vendredi 29 mai 2020

Librairies, avant-garde en faillites...

Du plus loin que l'humanité s'en souvienne, les Arts et la culture ont toujours fait office d'avant-garde ; ils sont toujours des marqueurs de l'histoire du monde : leur perte d'influence augure de l'avenir de celui-ci.
Ainsi a-t-on pu noter ces derniers jours la fermeture de deux librairies du Quartier latin, deux institutions : Boulinier (librairie indépendante centenaire) et Picard et Epona (propriété d'Actes-sud). Plus récemment, en province cette fois, on apprend la liquidation judiciaire de trois librairies de Gibert Joseph. La situation du secteur étant ce qu'elle est, nul doute que les mois qui viennent ne soient une véritable hécatombe. Qu'on se console : les pas de porte ne resteront pas longtemps vacants, au profit d'un fast-food, ou d'un magasin de fringues, ou d'une enseigne de chaussures, capables de supporter la hausse des loyers...
Car les fripes à bon marché ou la malbouffe ne sortiront pas agonisantes de la crise: le consommateur contemporain conserve son sens des priorités. J'ai ainsi vu (à Toulouse) une pharmacie mettre la clé sous la porte et laisser la place à une parfumerie discount. Nous vivons une époque moderne.
Tous les économistes sont d'accord pour annoncer une catastrophe chez les travailleurs indépendants, commerçants, artisans... Ce sont justement ces professionnels qui donnaient encore un peu de sens et de lien social à ce vivre ensemble dont on nous rebat les oreilles.
Le grand carnage est-il amorcé ? Je ne sais pas, mais il me semble que le sort que vont connaitre les librairies (et les galeries, et les théâtres, et...) est férocement annonciateur de lendemains qui déchantent.

jeudi 21 mai 2020

Le jour d'à peu-près...

Le jour d'à peu-près, disais-je dans le billet précédent. Si je demeure furieusement perplexe sur les effets futurs de la présente crise sanitaire, je ne peux éviter quelques constats. Le premier, c'est que le droit individuel tant dominant s'est effacé en un clin d'oeil devant l'idée de santé collective : mais est-ce une bonne nouvelle ? j'en doute, et j'y vois plus d'instinct grégaire que d'altérité. Le deuxième, c'est que se sont banalisés télétravail, téléconsultations et même téléobsèques : dans la mondialisation connectée, la relation humaine est devenue surnuméraire. Le troisième (qui rejoint le premier) c'est que la crise (c'est-à-dire la non-maitrise de ce que l'on croyait contrôler) a paradoxalement tendance à renforcer le poids des institutions qui ont failli : les sujets supposés savoir, les grands scientifiques à la ramasse qui se contredisent sur les plateaux télé, les grandes chaines de production médiatique qui n'ont rien à dire...
Partant de ces constats, on ne voit rien qui remette en cause le couvercle qui régit nos vies ; on pourra toujours évoquer un nouveau contrat social (les soignants mieux reconnus, les circuits courts redécouverts, les producteurs plutôt que les administreurs, etc...) ou la nécessité de retrouver des ancrages locaux, ou réapprécier ces irremplaçables outils que sont les frontières, mais sera-ce autre chose qu'un feu de paille ? Retrouver du sens et analyser le retour du refoulé, certes, mais en face il y a des tendances lourdes, à commencer par les Gafa de plus en plus omnipotents...
Ne désespérons pas de l'individu, comme on dit tant de penseurs. Mais il faudra à celui-ci une autre remise en question que celle que lui dicteront les écrans.

lundi 11 mai 2020

Covid interruptus ?

