrage.

Non, non je ne dirais rien pour l'instant. Ni le titre (pas encore définitif), ni le thème, ni... Mais je promets de le faire très bientôt. Pour ne pas rester sur votre faim, sachez que c'est un travail qui se veut littéraire, enraciné et pas forcément consensuel : trouver en nos temps modernes un éditeur pour porter cela n'est pas une sinécure. Merci à Elytis.


mardi 6 octobre 2020

Télé noir et blanc, et sans commentaires...

Au hasard des humeurs de ma zapette, je suis tombé, sur je ne sais quelle chaine du satellite, sur une rediffusion d'un Palmarès de la chanson daté de mars 1968, quand la France gaulliste s'ennuyait avant d'exploser...

C'était celui consacré à Guy Béart. A son sujet, j'ai écrit ici même au lendemain de sa mort (octobre 2015) ce que je pensais de son oeuvre. On entendit donc dans ce Palmarès quelques unes de ses meilleures chansons ; mais le meilleur était chez ses invités, chacun de ceux-ci interprétant un poète. On eut donc, en moins d'une heure, excusez du peu : Trénet (Verlaine), Brassens (Jeammes), Gainsbourg (Musset), Gréco (Prévert), Vaucaire (Aragon)...

C'était la télé de l'époque, et si on ne regrettera pas l'ORTF, surtout présentée par Guy Lux, on est bien obligé de reconnaitre que des choses comme ça avaient de la gueule. Et c'était pourtant en noir et blanc.


lundi 28 septembre 2020

Tillinac, retour en Corrèze

 Denis Tillinac s'est éteint voilà quelques jours, bien trop tôt. Comme il est d'usage, il croule sous les hommages, dont certains doivent bien l'embarrasser ; aussi nous ne plussoierons pas, comme on dit aujourd'hui, et retrouverons simplement ce que j'écrivais de lui en février 2012 (Tillinac hussard sur le Toi)...

D. Tillinac est trop agaçant pour que cela n'illustre un certain talent. On connait son côté ronchon, provincial réac ou post-adolescent rebelle à ses contemporains. Son ouvrage à paraitre (Considérations inactuelles, Plon) se veut une lettre aux jeunes d'aujourd'hui.

Certes, il est surprenant de voir D. T. jouer les grand-pères, lui dont la maturité est demeurée très épidermique. Certes, il n'y a parfois rien d'exceptionnel dans certains propos, banalement de droite, anti-Mai 68, anti-psychanalyse, anti-contre-culture, contre les "utopies fanées et infantiles, recyclées en un mélange peu ragoûtant d'hédonisme, de scepticisme et de cynisme". Encore est-il sans doute utile de le dire, même en enveloppant le tout dans un "politiquement correct" bien commode à fustiger.
Certes, ses coups de gueule fleurent souvent une amertume triste d'enfant désabusé. Mais le bougre sait écrire, et sa plume d'une élégante rugosité tranche avec l'époque ; et son discours porte une générosité devenu rare. Si quelques injonctions sonnent parfois comme des slogans : "Sois inactuel et n'écoute personne", "Sois le condottiere de tes désirs, pas leur délégué syndical", ou l'admirable "Les lendemains qui chantent ne savent que des airs militaires", d'autres valent bénédiction : "Edifie ton intériorité comme on construit une vraie maison de pierre. D'abord les murs et le toit (la frontière). Puis la cave (l'inconscient) et le grenier (la mémoire). L'agencement des pièces est secondaire ; la décoration superfétatoire."
Il reste du hussard chez cet homme là, provincial et réac.

mercredi 23 septembre 2020

Stéphane Bern et les bibliothécaires

 Il est bien connu que la petite histoire nous en dit parfois autant que la grande. Il en va de même des petits propos, même si ce ne sont que des paroles verbales, comme notre époque en raffole. Ainsi a-t-on entendu Stéphane Bern, gourou médiatique de la sauvegarde du patrimoine, regretter que d'intéressantes églises de campagne se dégradent dans l'indifférence générale tandis qu'on aménage des médiathèques qui restent vides.

Propos peut-être pas polémiques mais lapidaires et simplistes, on en conviendra, mais peu importe. Ce qui est plus attristant c'est la réponse que les bibliothécaires n'ont pas manqué de lui renvoyer. On aurait pu espérer que ces derniers auraient objecté les bienfaits de la lecture, de la littérature, de l'action culturelle, bref de tout ce qui peut justifier une politique publique, fût-elle volontariste en la matière. Il y avait à dire.

Au lieu de quoi, nos fonctionnaires et contrats aidés ont argumenté qu'ils étaient géographiquement proches de 89 % des français, que 76 % de ceux-ci approuvaient l'existence de ces médiathèques, que 40 %  des plus de 15 ans étaient allés au moins une fois en médiathèque. Bref un plaidoyer purement institutionnel digne d'un communicant de conseiller départemental, vantant des outils qui en dehors de la clientèle captive (merci les écoles) sont sympathiques mais peu valorisés.

Peut-être comprend-on mieux pourquoi ces équipements végètent. Ce ne sont pas les outils qui pèchent, mais les individus qui en ont la charge, dont on peut parfois douter de la créativité, de la motivation, ou tout simplement, comme le montre leur communiqué, du sens de leur mission.

vendredi 11 septembre 2020

Verlaine et Rimbaud, Panthéon décousu...

La blague du moment : une pétition circule, sous la haute bienveillance de Mme Bachelot, pour que le Panthéon, cette cathédrale aujourd'hui laïque dédiée aux grands hommes de Bien, acceuille ensemble les cendres de Rimbaud et de Verlaine.

Certains esprits, probablement mesquins, objectent que la fonction d'un poète n'est pas de s'inscrire dans cette démarche ni dans une morale institutionnelle, et qu'on voit mal, selon les critères d'admission en ce saint lieu, de quoi les poètes pourraient se prévaloir pour entrer là.

D'autres esprits, probablement réacs en plus d'être mesquins, font remarquer que ces deux impétrants, quel que soit leur incontestable génie de poète, furent des parangons d'immoralité polymorphe et que leur entrée seraient une vaste rigolade, y compris aux yeux des intéressés.

Mais ces évidences sont balayées par les pétitionnaires, pour qui l'enjeu est que Verlaine et Rimbaud entrent "ensemble" au Panthéon, c'est-à-dire en tant qu'amants, et ce pour avoir durant les quelques mois de leur tumultueuse liaison enduré l'homophobie, la discrimination et toussa...

Bref, on en est rendu là : deux des plus grands noms de l'Histoire de la poésie française seraient reconnus en tant que... LGBT. Outre le fait qu'on ne trouve de leur part aucune trace de plainte relative à leur sexualité, cette canonisation laïque aurait bien fait rire les amants terribles ; mais leur intrumentalisation en ce début de siècle finissant, avec l'onction de la bénédiction ministérielle, tient plus de l'insulte que de la reconnaissance.

mardi 1 septembre 2020

Fin du Débat.

C'était en 1979. Alors que s'annonçait la fin de la guerre froide, que sur la scène mondiale apparaissaient Reagan, Jean-Paul II, Thatcher ou Khomeini, Pierre Nora et Marcel Gauchet créaient Le Débat. Le but de la revue, portée par Gallimard, visait à perpétuer une tradition française du débat, autre que réduit à la démesure universitaire ou à la réduction médiatique. Claude Lévi-Strauss, Mona Ozouf, Milan Kundera et bien d'autres alimentèrent les échanges.

40 ans ont passé, et le rideau vient de tomber : on jette l'éponge. Le problème parait-il n'est pas tant financier (on aimerait quand même avoir l'avis de Gallimard à ce sujet) que fondamental : il n'y a guère plus de public pour une telle ambition, et notre époque sans pitié est aussi sans perspectives ni aspirations. Désormais la valeur de l'argument dépend surtout de la force de l'éructation d'un bateleur d'estrade, aux oreilles bouchées et à la langue bien pendue. "Les élites dirigeantes sont devenues incultes", assène Gauchet. Certes. Mais hélas le problème me parait bien plus large, quand s'imposent de toutes parts la démagogie et la reductio at hitlerum...

On peut penser ce que l'on veut de la revue, du débat, de l'entresoi ou du consensus. Mais la fin du Débat, avec ou sans majuscule, n'illustre et n'augure rien de bon.

samedi 22 août 2020

Les Balssàs, de Balzac en Boudou...

Je ne peux m'en empêcher : relire Joan Bodon (Jean Boudou en français) me pousse toujours à témoigner de l'immense auteur qu'il fût. J'ai déjà dit sur ce blog, en septembre 2017 ("Jean Boudou, tout simplement") ce que fût son oeuvre pétrie de terroir, d'humanité, d'histoire et de fantastique. "Parle de ton village et tu seras universel", écrivait Tolstoï : jamais cette belle formule ne s'appliquera mieux qu'à Bodon.

