mardi 25 octobre 2022

Matzneff (II) : caramba, encore raté !...

...ou faux départ. Suite du billet précédent : Gabriel Matzneff sortait un livre chez La nouvelle librairie ("hussard en littérature, identitaire et patriote en politique"), sous les huées.

Mais voilà que l'éditeur en question jette l'éponge, ou du moins suspend sine die la publication. Passent encore les dégradations de la façade (les extrêmes sont habitués à ce genre d'arguments), mais les menaces de mort à l'encontre du personnel ont eu raison du projet.

Encore une fois, on ne versera pas de pleurs sur les infortunes de Matzneff et encore moins sur celles de l'extrême-droite. Je ne suis pas sûr non plus qu'il n'y ait dans ces affrontements que des férus de littérature. Mais, quoi qu'il en soit et une fois de plus, se démontre la déliquescence de nos moeurs présentes : l'expression non consuelle devient de plus en plus difficile.

vendredi 21 octobre 2022

Matzneff des fous, ou le bal des faux-culs

Gabriel Matzneff est un bon client pour un certain journalisme. Deux ans après le témoignage de Vanessa Springora (Le consentement) sur la "pédophilie" de l'auteur, la bête bouge encore et publie un nouveau livre. Et les cris d'orfraie montent d'un peu partout.

Dans Bibliobs, c'est Elisabeth Philippe qui se lâche. Et de dénoncer les "agissements pédocriminels" (il serait peut-être opportun d'attendre les décisions de justice), "l'indécence" ou la "poisseuse ironie" qui émanent du livre de Matzneff, un "gloubi boulga rance". Elle conteste le satut de "paria" dont se pare celui-ci qui, dit-elle, fut longtemps "toléré par le monde médiatico-littéraire". Sur ce plan-là au moins elle n'a pas tort, mais on se permettra de lui faire remarquer que le mot toléré est faible, et que pour cette tolérance il y eut de belles maisons, parmi lesquelles le Nouvel Obs n'était pas la dernière... Et comme Elisabeth Philippe, dès qu'il s'agit d'émettre une idée (généralement dans l'air du temps ou des lobbies à la mode) n'est coutumière ni de nuance ni de légèreté, elle étale un argument définitif pour exécuter Matzneff : il est édité par un éditeur d'extrême-droite. Avec en prime cette conclusion dont on est prié de ne pas rire : "C'est donc un tout petit monde qui se tient la main dans cette entreprise".

Ce n'est peut-être pas faux. Rappelons simplement que depuis deux ans et suite à la pression exercée par les amis de Mme Philippe, Matzneff n'est ni édité ni même commercialisé par ses éditeurs historiques et se retrouve tricard un peu partout. Le petit monde qui lui tenait la main jadis, comme dirait la journaliste, ne le reconnait plus ; cela restreint singulièrement le champ des possibles en matière d'édition : ce sont ceux qui l'ont chassé qui lui reprochent d'être passé à l'ennemi...

Alors certes, Gabriel Matzneff peut ne pas susciter beaucoup de compassion, et il n'aura pas la mienne. Mais la tartufferie hypocrite qui lui tombe dessus pour que les savonaroles de la profession se refassent une virginité ne mérite pas non plus beaucoup  de considération.

vendredi 7 octobre 2022

Ernaux, ça devait arriver, mais...

Ca y est, c'est fait. Le Nobel de littérature échoit à Annie Ernaux. Ni une surprise (voir mon billet précédent), ni une évidence. Ecrivain de talent, auteur reconnu (à condition d'aimer l'autofiction, l'impudeur et l'écriture blanche), chantre de la mémoire collective des différentes classes sociales.

Soit. Mais aussi étendard d'un politiquement correct contemporain qui n'est sans doute pas étranger à sa reconnaissance officielle. Sans doute utile pour pourfendre les inégalités sociales ou promouvoir les droits des femmes, son activisme politique, aussi légitime soit-il, est évidemment plus discutable ; ses élans mélenchonistes sont prompts à jeter le déni sur les problèmes qui dérangent, ou à lui faire dire des phrases définitives. Sa production littéraire, présentée par ses thuriféraires comme "sans concession", est de plus en plus marketée dans ce sens : il suffit de lire, au lendemain de son Prix, la prose de ses soutiens militants...

Tout cela après tout est de la politique, dira-t-on, et à chacun ses idées. Certes. Mais il me souvient que, voilà dix ans, Mme Ernaux prit la tête d'une pétition demandant le licenciement de Richard Millet par Gallimard, et son blacklistage comme écrivain et comme éditeur. Ce qu'elle obtint. Autant combattre le fascisme supposé de Millet pouvait se justifier, autant sa mort sociale relevait juste d'un maccarthysme gauchiste.

Après son élection, Annie Ernaux se sent désormais "investie d'une grande responsabilité", pour lutter dit-elle contre les injustices de classe et de genre... Peut-être vaudrait-il mieux qu'elle se considère simplement comme une grantécrivaine.