vendredi 29 décembre 2023

2023 : business littéraire, bilan et balbutiements...

Pendant que la planète et la Sainte Inquisition Féministe clouent Depardieu au pilori en attendant le procès, les résultats des ventes de livres pour l'année 2023 viennent de tomber, et avec eux la liste des dix titres les plus vendus. Et on a beau connaitre les lois du commerce et du marketing, c'est toujours avec une pointe de tristesse qu'on constate que, année après année, l'histoire balbutie.
Qui trouve-t-on dans cette liste de dix livres? Sur le podium, deux BD (Astérix et Lagaffe) produits d'une machinerie lourde, et l'inévitable Goncourt. Un autre produit jugé médiocre, de F. Vargas ; et trois titres pour ménagères de plus de cinquante ans, signés Grimaldi, da Costa et Ventura. Et en fin de tableau -ce ne sont pas les pires- l'original Son odeur après la pluie (Sapin-Dufour) et deux titres de Lemaitre dans sa série Les années glorieuses (format livre de poche). Voilà.
Même des titres très formatés dans l'air de temps (Triste tigre ou Humus, par exemple) n'ont pu malgré le zèle médiatique troubler la dictature des caddies. Alors ne rêvons pas de livres de qualité. Mais ça ira sans doute mieux en 2024, non ?

vendredi 15 décembre 2023

Ligues de vertu : sus à Gainsbourg !

 La future station de métro des Lilas devrait s'appeler Serge-Gainsbourg, en hommage bien sûr à son célèbre poinçonneur : cela coulait de source. Sauf qu'à notre époque de cancel culture pavlovienne, il se trouve des ligues de vertu, néoféministes en l'occurrence qui entendent bien imposer ce qui leur sert de morale, et elles ont lancé une pétition (terme qui, rappelons-le, n'a rien à voir avec pétasse) pour interdire que soit donné le nom d'un "mysogyne notoire", qui "a chanté des féminicides sadiques" et des "viols incestueux", sans doute dans leur esprit en référence avec "Marilou sous la neige" et "Lemon incest".

Que répondre à ces bécasses puritaines, face à tant de stupidité, d'ignorance et d'inculture ? Peut-être de lire Freud pour les nuls, d'essayer de comprendre ce que sont l'Art, la création, la représentation ou la provocation ? Pas sûr qu'elles saisissent seulement l'objection... Ne rien comprendre n'empêche plus de tout savoir, mais il aurait été utile de connaitre un peu l'oeuvre de Gainsbourg -qu'on l'apprécie ou non- avant de claironner des slogans à la mode.

Ce qui me semble consternant pour des personnes militantes, qui à ce titre ont des idées  qu'elles entendent bien défendre et imposer, c'est de voir des certitudes définitives reposer sur l'ignorance et l'inculture les plus crasses, en plus de la névrose. Et quelque chose me dit que cette tendance n'est pas prête de s'inverser.

Les observateurs désolés se consolent en constatant que la pétition n'a parait-il recueilli que 3000 signatures. Certes, mais il s'en est quand même trouvé 3000...

mardi 12 décembre 2023

O'Neil est mort, vive Barry Lindon !...

 Ryan O'Neil avait 82 ans quand il nous a quitté voilà quelques jours. Son nom ne disait plus grand chose, même aux amateurs de ciné, et pourtant après avoir été la star de Love story (1970) il avait incarné à l'écran le héros du chef-d'oeuvre de Kubrick Barry Lindon, qui garde, cinquante ans après, tout son exceptionnel souffle.

Barry Lindon , ça se passe au XVIIIème siècle. Le film est tiré du roman picaresque de William Tackeray. Un jeune aventurier irlandais, Redmond Barry, prend d'assaut la noble société anglaise et conquiert, par mariage interposé (Marisa Berenson) le titre de Lindon. Cette ascension se fait sur fond d'intrigue, de cynisme, de violence, de trahison, de désertion, où la société anglaise ne vaut pas mieux que le jeune ambitieux irlandais. Puis viendra le temps du malheur, la dégringolade, l'échec, et l'ordre ancien qui reprend ses droits.

Le film sera nommé 7 fois aux Oscars en 1976, où il obtiendra quatre récompenses : direction artistique, photo, adaptation musicale et costumes. Ce qui ne l'empêchera pas -exception faite de quelques pays, dont la France- de connaitre uin bide commercial : peut-être est-ce une condition nécessaire pour devenir un chef-d'oeuvre. Le temps passant, justice sera rendue à Kubrick, pour son art de traiter les excès, de saisir la lumière des chandelles et l'âme des terres d'Irlande. L'ambiance et l'esthétisme du film restent bluffants, même à notre époque des effets spéciaux. Et n'oublions pas la musique, de Bach à Mozart en passant par Vivaldi, Shubert, Haendel et quelques autres...

Ryan O'Neil n'est plus là, et d'ailleurs il ne s'était guère remis du film, mais Barry Lindon restera dans l'histoire.

lundi 4 décembre 2023

Le Roy Ladurie, l'enraciné...

 C'est le mois dernier, à 94 ans, qu'Emmanuel Le Roy Ladurie a rejoint la terre des mémoires, après avoir longtemps travaillé celle de la "petite histoire", celle des sans-grade et de leur quotidien. Dans une oeuvre exigeante et humble, il avait retrouvé et analysé un matériau jusque là délaissé par les Historiens avec un grand H. Son intérêt pour le climat, avant que ce ne soit devenu la tarte à la crème que nous connaissons aujourd'hui, avait permis d'en saisir toutes les répercussions et d'annoncer bien des phénomènes contemporains, ces mauvaises récoltes ou ces migrations qui font l'Histoire, économique, sociale et politique.

On gardera surtout de lui -du moins en ce qui me concerne- son Histoire des paysans du Languedoc et bien sûr son Montaillou village occitan, qui l'a fait connaitre au plus grand nombre mais qui a surtout offert aux français (et à beaucoup d'étrangers) une partie de l'histoire qui était la leur, à travers la chronique des archives d'un petit village ariégeois de 1294 à 1324 : une vie quotidienne bien éloignée de celle qu'ils pouvaient vivre au début des années 70 mais qui expliquait comment la vie vernaculaire témoigne pour le futur. Et puis le titre du livre eut l'immense mérite d'attester d'une réalité "occitane" et de la répression du catharisme dans les terres d'oc annexées, à une époque où elles étaient encore largement contestées par la droite jacobine.

Il y eut aussi son intéressant parcours politique, compagnon de route du PC, puis du PSU, avant de glisser peu à peu vers des positions plus conservatrices qui le firent critiquer par certains qui avaient porté son oeuvre aux nues. Ce paysan normand, et languedocien, et français, célèbrera ses racines jusqu'au bout de sa vie.

Et il laissera un grand vide que la nostalgie ne comblera pas.