J'ai donc relu Contes dels Balssàs, le récit historique et un peu fantastique de la dynastie des Balssà, qui s'implantèrent de part et d'autre du Viaur, en Rouergue et en Albigeois, tôt dans le deuxième millénaire, jusqu'à nos jours. De cette lignée est issu Joan Bodon, et avant lui Honoré de Balzac. Cet ouvrage, un peu balzacien d'ailleurs, sobre dans le style mais exceptionnel dans sa langue d'oc, est habité d'un souffle qui n'appartient qu'aux plus grands...

Bodon, je ne le répéterai jamais assez, est immense et à coup sûr un des plus grands écrivains du 20ème siècle. Marginalisé de par son choix d'écrire en occitan, en proie au doute et trop modeste pour pousser les portes de la renommée, il n'est vraiment connu que des initiés, et pourtant.

"Français, si vous saviez...", comme écrivait Bernanos...

dimanche 16 août 2020

Reine du shopping, culture pour tous...

Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour que la sémillante nouvelle ministre de la Culture soit rattrappée par son personnage. On pourra donc voir dans quelques jours Roselyne Bachelot en lice pour le tire de Reine du shopping, sur une chaine que l'on qualifiera de populaire. Oui, on en est là.
Il convient de préciser que l'émission a été réalisée avant la nomination rue de Valois ; Madame Bachelot précise que ladite émission est là pour soutenir les malades d'Alzheimer, et qu'elle est fière de son "engagement". Je ne sais s'il faut entendre engagement au sens contrat de travail, ou dans son acception contemporaine d'agitation, citoyenne et rebelle, pour brandir un étendard de postures avec lesquelles tout le monde est d'accord. Quoi qu'il en soit, le mélange des genres est calamiteux.
Une fois quittée la politique, rien n'empêchait RB de se répandre sur les plateaux télé : c'était son choix. Mais la décence aurait alors voulu qu'elle ne revint pas aux affaires, quel que soit l'attrait du ministère, sous peine d'encourir le ridicule ou la décrédibilisation.
Voilà bientôt trente ans - une éternité - que l'austère Lionel Jospin crût bon d'entonner Les feuilles mortes dans une émission de variétés. A présent on en est à Bachelot reine du shopping : c'est à ces petits riens que se mesurent la modernité et la crédibilité de nos dirigeants. L'art de gouverner est de plus en plus complexe, si ce n'est vain : inutile de courir après le ridicule.

mardi 4 août 2020

Andreï Kourkov, fraîcheur par temps de canicule

Lire en août et par temps de canicule n'oblige pas à se rabattre sur la littérature (enfin, façon de parler) de plage. J'ai ainsi profité d'un confinement météorologique pour trouver un peu de fraicheur livresque venue de l'Est, en relisant trois ouvrages d'Andréï Kourkov : Le pingouin (1996), Les pingouins n'ont jamais froid (2002), L'ami du défunt (2001), tous parus chez Liana Lévi.
Kourkov, né à Léningrad puis résident à Kiev, est avant tout l'écrivain de la dislocation soviétique. Dans ses pages, on plonge dans l'Ukraine des années 90 qui, à l'image du reste de l'empire rouge, se débat entre misère et pauvreté, alcool et mafia, corruption et violence, et vicissitudes en tous genres. Pourtant, loin de tout pathos hyperréaliste, Kourkov raconte la déliquescence avec une ironie loufoque, entre humour et tragédie. Dans son univers aux personnages foutraques, on s'amuse autant qu'on frissonne, mais la tendresse n'est pas marchandée, même aux salauds.
Le style est contemporain, sans affectation mais sans vulgarité ni facilité. La sobriété et l'épure témoignent d'un travail littéraire, et le résultat est plaisant à lire, en même temps que, comme toute bonne littérature, il conte un peu de l'histoire des hommes...

dimanche 26 juillet 2020

Christophe Girard et le vol du boomerang

Je n'aurais jamais pensé prendre la défense de Christophe Girard, mais cela m'amuse presque. Je ne parle pas de l'homme, que je ne connais pas et que certains apprécient ; je fais référence à l'emblème municipal de la culture parisienne, de ses idées, de ses travers, de ses moeurs et de ses accointances. 
Jusqu'à ces derniers jours, où un duo de virago féministes a obtenu son scalp et sa démission, au motif que Girard a été entendu comme témoin dans l'affaire Matzneff. 
L'activisme de ces deux harpies, soutenues par une vingtaine de manifestants, fait froid dans le dos. Et l'on commence à découvrir que la justice de la rue devient folle, et que les postures de certain(e)s militant(e)s soi-disant progressistes ont de quoi faire pâlir d'envie la fachosphère. Que les turpitudes humaines aient toujours été au coeur de la politique est une chose, que les névroses deviennent un étendard en est une autre. 
Pour autant, la "gauche américaine" qu'a incarné Girard n'est-elle pas un peu le creuset de ces monstres contemporains ? Ce creuset nourri des campus américains, faisant la part belle aux idées mondialistes, écolos,féministes, antiracistes, LGBT, PMA et j'en passe, ce creuset qui aurait du permettre le débat et ne débouche que sur l'anathème, ce creuset n'accouche que de revendications individualistes, immatures et contradictoires. Et, désormais, sans la moindre retenue. On rappellera que le maire du 4ème arrondissement qu'il était s'était assez piteusement soumis au politiquement correct qui "déboulonna" la commémoration du compositeur Dutilleux, résistant reconnu mais coupable d'avoir composer une partition pour un film de Vichy...
Ce que Christophe Girard reçoit aujourd'hui, c'est le crachat des enfants terribles qui ont besoin d'un père à tuer. Cette fonction à laquelle il a opportunément consacré jadis un livre. Le risque, c'est que les monstres prennent vite goût au sang.

samedi 18 juillet 2020

Richard Millet : l'Angélus ou le glas ?

Voilà peu, il était encore considéré comme l'un des tout meilleurs écrivains français vivants. C'était il y a moins de dix ans. Une éternité. Richard Millet écrivait bien, et en tant qu'éditeur il raflait deux Goncourt (2006 et 2011)... On ne goûtait pas forcément une esthétique très droitière, ou son collapsisme établissant la fin de la littérature française, ou son dégoût du multiculturalisme. Mais le talent et la dimension de l'homme s'imposaient aux attaques de plus en plus acérées. Son oeuvre exaltait le temps, la mort, la Corrèze, la langue ; sa langue, noire et crue, exempte de toute vulgarité, était d'un autre temps.
Et puis, en 2012, il y eut "Eloge littéraire d'Andréas Breivik". Provocation ? Suicide ? Dérive ? ou simple travail littéraire ? On retrouvera sur ce blog, de septembre à novembre 2012, ce que nous pensions de cet ouvrage. Il déclencha surtout l'ire de ceux qui, semble-t-il, ne le lirent pas ; Annie Ernaux pris l'initiative d'une fatwa et, accompagnée de l'inévitable Le Clézio et de quelques dizaines d'auteurs inconnus, exigea dans une pétition adressée à Gallimard que l'ignoble soit interdit d'écrire et de publier. Gallimard minauda un peu puis Millet remit une "démission forcée". Il a depuis sorti dans un parfait silence quelques titres chez Pierre-Guillaume de Roux ou Leo Scheer, ce qui n'arrange pas son cas aux yeux des hyènes, livres bien entendu privés de toute critique. L'ostracisme est bien verrouillé.
Que la chute de Richard Millet tienne pour beaucoup à sa propre paranoïa, c'est sûr; qu'il y ait dans ses écrits quelques dégueulasseries qui eussent pu, selon Pierre Jourde, justifier un cassage de gueule, c'est évident. Mais avoir vu des écrivains réclamer la censure pour l'un d'entre eux restera un grand et triste moment de ce début de siècle...
Et c'est ainsi qu'a disparu des radars l'un des plus talentueux écrivains vivants. Misère de misère...

mardi 7 juillet 2020

Bachelot, du masque à la plume...