Nous y voici donc. Le jour d'après, ou plutôt d'à peu-près. Celui dont chacun fait semblant de croire que c'est le premier d'une nouvelle ère, où rien ne sera plus comme avant... La seule certitude, c'est que c'est le premier jour du (premier ?) déconfinement.
On aura donc vu un peuple réputé rebelle et ingouvernable accepter avec allégresse une infantilisation et une assignation à résidence qu'en d'autres temps il aurait conspuer en mettant le pays en insurrection. Il est vrai que la trouille prépare bien le terrain aux contraintes à  venir. Ce peuple sort de sa tanière, ne va pas trop loin et, fidèle sans le savoir à Descartes, il avance masqué. Et bien sûr chacun y va de son plaidoyer pro domo et de ses prédictions a posteriori. Et ce bon vieux peuple, donc, ayant retrouvé un zèle délatoire qu'on croyait révolu depuis Vichy, réclamera bientôt des têtes. Certains espèrent qu'il ira les chercher.
Naturellement, on en tirera bien quelques leçons pour une autre fois. Prochaine fois qui évidemment sera différente, et donc leçons tout aussi inopérantes. Quelques certitudes quand même : au delà des polémiques, beaucoup penseront moins à changer la vie qu'à garder ou retrouver leur boulot, n'en déplaise à quelques stars pétitionnaires. Et la France repartira pour quelques années de vaches étiques.
Des raisons plus personnelles me feront suivre l'évolution du monde de l'édition : une fois les cadavres comptés, comment réagiront les survivants ? en finira-t-on avec la course à la trésorerie pour revenir à une publication moindre mais de meilleure qualité ? ou au contraire va-t-on produire à tout va par souci du court terme ? en publiant par exemple tous les manuscrits de médecins revenus des plateaux télé ? Nous verrons bien, mais en l'occurrence je ne suis pas de ceux qui pensent qu'une crise génére toujours une part de positif. Et je crains que Houellebecq, dont on connait le sens prémonitoire, n'aie raison de pronostiquer "un monde pareil, en un peu plus pire"...

jeudi 7 mai 2020

Giscard a la barre !

"Giscard à la barre", c'était le slogan de sa campagne de 1974. Et dans la série contemporaine "Faut-il en rire ou en pleurer ?" voilà le retour de VGE. Et un Giscard toujours jeune, semble-t-il : une journaliste allemande de 37 ans vient de déposer plainte contre l'ancien président pour... agression sexuelle. Mais oui, à 94 ans, celui-ci a encore une main baladeuse, qui se serait égarée sur la fesse teutonne.
Que le geste soit crétin, nul n'en disconviendra, surtout de la part de quelqu'un qui se verrait bien aristocrate et qui n'en est pas à un coup d'essai : Brigitte Bardot en avait témoigné du temps qu'elle était belle. La vulgarité est une chose assez bien partagée. Et que la journaliste surfe sur une vague porteuse qui pourrait lui valoir un peu de notoriété, elle n'est pas la première ; mais je pense qu'elle aurait pu évoquer la chose autrement et avec un peu plus de panache. Avec un peu de subtilité et d'humour elle aurait exécuté l'inconvenant encore plus sûrement, et de belle manière... Il est vrai qu'humour et subtilité ne sont pas les vertus les plus répandues chez les néo-féministes, pas plus que la culture.
Une fois de plus, notre époque est perdue dans son envie de pénal, comme écrivait Muray ; peu importe le contexte,  le marteau de la loi doit enfoncer le clou de la morale. Et un vieux libidineux de 94 ans va se retrouver devant le tribunal, à moins bien sûr qu'une transaction sonnante et trébuchante vienne apaiser la plaie de la plaignante outragée, pour une agression bien peu virulente. Cela flattera peut-être le prévenu, mais on s'interrogera sur un monde capable d'envoyer un vieillard aux galères pour une main au cul...
La vieillesse est-elle une excuse ? je n'en sais rien. Mais de mon temps on pardonnait aux anciens, surtout pathétiques, justement parce qu'ils étaient anciens, qu'ils avaient donné ce qu'ils avaient à donner, et que l'âge ramène parfois à l'enfance. Ce n'est plus de mise à présent. Peut-être décidera-t-on bientôt de protéger notre société et sa morale en confinant tous ces vieillards indignes en EHPAD : un petit coup de coronavirus, et le tour est joué.