Et de trois : au bout de trois ans de mandat présidentiel, c'est le troisième ministre de la Culture qui vient d'être nommé. Et c'est... Roselyne Bachelot.
Je sais, ça fait drôle. On l'avait laissée, en tant que ministre, aux prises avec les masques H1N1 et quelques avatars concomitants. On l'avait depuis subie, au sein des aréopages de Ruquier et Hanouna , dans des émissions "populaires" où son langage de charretier et sa finesse de poissonnière faisaient merveille. Elle qui jurait ne jamais redevenir ministre, fonction "cauchemardesque", s'éloigne désormais les plateaux de Cyril Hanouna pour animer la rue de Valois...
En mode franchement optimiste, que peut-on espérer ? D'aucuns (peut-être pas tout à fait désintéressés ?) la présentent comme cultivée, notamment en matière d'art lyrique. Certes. Elle possède aussi la dimension politique qui a manqué à ses prédécesseurs, le poids qui va avec et l'expérience ministérielle de gestion d'une administration. Elle a également les faveurs des communautés agissantes dans la "culture". Ce sont incontestablement des atouts.
On a coutume de dire que la droite privilégie le patrimoine, quand la gauche préfère la création. Avec Roselyne Bachelot on ne devrait pas déroger à la règle, même si elle trouvera à coup sûr les paroles verbales qui essaieront de faire croire le contraire. Après une Françoise Nyssen peu faite pour la politique et un Riester transparent, elle peut apparaître comme une garantie communicante.
Mais quand même. Bachelot à la Culture, comment dire....

vendredi 26 juin 2020

C'était Joan-Pau Verdier

La camarde occitanophobe est particulièrement déconfinée. Quelques jours après Michel Roquebert, elle enlève Joan-Pau Verdier du monde de la musique, occitane et universelle.
Le troubadour périgourdin fût dès le début des années 70 l'un des grands noms de le nouvelle chanson occitane, avec Marti, Patric, Rosina de Peire, Marie Rouanet et quelques autres ; on peut même dire qu'il fût avec Marti l'avant-garde de cette épopée, qu'il a bien contribué à désenclaver. Il s'intéressera par la suite à toutes les musiques, sans s'écarter de ses convictions et en honorant jusqu'à ces dernières semaines une chronique en langue d'oc sur France-Bleu Périgord.
Il a toujours occupé une place à part dans cet univers occitan ; il fût aussi le premier à évoluer du folk vers le rock ; d'autre part il chantait en dialecte périgourdin, quand les autres s'exprimaient en languedocien ou provençal. Il avait beaucoup adapté Ferré, dont il était devenu l'ami (ainsi que de Cabrel), puis plus tard Brassens. On se souvient qu'il avait composé la bande originale d'Histoire d'Adrien, premier film en occitan et Caméra d'or à Cannes en 1980. A la fois fidèle à ses idées libertaires et accueillant au monde, son éclectisme démontra si besoin était qu'on peut être attaché à son identité et ouvert à la culture des autres. 
Sa singularité lui valût bien à ses débuts quelques ostracismes de militants étroits, d'autant qu'il fût également le premier à signer avec une major (Philips). Le temps lui a fait justice de ces griefs puérils.
Il n'avait que 73 ans, et il manquera.

mardi 23 juin 2020

De l'inculture et de l'actualité

On sait que notre époque moderne offre depuis longtemps une fâcheuse tendance à faire du passé table rase. Cela permet de maintenir le citoyen-consommateur dans la dictature de l'instant et dans la docilité, au cas où l'envie lui prendrait de resituer cet instant dans une perspective plus "historique", ce qui pourrait bien le désaliéner quelque peu. Mais voilà qu'arrive ces temps-ci un péril encore plus pervers : le passé accepté et... photoshopé à des fins opportunes. A grand renfort d'inculture, ce qui permet de dire généralement n'importe quoi et de promouvoir, en l'espèce, un "décolonialisme" un peu débile.
On avait pu observer, au temps des Gilets jaunes, comment l'incurie culturelle et historique avait empêché le mouvement de structurer son essence pour devenir un  interlocuteur adulte. La méconnaissance de l'Histoire, notamment politique, l'ignorance des idées, des pensées et des concepts qui accompagnent depuis toujours la marche du monde ou du pays pour y faire sens, l'absence des référents structurants, tout cela avait fait avorté ce mouvement populaire. Le dessinateur Xavier Gorce avait bien résumé la chose dans un dessin humoristique où des Gilets jaunes s'exclamaient "Nous exigeons !... et n'essayez pas de nous piéger en nous demandant quoi !"
L'inculture chez les décolonialistes est encore plus flagrante. On se souvient de l'attaque, au nom du fameux délit de blackface, contre les Suppliantes d'Eschyle, pièce des plus universalistes qui soient. Aujourd'hui dans un collimateur bien encombré le "Swing low, sweet chariot" des supporters de l'équipe d'Angleterre de rugby, chant issu de l'esclavage qu'on pourrait tout aussi bien considérer comme un hommage. L'Histoire est source d'ambivalence, tout comme l'action politique ou économique...La quasi-totalité des gens ayant détenu des responsabilités peuvent mériter des louanges ou des critiques, selon l'époque ou la lecture de celle-ci. Personnellement je ne suis pas un fan de Jules Ferry, pour de multiples raisons, mais je ne verrai pas son déboulonnement comme un bon signe... La République elle-même n'est pas vierge de tout reproche. Mais c'est tout cela qui fait aujourd'hui le socle de notre "vivre ensemble" si encensé.
Je ne nie pas la légitimité du ressentiment chez l'ancien colonisé. Encore faudrait-il savoir quel est le sens de ce que l'on entend dénoncer, et surtout le sens de son action au regard du temps long. Et manifestement la plupart de ces (jeunes) militants préfèrent les slogans au travail d'analyse.
Je ne suis pas non plus dupe de la mauvaise foi, de l'opportunisme carriériste et de l'instrumentalisation qui pilotent largement ces manifestations. Et j'ai toujours combattu toutes les formes de colonisation, y compris à l'intérieur de l'hexagone : c'est pour cela que je déplore que nos décolonialistes du XXIème siècle n'aient comme ressort que la méconnaissance, l'arbitraire, la violence et la perversité qui furent de tout temps les armes des colons. 
Car il ne suffit pas d'avoir capté quelques éructations sur les campus américains pour revendiquer une réflexion qui serait adaptée à notre vieille métropole. Ce risque de pauvre terrorisme intellectuel n'est en général que ce qui reste quand on est ignorant de sa propre culture et de son Histoire;

mercredi 17 juin 2020

C'était Michel Roquebert

On avait fini par le croire immortel, tellement il s'était institué comme l'incarnation de l'Histoire du catharisme et de ses conséquences. De 1970 à 1998, son "Epopée cathare" avait ressuscité en 3000 pages le roman de l'Occitanie médiévale ; son travail d'historien, ses travaux de recherches archéologiques, sa rigueur minutieuse avaient produit une oeuvre de référence, unanimement reconnue et saluée. Balayant "le grand manteau de balivernes" déversé sur Montségur par des fureurs (führer ?) mystiques, prudent face à quelques emballements militants, il avait construit une oeuvre remarquable d'érudition et d'intégrité qui fait autorité.
De ses études sur les châteaux cathares, il avait élargi ses recherches au catharisme, et de là à l'Histoire de l'Occitanie, autour d'une période dont les conséquences préfigurent largement la France d'aujourd'hui : c'est de ce travail (et de celui de son mentor René Nelli) que découle pour une bonne part la prise de conscience d'une identité occitane, même si celle-ci ne se réduit évidemment pas au catharisme. Beaucoup d'historiens étrangers découvrirent ainsi l'Occitanie, et s'intéressèrent à leurs propres hérétiques... L'influence de Roquebert est au moins européenne.
Nous nous étions rencontrés le temps d'une campagne électorale aux Elections européenne de 1984, où nos noms figuraient sur la même liste. Je connaissais évidemment son oeuvre : l'homme que je découvris alors m'impressionna tout autant, par sa prestance et l'acuité de son œil d'aigle...
Il n'aura pas vu le classement de ses "Citadelles du vertige" au patrimoine mondial de l'Unesco, candidature qu'il avait initié voilà quelques années et qui est toujours en cours. Mais ce qu'il a fait en tant qu'auteur et transmetteur pour ce "patrimoine", mondialement reconnu ou pas, le consacre définitivement comme un pan de notre civilisation occitane.

vendredi 12 juin 2020

D'Agatha Christie à Bugs Bunny

L'activisme pré-pubère est, on le sait, un des signes de la modernité agissante. A notre époque, on le sait aussi, le mot est pire que la chose, et il est plus simple de dénoncer que de chercher à comprendre. L'émotion ordonne et la vertu commande.
Ne serait-ce que dans le domaine littéraire ou "culturel", on avait déjà débaptisé "Les dix petits nègres" d'Agatha Christie, au motif que le mot nègre est devenu blessant : il faut ne pas avoir lu le livre pour trouver ce titre incorrect ou insultant, mais bon... A présent, c'est "Autant en emporte le vent" qui est dans le collimateur vertueux, et une plate-forme de streaming vient de retirer le film de son offre : dépeindre la vieille Amérique sudiste d'avant la guerre de Sécession, avec ses familles et sa culture de l'époque, équivaudrait à faire la promotion de l'esclavage...
Enfin, et c'est en soi un véritable gag, dans les dessins animés les partenaires de Bugs Bunny n'auront plus d'armes à feu : on verra donc Elmer le chasseur courir après le lapin...  armé d'une faux ! Les armes tranchantes, certaines communautés vous le diront, sont plus politiquement correctes que les armes à feu, comme ce vieux tromblon enfumé d'Elmer. On se demande si le ridicule ne serait pas plus meurtrier. Il est des hommes d'affaires qui visiblement ne croient guère à l'intelligence de leurs clients ; peut-être n'ont-ils pas tort, mais...
On peut toujours comprendre les motivations, bonnes ou mauvaises, de tout cela. Il n'empêche que ces pratiques rappellent furieusement la propagande stalinienne. Et à vouloir corriger le passé, on ouvre la voie aux révisionnistes de demain. Que le temps puisse faire évoluer le regard sur une oeuvre, rien de nouveau à cela. Mais de quel droit réécrit-on l'oeuvre d'un créateur au nom de la morale et du bien, concepts les plus arbitraires qui soient ?
Il est vrai que quand la vertu commande la mauvaise foi peut rapporter gros.

vendredi 29 mai 2020

Librairies, avant-garde en faillites...

Du plus loin que l'humanité s'en souvienne, les Arts et la culture ont toujours fait office d'avant-garde ; ils sont toujours des marqueurs de l'histoire du monde : leur perte d'influence augure de l'avenir de celui-ci.
Ainsi a-t-on pu noter ces derniers jours la fermeture de deux librairies du Quartier latin, deux institutions : Boulinier (librairie indépendante centenaire) et Picard et Epona (propriété d'Actes-sud). Plus récemment, en province cette fois, on apprend la liquidation judiciaire de trois librairies de Gibert Joseph. La situation du secteur étant ce qu'elle est, nul doute que les mois qui viennent ne soient une véritable hécatombe. Qu'on se console : les pas de porte ne resteront pas longtemps vacants, au profit d'un fast-food, ou d'un magasin de fringues, ou d'une enseigne de chaussures, capables de supporter la hausse des loyers...
Car les fripes à bon marché ou la malbouffe ne sortiront pas agonisantes de la crise: le consommateur contemporain conserve son sens des priorités. J'ai ainsi vu (à Toulouse) une pharmacie mettre la clé sous la porte et laisser la place à une parfumerie discount. Nous vivons une époque moderne.
Tous les économistes sont d'accord pour annoncer une catastrophe chez les travailleurs indépendants, commerçants, artisans... Ce sont justement ces professionnels qui donnaient encore un peu de sens et de lien social à ce vivre ensemble dont on nous rebat les oreilles.
Le grand carnage est-il amorcé ? Je ne sais pas, mais il me semble que le sort que vont connaitre les librairies (et les galeries, et les théâtres, et...) est férocement annonciateur de lendemains qui déchantent.

jeudi 21 mai 2020

Le jour d'à peu-près...

Le jour d'à peu-près, disais-je dans le billet précédent. Si je demeure furieusement perplexe sur les effets futurs de la présente crise sanitaire, je ne peux éviter quelques constats. Le premier, c'est que le droit individuel tant dominant s'est effacé en un clin d'oeil devant l'idée de santé collective : mais est-ce une bonne nouvelle ? j'en doute, et j'y vois plus d'instinct grégaire que d'altérité. Le deuxième, c'est que se sont banalisés télétravail, téléconsultations et même téléobsèques : dans la mondialisation connectée, la relation humaine est devenue surnuméraire. Le troisième (qui rejoint le premier) c'est que la crise (c'est-à-dire la non-maitrise de ce que l'on croyait contrôler) a paradoxalement tendance à renforcer le poids des institutions qui ont failli : les sujets supposés savoir, les grands scientifiques à la ramasse qui se contredisent sur les plateaux télé, les grandes chaines de production médiatique qui n'ont rien à dire...
Partant de ces constats, on ne voit rien qui remette en cause le couvercle qui régit nos vies ; on pourra toujours évoquer un nouveau contrat social (les soignants mieux reconnus, les circuits courts redécouverts, les producteurs plutôt que les administreurs, etc...) ou la nécessité de retrouver des ancrages locaux, ou réapprécier ces irremplaçables outils que sont les frontières, mais sera-ce autre chose qu'un feu de paille ? Retrouver du sens et analyser le retour du refoulé, certes, mais en face il y a des tendances lourdes, à commencer par les Gafa de plus en plus omnipotents...
Ne désespérons pas de l'individu, comme on dit tant de penseurs. Mais il faudra à celui-ci une autre remise en question que celle que lui dicteront les écrans.

lundi 11 mai 2020

Covid interruptus ?

Nous y voici donc. Le jour d'après, ou plutôt d'à peu-près. Celui dont chacun fait semblant de croire que c'est le premier d'une nouvelle ère, où rien ne sera plus comme avant... La seule certitude, c'est que c'est le premier jour du (premier ?) déconfinement.
On aura donc vu un peuple réputé rebelle et ingouvernable accepter avec allégresse une infantilisation et une assignation à résidence qu'en d'autres temps il aurait conspuer en mettant le pays en insurrection. Il est vrai que la trouille prépare bien le terrain aux contraintes à  venir. Ce peuple sort de sa tanière, ne va pas trop loin et, fidèle sans le savoir à Descartes, il avance masqué. Et bien sûr chacun y va de son plaidoyer pro domo et de ses prédictions a posteriori. Et ce bon vieux peuple, donc, ayant retrouvé un zèle délatoire qu'on croyait révolu depuis Vichy, réclamera bientôt des têtes. Certains espèrent qu'il ira les chercher.
Naturellement, on en tirera bien quelques leçons pour une autre fois. Prochaine fois qui évidemment sera différente, et donc leçons tout aussi inopérantes. Quelques certitudes quand même : au delà des polémiques, beaucoup penseront moins à changer la vie qu'à garder ou retrouver leur boulot, n'en déplaise à quelques stars pétitionnaires. Et la France repartira pour quelques années de vaches étiques.
Des raisons plus personnelles me feront suivre l'évolution du monde de l'édition : une fois les cadavres comptés, comment réagiront les survivants ? en finira-t-on avec la course à la trésorerie pour revenir à une publication moindre mais de meilleure qualité ? ou au contraire va-t-on produire à tout va par souci du court terme ? en publiant par exemple tous les manuscrits de médecins revenus des plateaux télé ? Nous verrons bien, mais en l'occurrence je ne suis pas de ceux qui pensent qu'une crise génére toujours une part de positif. Et je crains que Houellebecq, dont on connait le sens prémonitoire, n'aie raison de pronostiquer "un monde pareil, en un peu plus pire"...

jeudi 7 mai 2020

Giscard a la barre !

"Giscard à la barre", c'était le slogan de sa campagne de 1974. Et dans la série contemporaine "Faut-il en rire ou en pleurer ?" voilà le retour de VGE. Et un Giscard toujours jeune, semble-t-il : une journaliste allemande de 37 ans vient de déposer plainte contre l'ancien président pour... agression sexuelle. Mais oui, à 94 ans, celui-ci a encore une main baladeuse, qui se serait égarée sur la fesse teutonne.
Que le geste soit crétin, nul n'en disconviendra, surtout de la part de quelqu'un qui se verrait bien aristocrate et qui n'en est pas à un coup d'essai : Brigitte Bardot en avait témoigné du temps qu'elle était belle. La vulgarité est une chose assez bien partagée. Et que la journaliste surfe sur une vague porteuse qui pourrait lui valoir un peu de notoriété, elle n'est pas la première ; mais je pense qu'elle aurait pu évoquer la chose autrement et avec un peu plus de panache. Avec un peu de subtilité et d'humour elle aurait exécuté l'inconvenant encore plus sûrement, et de belle manière... Il est vrai qu'humour et subtilité ne sont pas les vertus les plus répandues chez les néo-féministes, pas plus que la culture.
Une fois de plus, notre époque est perdue dans son envie de pénal, comme écrivait Muray ; peu importe le contexte,  le marteau de la loi doit enfoncer le clou de la morale. Et un vieux libidineux de 94 ans va se retrouver devant le tribunal, à moins bien sûr qu'une transaction sonnante et trébuchante vienne apaiser la plaie de la plaignante outragée, pour une agression bien peu virulente. Cela flattera peut-être le prévenu, mais on s'interrogera sur un monde capable d'envoyer un vieillard aux galères pour une main au cul...
La vieillesse est-elle une excuse ? je n'en sais rien. Mais de mon temps on pardonnait aux anciens, surtout pathétiques, justement parce qu'ils étaient anciens, qu'ils avaient donné ce qu'ils avaient à donner, et que l'âge ramène parfois à l'enfance. Ce n'est plus de mise à présent. Peut-être décidera-t-on bientôt de protéger notre société et sa morale en confinant tous ces vieillards indignes en EHPAD : un petit coup de coronavirus, et le tour est joué.

mardi 28 avril 2020

De Céline à Raoult...

La quinine serait-elle, siècle après siècle, un redoutable révélateur des moeurs des institutions médicales ? Depuis Céline jusqu'au Professeur Raoult, on peut se poser la question.
En 1925 paraissait chez l'éditeur Douin un traité La quinine en thérapeutique, signé d'un médecin parisien, Louis Destouches. On aura reconnu celui qui signera plus tard Louis-Ferdinand Céline. Dans le même temps, les premières velléités littéraires de celui-ci se concrétisèrent sous la forme d'une pièce de théâtre, assez moyenne et éditée bien plus tard, intitulée L'Eglise. Cette pièce en trois actes concentre tous les griefs du Docteur Destouches contre l'establishment des institutions médicales de l'époque, qu'il connaissait bien pour avoir longtemps travaillé à la Fondation Rockfeller et à la Société des Nations. Ce titre de l'Eglise n'est pas anodin, et l'auteur expliquera comment ces institutions relevaient collectivement d'une église, avec ses prêtres, ses serviteurs et ses fidèles gouroutisés, fédérés autour d'intérêts communs et du pouvoir que leur conférait une Vérité officielle et indiscutable. Il est difficile de citer ici des extraits, pour des raisons "céliniennes" faciles à deviner, mais leur actualité est assez bluffante...
En 2020, autant dire un siècle plus tard, la quinine chère à Céline revient sur le devant de la scène, rebaptisée hydrochloroquine, par le biais du Professeur Raoult. Au delà des vertus thérapeutiques du traitement prôné par ce dernier, sur lesquelles nous ne nous prononcerons pas, ce sont les réactions de l'establishment (celui de 2020) à l'encontre du médecin marseillais qui apparaissent de la même veine que ce que décrivait déjà l'écrivain. Raoult aura au moins eu un mérite, celui d'illustrer à travers ses longs conflits, avec Lévy et l'Inserm par exemple, ou au sujet de l'hydrochloroquine plus récemment, ce que cet univers peut générer d'entre-soi, de favoritisme, de brimades, de médiocrité et d'absurdité, sur fond d'endogamies suspectes. "La tartufferie monstrueuse de gros intérêts économiques et par conséquent des pouvoirs publics", écrivait Céline en son temps.

jeudi 23 avril 2020

Amazon à défendre ?

Il est des entreprises qu'on adore détester, même si on utilise leurs services au-delà du raisonnable : Amazon est de celles-là. Comme souvent en France, leurs syndicalistes ne sont pas les derniers à faire ce qu'ils peuvent de croche-patte ; c'est ainsi que, à la suite d'une sombre histoire de concertation du personnel, Amazon vient de se faire interdire de vendre des livres, ceux-ci n'étant, on le sait, pas des produits de première nécessité.
Il ne s'agit pas ici de minimiser les effets dévastateurs d'Amazon, notamment sur les petits commerces en général et les librairies en particulier. Mais dans les moments que nous vivons, où les librairies sont fermées, Amazon restait, en quelque sorte, le seul bouquiniste disponible pour trouver un livre rare ou ancien. Désormais ne sont plus accessibles pour qui veut acheter un livre que les rayons des grandes surfaces : l'offre n'y gagnera pas en qualité et, comme toujours, c'est la grande distribution qui gagne à la fin.
Il se trouve qu'aujourd'hui, contrairement à une époque, les troupes syndicales (troupes est un bien grand mot) ne sont plus contrôlées par leurs dirigeants du sommet et n'ont qu'un sens relatif de leur fonction sociale ou politique. On ne sera donc pas surpris que les gens de SUD et de la CGT, puisque c'est d'eux qu'il s'agit en l'occurrence, ne se sentent pas trop concernés par le livre : on a la hauteur de vue qu'on peut...
Il me semble urgent de rouvrir les librairies, qui ne sont pas plus infectées que les grands magasins, et où le dernier attroupement doit bien remonter au milieu du XXème siècle... Ouvrir une école c'est fermer une prison, disait en substance V. Hugo ; ouvrir un livre, c'est fermer la gueule d'un populiste, à quel extrême qu'il se situe.

dimanche 19 avril 2020

Virus jacobin

Le propre des situations de crise est d'être, au delà de leur gravité, de vrais révélateurs, vis-à-vis notamment de l'organisation sociale. Même si on ignore encore la dimension historique de l'actuelle épidémie de Covid 19, celle-ci a déjà révélé -mais était-ce vraiment une surprise ?- les limites de notre Etat omnipotent, ventripotent et jacobin. Impréparation, lourdeur, manque de réactivité et d'équipements n'ont pas facilité la tâche des politiques et seraient plus faciles à pardonner si la dépense publique n'atteignait pas près de 60% du PIB...
Mais c'est surtout sur le caractère jacobin de ce pays qu'il me semble urgent de se pencher. C'est sur ce modèle que s'est organisée la France de 1793, avec de sanglantes mises au pas des cultures régionales. Et c'est ainsi que depuis il n'est bon bec que de Paris. Ailleurs, d'autres nations se construisaient autour des régions. Comme l'Allemagne.
L'Allemagne, qui se révèle comme le pays le plus efficace dans son traitement de la crise sanitaire : le système de santé, lui aussi structuré autour des Länder, s'est montré bien plus réactif et opérationnel que le nôtre, où la noble mobilisation des soignants ne parvient pas à masquer l'impéritie des moyens, l'embourgeoisement des institutions médicales et l'endogamie parisienne, le bricolage des déplacements de malades et les appétits des laboratoires.
Le jacobinisme naquit un jour du vieux fantasme d'un Etat fort et juste ; il n'a pas été seulement le fossoyeur des cultures de l'Hexagone, il est plus que jamais un principe, quasi-religieux pour certains, qui ne génère plus que des coûts, des lourdeurs et de l'inefficacité, et donc une institution faible et inégalitaire à l'opposé des objectifs. La culture jacobine ne peut plus faire sens, prise entre l'étau des régions vivantes (et riches d'identité) et une Europe dont les technologies et la mondialisation imposent, qu'on le veuille ou non, la dimension.
Le problème me semble davantage culturel que politique. Il est des aliénations franco-françaises qui mériteraient un peu d'introspection.

mercredi 15 avril 2020

Le renouveau nouveau est arrivé ?

Il n'est pas un journal, dans les temps obscurs que nous vivons, qui ne fasse un effort d'optimisme pour nous convaincre des vertus d'une vraie intelligence, passant notamment par la culture et la lecture : nombre de nos congénères retrouveraient au coeur du confinement le plaisir de s'intéresser aux choses ordinairement sacrifiées au matérialisme, dont la lecture. Fort bien.
Est-ce mon pessimisme ronchon ? mes penchants réactionnaires ? mon vieux côté atrabilaire ? Toujours est-il que le doute, comme on dit, m'habite. Je veux bien avoir confiance en mon prochain, ou du moins en une partie de celui-ci, mais :
1 - Les librairies sont fermées ce qui, convenons-en, complique l'achat de livres ; je sais bien qu'il existe d'autres fournisseurs, mais ceux-ci ont leurs contraintes, d'autant que le livre n'est pas classé dans les produits essentiels...
2 - Je ne doute pas que des gens à la fois culturés et confinés replongent dans les rayons de leur bibliothèque pour passer le temps, mais ceux-là ont toujours plus ou moins lu et continueront à le faire : nihil novi sub sole.
3 - Le doute m'habite encore plus quand j'entends parler de l'intérêt retrouvé pour les "produits culturels" : cette catégorie inclue en effet les jeux video, les DVD, les CD... dont le caractère culturel, pour certains, n'est pas toujours flagrant.
4 - Certaines maisons d'édition ou diffuseurs offrent gratuitement (pardonnez le pléonasme mais il est tellement contemporain...) des lectures à télécharger. Malheureusement en profiter suppose de posséder une liseuse électronique : cela limite l'impact même si bien sûr on vous propose de l'acheter...
Quelque chose me dit que les lecteurs continuent de lire, et que ceux qui ne lisent pas (et qui donc en auraient le plus besoin) ne liront pas davantage. Et que globalement les choses de l'après ressembleront beaucoup à celles de l'avant... Pas pires, certes, mais guère meilleures non plus. On peut influencer les réflexes du consommateur mais il est plus difficile de bouger les atavismes culturels.
Sic transit gloria mundi.

samedi 11 avril 2020

Déjà parus...

En ces temps obscurs propices à la lecture, un petit rappel de mes oeuvres déjà parues...

          - Les Saints des derniers jours     L'Harmattan 2018
          - Le répountchou qu'es aquo ?     Vent Terral  2017
          - Mona Lisa ou la clé des champs     L'Harmattan   2014
          - Passeport pour le Pays de cocagne     Elytis  2012
          - Aveyron Croatie, la nuit     L'Harmattan  2011
          - Histoires peu ordinaires à Toulouse     Elytis  2008
          - Histoires peu ordinaires au Cap Ferret     Elytis  2007
          - Week-end à Schizoland     Elytis  2005
          - La Branloire pérenne     Elytis  2002

En vente dans toutes les librairies, chez l'auteur (rubrique commentaires sur ce blog) et chez l'éditeur.
Les ouvrages publiés chez l'Harmattan sont également disponibles en version numérique (www.harmattan.fr)

vendredi 3 avril 2020

Opportunités virales

J'écrivais il y a peu que, pendant la crise sanitaire, les affaires et la com' continuaient. La première règle de la communication, on le sait, consiste, pour faire sa promotion, à surfer sur l'actualité du moment. C'est-à-dire pour l'heure sur le coronavirus.
Voici donc que, après un nombre appréciable de politiques, exposés par les poignées de main et les bises, c'est au tour des chanteurs, des acteurs, des saltimbanques divers de nous annoncer qu'ils sont enfin remis du virus. Fort bien. Dommage que bizarrement ces valeureux miraculés se recrutent plus dans les cohortes des demi-gloires en perte de notoriété que dans les hauts des affiches...
Autre affaire, même moeurs. Profitant de l'affaire Matzneff et dans la droite ligne de la doxa germanopratine de ces semaines, Jérôme Garcin annonçait voilà quelques jours qu'il démissionnait du Jury Renaudot, ne se pardonnant pas d'avoir donné le prix à la brebis galeuse, il y a quelques années. Battant sa coulpe en espérant qu'une femme lui succéderait. A ma connaissance, cette annonce a davantage fait rire qu'interpellé. Elle a pourtant suscité des vocations, et voilà que Jean Marie Gustave Le Clézio annonce (tous ensemble) qu'il lui emboite le pas, affirmant sans rire : "Je vais le suivre. Depuis des années je suggère que le jury soit féminisé. Mais chacune de mes listes a été retoquée".
Il est vrai qu'on ne parlait plus trop de lui, arbitre des élégances morales et des indignations consensuelles, et accessoirement un des plus insignifiants Prix Nobel de tous les temps. Il eût été regrettable que la morale aille plus vite que lui.

samedi 28 mars 2020

Temps libre, châteaux de cartes et tours d'ivoire...

Un jour viendra où cela s'arrêtera. Sur quel bilan, on l'ignore ; avec combien de cercueils, enterrés ou brûlés à la sauvette ? combien de victimes chez les soignants, qui engagent leurs vies quand des syndicalistes à l'emploi garanti prônent le droit de retrait à tout propos ? quelles conséquences humaines lors de la longue crise économique qui suivra ? On entend déjà une populace, revenues des rond-points ivre de ses récentes compétences en épidémiologie, qui braille "Il faudra rendre des comptes !" avec une gourmandise qui rappelle quelques belles épurations comme le XXème siècle en connût...
Alors, auront enfin cessé ces pathétiques "journaux de confinement" et autres théâtralités narcissiques qui pourrissent notre quotidien quand on goûterait le silence et la pudeur. Mais, même pendant les guerres, les affaires et la com' continuent...
Des chateaux de cartes s'effondreront. Le mythe d'une Europe où l'ouverture, la libre circulation et l'austérité étaient le meilleur rempart pour garantir les sécurités : comme l'a dit Hubert Védrine, l'idée de cette Europe était conçue pour un monde sans tragédie. Résultat, l'Italie, premier pays européen touché, est à nouveau ravitaillé en masques par la Chine, le premier convoi ayant été volé par les Tchèques... S'effondrera aussi le mythe du "meilleur système de santé au monde", comme l'armée française fut la meilleure armée du monde... jusqu'à 1940.
Derrière ce château de cartes là, vacillera peut-être en France la tour d'ivoire de la nomenklatura médicale, plus courageuse pour s'attaquer à l'homéopathie ou à la psychanalyse que pour prendre dans l'urgence des décisions un peu risquées, dès lors que les procédures sont bousculées. En espérant qu'aucun scandale ne viendra accréditer les délires complotistes...
En attendant soyons reconnaissants envers les soignants de terrain. Et restons confinés. La plupart des gens s'en lamentent. Il me souvient que l'idée la plus "sociale" de la gauche arrivant au pouvoir en 81 avait été la création d'un... Ministère du Temps libre ! Quarante ans plus tard, le consommateur ne sait plus qu'en faire. Misère des temps.

dimanche 22 mars 2020

Delfeil de Ton, souvenirs et cerveau disponible

On le sait, le confinement exacerbe la créativité. D'une part dans les media, qui sollicitent des chroniqueurs pour témoigner de cette situation inédite. Et d'autre part, bien sûr, chez lesdits chroniqueurs. Ainsi, le Monde sollicite Eric Chevillard, et Bibliobs publie Delfeil de Ton. Imaginez mon plaisir, à moi qui après avoir été abonné (avec plaisir) au Nouvel Obs pendant plus de vingt ans, n'ai maintenu plusieurs années cet abonnement à l'Obs que pour la seule satisfaction de lire DDT.
Delfeil de Ton, ancien de Hara-Kiri et de Charlie Hebdo, fait partie de ces trublions de 68 qui ont bien vieilli, à la fois fidèles à eux-mêmes et lucides sur la réalité du monde qui va, et de ses illusions. Bref ils ont grandi et mûri, sans se renier, ce qui, quoi qu'on puisse penser de leurs écrits, est assez rare.
Je vous conseille donc d'aller sur le site Bibliobs et de lire "Souvenirs de papier" et la série des "Rigolons-en" : on y trouve, pour toutes les raisons que je viens d'écrire et dans le style inimitable de DDT, quelque chose de haut et d'intemporel.
Cette semaine a vu également le confinement définitif de Patrick Le Lay, ancien PDG historique de TF1. Difficile donc de rédiger le moindre embryon de note nécrologique et consensuelle à propos de l'inventeur de la télé moderne. Pourtant, si Le Lay a droit dans mon jugement à des circonstances atténuantes, c'est de par son attachement à son identité bretonne ("On n'a pas le droit de tuer une langue, surtout quand elle est plus ancienne que la langue dominante", et surtout pour sa phrase mythique "Ce que nous vendons à Coca Cola c'est du temps de cerveau disponible". A l'époque j'avais trouvé cette phrase merveilleuse d'esprit de synthèse et de cynisme assumé. Et la levée de boucliers qui a suivi ne lui a d'ailleurs pas fait perdre le moindre téléspectateur : il  connaissait bien ses clients...
Je suis content aujourd'hui de lire que cette phrase est "'éblouissante", et c'est sous la plume de Delfeil de Ton...

jeudi 19 mars 2020

Huis clos

Voilà. Nous sommes tous confinés.
Cette mesure, quelle qu'en soit l'efficacité, reste le seul moyen de faire quelque chose contre la pandémie, donc ne barguignons pas et respectons les consignes.
Nous voilà donc assignés à résidence pour quinze jours (éventuellement renouvelables, comme on dit pour les contrats de travail à durée déterminée) ; la période pourra faire office d'expérimentations de toute nature, sociales, professionnelles, familiales, culturelles, amoureuses... Si l'on est optimiste, on se plaira à imaginer la (re)découverte de la lecture, de la musique, des arts, et aussi de l'Autre. Si l'on est réaliste, on pronostiquera l'envol des audiences télé, des zéros sociaux, de Youporn, des viralités complotistes... Nous verrons (les survivants, du moins).
Notre époque ne craint rien tant que l'incertitude, à l'image de la Bourse. Elle ne tolère pas ce qui échappe à sa toute-puissance rationnelle. L'insécurité génère vite l'affolement, la sur-réaction ou le complotisme si commode. On ne saurait admettre aujourd'hui ce qui nous échappe, là où nos ancêtres voyaient avec fatalité la main de Dieu ou du hasard.
L'incertitude de la période, ajoutée à celle concernant la maitrise du virus, laissera des traces ; peut-être pas, soyons optimistes, sur le plan épidémiologique, du moins historiquement parlant. Mais ses conséquences économiques, sociales, humaines... seront sanglantes. Qui s'est intéressé, voilà une trentaine d'années, à la crise de la vache folle sait bien qu'elle a provoqué davantage de suicides chez les éleveurs, par sa gestion, que la maladie de Kreutzfeld-Jacob n'a fait de victimes en tant que telle. Qu'en sera-t-il du Covid 19 ?
J'ignore si les mois qui viennent génèreront des enfants ou des divorces. Des procès, j'en prends le pari. Mais je ne sais pas davantage si nous sommes plus près de la roche Tarpéienne que du Capitole. Rien ne saura plus comme avant, nous serine-t-on à chaque catastrophe : je me souviens, lors de la catastrophe toulousaine d'AZF, combien on avait vu de belles réactions humaines... Qu'en serait-il aujourd'hui ? 
Donc, à défaut d'être modestes, soyons cons finement et espérons qu'il se trouvera des gens pour faire de ces jours un moment de nouvelle humanité. Bon courage à tous, et pensons aux plus fragiles.
Ce qui est sûr, c'est que bientôt les idées ne manqueront pas pour les auteurs de nouvelles  !

lundi 9 mars 2020

Uras : Mots et remèdes

Sur les conseils d'un ami (qui devrait se reconnaître), je suis allé à la rencontre du livre de Michaël Uras, Aux petits mots les grands remèdes (Préludes), pour découvrir à la fois le titre et l'auteur.
Tout d'abord, le livre s'est présenté enveloppé d'un bandeau promotionnel signé d'une auteure(trice) belge (tiens, tiens...) qui vend beaucoup. Mon oecuménisme passant outre, j'ai avalé les 340 pages (en version poche) présentes derrière le bandeau.
Ce n'est pas pas un ouvrage qui fera date, j'y reviendrais, mais sans doute n'était-ce pas l'ambition de l'auteur. C'est en revanche un bon moment de lecture, moment d'humour, de perspicacité et d'intelligence. Il s'agit en gros des tribulations d'un bibliothérapeute (un thérapeute qui soigne avec les livres), aux prises avec quelques clients et une relation amoureuse quelque peu brinquebalante. Cela donne un style léger et subtil, doux-amer, tendre et grave, pas sot ; des personnages bien campés ; une culture d'aujourd'hui et une critique, souvent heureuse, de notre monde. Et même si la fin est un peu faible la narration est bien soutenue.
Que manque-t-il donc au livre pour être un peu plus dense ? Probablement la faute aux injonctions de notre époque littéraire, qui pousse à l'originalité à tout prix (avec d'ailleurs ici quelques réussites), à un certain cynisme et finalement à un certain moralisme critique pas bien révolutionnaire. Il en résulte fatalement un ouvrage un peu daté qui risque de perdre un peu de son charme au fil des années qui ne manqueront pas de passer...
A titre personnel, et relativement à deux univers que je connais bien, je saluerai chez l'auteur une bonne culture de la psychothérapie, et regretterai quand même quelques clichés (sur les générations de pharmaciens par exemple, qui dans le genre mériteraient bien mieux !) mais ce sont des choses dont on se remet très vite.
En conséquence de quoi, je vous recommanderai de lire ce lire : c'est un bon moment de lecture agréable, dont on se demande pourquoi un plus gros éditeur ne l'a pas adoubé.

mardi 3 mars 2020

Salon de Martiel (12)

Amis rouergats, ou lotois, ou d'ailleurs, ou de passage, je serai présent au Salon du Livre de Martiel ce

                             Dimanche 08 Mars
                                de 10 h à 17 h

L'occasion de nous y rencontrer ?

mercredi 26 février 2020

Jean Daniel, tempus fugit...

La semaine dernière fut riche en disparitions. Je parle de celles qui m'ont, peu ou prou et pour des raisons diverses, touché. Il y eut Michel Ragon, dont j'ai évoqué le parcours dans mon dernier billet. Puis Graeme Alwright, dont les amateurs de chanson "engagée" feraient bien d'écouter les textes et de les comparer aux éructations contemporaines. Et Michel Charasse (bof...). Et Benjamin Griveaux (non, là j'essaie de rigoler...). 
Et, hélas, Jean Daniel, qui fut pendant 60 ans la référence du journalisme que l'on sait. Je fus de ceux dont l'ancrage dans le sillage de la "troisième gauche" d'une époque -par distinction du PC et de la SFIO-, devenue deuxième par la suite avec Michel Rocard, essayèrent de comprendre Albert Camus tout en militant pour un monde meilleur. On peut débattre de cette posture, comme on peut bien sûr discuter de Jean Daniel, il n'empêche que je garde de ce moment le souvenir d'un honneur défendu.
Le temps a passé. Pendant que la politique est devenue ce que l'on sait, Jean Daniel continuait à écrire ses éditos dans le Nouvel Obs. Se reconnaissait-il encore, pour autant, dans l'Obs actuel ? Je n'en jurerais pas, mais il avait le mérite d'y remettre quelques pendules à l'heure, avec une hauteur de vue devenue rare ; à l'heure de l'immédiateté des réseaux sociaux, il rappelait le temps long.
Qui reste-t-il à présent, comme intellectuel, de cette histoire passée ? Peut-être Jacques Juillard, exigeant, honnête et courageux. Et sans doute quelques autres, mais... 

vendredi 21 février 2020

La veuve Poignet et les ados...

Grâces soient rendues à Benjamin Griveaux : il a contribué, à son corps défendant, à exhumer cette vieille expression de veuve Poignet que je croyais définitivement rangée au rayon des initiés de la littérature d'antan.
Mais pourquoi parler des ados, me direz-vous ? non parce qu'ils sont familiers de ladite veuve, mais parce que cette affaire illustre une fois de plus la fatuité immature de l'époque ; Griveaux lui-même, perdu dans son narcissisme exhibitionniste, a la chair triste et pourtant on sait qu'il n'a pas lu beaucoup de livres. Et de plus il semble surpris de ce qui lui arrive. Pavlensky, autoproclamé réfugié politique et artiste, agitateur impuni et fauteur de troubles divers (plus facile en France qu'en Russie, évidemment) entend, à partir de ses névroses sévères et de son expérience de provocateur à plein temps, donner sans rire des leçons de morale familiale traditionnelle. Avec lui, sa compagne Alexandra de Taddeo, dont on ne sait si elle tient de l'amazone ou de la pintade, qui s'étonne de tout cela. Quant à Branco, fils de bonne famille à l'Oedipe mal résolu, il donne des leçons : avocat sans client mais pas sans causes, il agite brillamment dans les media ses rebellions d'ado attardé qui flirtent de plus en plus avec des extrêmes à la couleur indéterminée...
Les nouvelles formes de pouvoir, et les anciennes aussi, font les choux gras de ces trentenaires immatures, sans foi ni loi ni limite. Faute d'avoir rencontré les baffes après lesquelles ils courent depuis leur venue au monde, ils se montrent aussi incultes qu'agressifs, prêt à tout détruire pour apaiser les démangeaisons de leur petit nombril. Certains en deviennent terrifiants.
Dans la même semaine qu'on découvrait les épanchements de Griveaux, Michel Ragon quittait ce monde. Autodidacte devenu beau romancier et grand critique d'art et d'architecture, il était parti de rien et avait grimpé vers la lumière. L'itinéraire inverse d'un Branco, né avec une cuillère d'argent dans la bouche et rendu à présent à prêcher dans les égoûts.

samedi 8 février 2020

Succès à Rodez...

Quelques mots pour remercier les 250 personnes qui ont répondu jeudi soir à l'invitation de l'UTL de Rodez et ont rempli l'amphithéâtre de l'IUT pour entendre ma causerie sur le Louvre en guerre...
Merci à tous, organisateurs et auditeurs !

mardi 4 février 2020

Conférence UTL Rodez (12)

J'aurais l'occasion de donner une conférence, organisée par l'Université du Temps libre de Rodez, sur le thème

                          "Mona Lisa ou la clé des champs : le Louvre en guerre"

dans la ligne de mon roman Mona Lisa ou la clé des champs paru chez l'Harmattan,

                                                  ce jeudi 06 Février
                                                         à 17 h 45
                                               à l'IUT de Rodez (12).

L'occasion de nous y retrouver ?

mardi 28 janvier 2020

Le beaujolais nouveau n'arrive plus, Fallet s'y attendre !

Je me suis cru revenu dans une vie antérieure. J'ai relu le célèbre titre de René Fallet, paru en 1975, "Le beaujolais nouveau est arrivé". Titre impossible aujourd'hui, tant il sent le beauf, l'alcoolisme, le gilet jaune : nous y reviendrons. Le pitch du livre : dans une banlieue en plein renouveau immobilier, rayée de la carte pour s'ouvrir au monde nouveau, quatre hurluberlus copains comme cochons squattent le Café du Pauvre : à la fois feignants, anars, misogynes, réacs, en un mot franchouillards, ils refusent ce nouveau monde, le travail, la modernité et la sobriété, en avalant force litrons.
C'est donc un roman d'un autre temps,"daté" disent les commentaires sur les zéros sociaux. Parce que cet univers est mort depuis longtemps. Parce que les aspirations écolos de cet aéropage, face à la Marne polluée n'en sont pas encore à Greta Thunberg ; parce que l'amitié est aujourd'hui beaucoup plus hygiénique. Parce que les bons vivants sont voués aux gémonies, ou alors ils n'ont rien de bon ni de vivant.
Mais c'est aussi un livre d'un autre temps parce qu'impubliable aujourd'hui : c'est une ode à toutes les sensualités, ce qui déjà est mal vu, et l'ouvrage doit bien compter quelques dizaines de motifs contemporains de plaintes et procédures en tout genre, pour cause d'incitation à la débauche, de misogynie, de racisme, de discriminations diverses, d'atteinte à la dignité des handicapés, etc... Certaines pages font très fort.
Mais si le livre est daté, il est aussi remarquable de prémonition ; en plus de ses considérations sur l'urbanisme, l'environnement ou la modernité sociale, un Fallet visionnaire et provocateur imagine ce que sont devenues aujourd'hui les caricatures de ces luttes d'alors : ainsi montre-t-il un désopilant et fanatique commando de khmers verts buveurs d'eau, ou l'initiation sexuelle d'une jeune handicapée, ou diverses errances rabelaisiennes dont la seule évocation ici tomberait sous le coup de la loi. Bien sûr l'outrance et la caricature, habituelles du style de Fallet, ne sont pas à prendre au pied de la lettre mais l'inculture et la mauvaise foi qui prévalent dans notre monde ne le louperaient pas...
Donc plus qu'un livre daté, c'est à mon sens un livre-repère, qui montre que dès 1975 on pouvait commençait à se méfier de ce qui allait advenir de notre civilisation. Une raison de plus pour lire Le beaujolais nouveau est arrivé sans modération.

dimanche 19 janvier 2020

Et maintenant Dolto...

L'affaire Matzneff et l'ambiance qu'elle suscite ressemblent de plus en plus aux procès de Moscou de 1936. C'est maintenant Françoise Dolto qu'on convoque sans rire au tribunal de l'Histoire et de la morale, au motif qu'elle aurait été... pro-pédophile.
Dans un premier temps, on se marre ; dans un deuxième on essaie de comprendre comment cette infamie lui tombe dessus. Et on apprend qu'un article du Canard enchainé a exhumé des propos parus il y a 40 ans dans une interview pour un journal féministe dirigé par Gisèle Halimi.
Catherine Dolto, la fille, a expliqué depuis dans le Monde l'histoire de cet article dénoncé en son temps par sa mère elle-même, article dévoyé par les féministes pour se payer une Dolto, un peu naïve, qu'elles ne portaient pas dans leur coeur. Quant aux extraits eux-mêmes, en langage parlé, ils sont tellement sortis de leur contexte qu'ils en deviennent juste ridicules et sans la moindre crédibilité, même dans la bouche d'un JM Bigard.
F. Dolto a été régulièrement attaquée, avec des argumentations qui attaquaient, à tort ou à raison, non pas l'oeuvre de la célèbre psy mais plutôt la vulgarisation qui en a été faite par des hordes d'éducateurs de tout poil et par un grand public souvent paresseux. L'apport de Dolto tourne à mon sens autour de deux principes : le premier, c'est que "le bébé est une personne", pour reprendre le titre de son livre, ce que personne ne contestera aujourd'hui ; le deuxième, c'est que l'enfant ne doit jamais être au centre de son monde, pour ne pas devenir l'enfant-roi si décrié... et qu'on lui a pourtant souvent imputé !
Pour offensante qu'elle soit, l'attaque contre Dolto et son travail serait simplement grotesque et stupide si elle n'était glaçante, à voir la machinerie pleine d'inculture, d'outrances, de haine et de mauvaise foi qui se met en place, à coups d'offensives systématiques contre toutes les formes de thérapies libératoires extérieures à la science officielle et triomphante. Que le Canard se retrouve aux commandes dans ce type d'opérations me surprend, eu égard à son histoire... 
Et s'y rajoute, dans le contexte du moment, la sempiternelle charge contre "l'idéologie soixante-huitarde" source de tous nos maux et dont Dolto serait l'égérie gauchiste et permissive... Aux seconds couteaux amateurs de cette théorie, on apprendra que Françoise Dolto, fille d'un ministre gaulliste, n'a eu qu'un seul engagement politique, d'ailleurs ponctuel, en signant au premier tour des Présidentielles de 1981 un appel à voter... Michel Debré !


jeudi 16 janvier 2020

Matzneff, symptôme d'une époque

Les jeunes générations seront sûrement surprises de ce qu'elles apprennent sur les années 70 et 80, dans l'affaire Matzneff. Ou de ce qu'on leur en dit. J'étais en ce temps-là un jeune provincial bien éloigné de certaines intelligentsia culturelles, mais j'ai connu ces années... Et je suis assez à l'aise vis-à-vis de GM : ses goûts affichés m'avaient alors choqué (il suffisait de lire la presse pour les connaitre, bien avant l'émoi de Denise Bombardier) et j'avais illico décidé d'ignorer les autres écrits de Matzneff. Je n'en tire ni honte ni gloire, j'ai juste réagi alors en fonction de mes sensations.
Cela dit, il semble me souvenir que l'époque surjouait beaucoup ses postures, en provocations soixante-huitardes destinées à effrayer le bourgeois : c'est ainsi que des idiots utiles, au demeurant gens tout à fait honorables, ont signé bien des pétitions stupides. En ce temps-là la quête de liberté criait sus à l'interdit, quand notre XXIème siècle le réclame, à cor et à cri, à tous les niveaux. Il n'empêche que d'authentiques pervers, pédophiles en l'occurrence, et pas que des anonymes, se sont engouffrés dans le mouvement et c'est une responsabilité qu'il convient aujourd'hui d'assumer.
Quel bilan en fera-t-on ? l'éducation soixante-huitarde, comme on dit, a fait des dégâts, faciles à constater a posteriori ; rappelons que l'éducation traditionnelle en commettait aussi, Mauiac, Bazin et bien d'autres en ont témoigné. Quant à savoir ce qu'on pensera de notre aujourd'hui dans un demi-siècle, je ne me hasarderai à croire qu'on l'encensera.
Si le cas Matzneff est désolant, c'est aussi qu'il est le symptôme de toute la société d'alors. Car s'il est une chose qu'on peut lui reprocher, ce n'est pas de s'être caché : que penser de la tartufferie de la Justice, qui vole au secours des media et qui s'auto-saisit aujourd'hui, après avoir fermé les yeux pendant 40 ans sur les écrits de GM étalés en vitrine ? Que penser de la police qui se met à perquisitionner ? Que penser des mea-culpa de tous ceux, journalistes ou critiques, qui ont à l'époque juste fait leur travail de journaliste et de critique ? Que penser des éditeurs ou des administrations (CNL par exemple) qui coupent aujourd'hui les vivres de l'écrivain en retirant de la vente tous ses livres, y compris ceux (de loin les plus nombreux) qui n'ont rien de scabreux ? Que penser du courage de ceux qui, après avoir profité de l'auteur, ne savent que piétiner les gens à terre ?
L'affaire est lamentable, car à travers le livre de V. Springora c'est toute une culture (plus marginale que dominante) qui se révèle aujourd'hui perverse : l'irresponsabilité parentale, l'irresponsabilité médicale, l'irresponsabilité des institutions, dont celle, la Justice, qui aurait dû être fondamentale. C'est la collusion entre les politiques de tout bord, les élites culturelles et médiatiques, et le pouvoir du business qui en résulte.
Une fois cela dit, quel en est l'enjeu aujourd'hui, dans ce qui ne pourra être qu'un règlement de compte vis-à-vis d'un vieillard de 83 ans, par qui le scandale éclate enfin ? Je comprends très bien la position de V. Springora, sa quête et ses arguments quant au consentement : elle est la seule à pouvoir parler ou écrire légitimement. Pour le reste, on n'effacera pas Matzneff et ses oeuvres, les meilleures et les pires. Lui couper les vivres ? quel courage ! Retirer ses livres de la vente : c'est juste de la censure sur fond de moraline et de dictature de réseaux sociaux.
GM est un homme, et un écrivain. En temps qu'homme, il a à rendre des comptes. Qu'il ait été écrivain, célèbre et célébré, n'est ni un élément à charge ni une circonstance atténuante. Point. Mais quoi qu'il arrive il restera le symptôme durable d'un dysfonctionnement collectif et d'une hypocrisie tout aussi systémique.






vendredi 10 janvier 2020

Matzneff, la voile et la vapeur

Je n'évoquerais pas pour l'heure le fonds de l'actualité Matzneff : j'aurais l'occasion de revenir, dans un prochain billet, sur cette désolante affaire, lamentable quel que soit l'angle sous lequel on l'aborde. Mais en attendant je trouve particulièrement amusante la quasi-unanimité des commentateurs de "droite", plus ou moins à la mode, vouant Matzneff aux gémonies comme le symbole d'une-intelligentsia-soixante-huitarde-de-gauche-germanopratine-amorale-et-débauchée, dont les moeurs auraient régné à l'époque sur la France entière...
L'argument est peut-être facile, il est surtout stupide : Gabriel Matzneff le gauchiste pédophile désigné a publié la grande majorité de ses oeuvres, carnets intimes compris, aux Editions de la Table ronde, vieille maison emblématique de la droite, longtemps portée par les Hussards avant d'être longtemps dirigée par Denis Tillinac, le crypto-gaucho bien connu.
D'autres titres ont été publiés aux Editions du Rocher ou chez Léo Scheer (actuel éditeur de Richard Millet), deux maisons elles aussi marquées à droite. Quant aux essais de Matzneff, il sont difficiles à rattacher, me semble-t-il, à la pensée de gauche... Il est aussi plaisant d'entendre le proscrit illustrer (et expliquer) cette époque des années 70 et 80 en évoquant, parmi ses amis, un certain Renaud Camus. D'autre part, la longue amitié entre GM et Jean-Marie Le Pen est notoirement connue.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que Matzneff n'a pas nagé que dans des marigots de gauche ! Cela ne change d'ailleurs rien au fonds du problème, mais il serait honnête d'éviter certaines tartufferies partisanes : les responsabilités les plus coupables sont souvent les plus partagées.

mercredi 8 janvier 2020

2020

Bonne année !
Nous voilà donc en 2020... Chers amis contemporains, recevez donc, en ces temps d'optimisme obligatoire, tous mes voeux de bonheur, de réussite, de santé, et tout ce qui peut concourir à une vie meilleure...
Il sera bien assez tôt pour faire le bilan de l'année éc(r)oulée, et profitons donc des perspectives d'une année dont le millésime me parait équilibré et sympathique.
Encore une fois : Bonne année !