lundi 21 décembre 2020

Henri Gougaud, berger des mots...

De combien de vies Henri Gougaud est-il le nom ? Tour à tour chanteur, parolier, homme de radio, conteur, philosophe... l'enfant de Carcassonne (de Villemoustaussou, en fait) promène depuis longtemps sa destinée de fils du sud aux horizons multiples. Pour en témoigner, il publie chez Albin Michel J'ai pas fini mon rêve, titre qui rappellera des choses aux amateurs de la grande chanson française...

Une remarque personnelle : j'avais sans doute moins de dix ans quand une tante parisienne (entendez par là une soeur de ma mère) nous avait offert, à mon frère et à moi dans les années 60, un lot d'affiches d'artistes "Rive gauche", parmi lesquels je me souviens d'Henri Tachan, Maurice Fanon, Marc Hogeret, Gilles Dreu... et Henri Gougaud, qui courait alors ces cabarets mythiques d'où s'envolèrent tant de gloires. Si la carrière de chanteur de Gougaud ne dura pas, il restera comme un des grands paroliers de l'époque, pour Ferrat (La matinée, Cuba si, Un jour futur, J'imagine, Picasso Colombe, Hop là nous vivons...), pour Gréco (Non monsieur je n'ai plus vingt ans) ou Reggiani (Paris ma rose). Temps des "illusions sublimes qui font la vigueur des poètes"...

On le retrouvera ensuite à France Inter avec Claude Villers (Marche ou rêve) ou en solo (Le Grand Parler), devenu le grand conteur qu'il ne cessera d'être. Depuis l'ancêtre cathare Bélibaste jusqu'aux traditions orales d'un peu partout, il redonnera avec d'autres toutes les lettres de noblesse à cet art du conte qui était passé de mode. Un peu mystique, tendance Jung et Indou, écologiste, philosophe, voire surnaturel : sa pensée est parfois complexe à saisir pour le profane, mais l'homme qui est derrière est lumineux, en fils du peuple qui s'ouvrit bien des horizons sans oublier d'où il venait.

Ainsi fût-il chantre de l'épopée cathare (avec une belle traduction de la Chanson de la Croisade), de la langue d'oc (Lo pastre de paraulas) et de l'esprit du sud, démontrant en des temps hostiles que les racines profondes et les cimes éclairées font les plus beaux arbres.

Aujourd'hui il  raconte tout cela, dans un livre de transmission dédié à son fils. Mi-biographie, mi-témoignage, mi-réflexion, je sais ça fait trois demis. Mais tous ceux qui ont "rencontré" Henri Gougaud, d'une façon ou d'une autre, doivent le lire : c'est de haut qu'il les illuminera.

dimanche 13 décembre 2020

Culture abyssale...

... et culture au bord de l'abîme. Tout le monde vous le dira ces jours-ci, la culture est sacrifiée. Les larmes coulent sous les masques de nos gouvernants ; les unes de la presse rivalisent de belles envolées mélodramatiques. Tous les interviewés des trottoirs se déclarent choqués du sort réservé à la "culture".

Pas plus que de la littérature, on ne fait de la politique avec de bons sentiments, et il est à craindre que ce flot lacrymal ne soit contre-productif, à trop en faire ; les acteurs de la culture n'ont jamais si populaires que cela : trop payés, trop feignants, farfelus, bons à rien... du moins quand il s'agit de les aider (cf les crises des intermittents). D'autre part, la boulimie culturelle affichée par les français peut prêter à sourire quand on sait le sort réservé par ceux-ci aux petits commerces (librairies, disquaires) ou institutions (musées, orchestres, troupes) en déficit chronique. Nul doute que le monde d'après sera celui de la ruée vers l'intelligence...

Pourtant, avec ou sans la com' consensuelle, la réalité "objective" est là : ce secteur représente 670000 emplois directs et rapporte 2.3% au PIB, 47 milliards d'euros, autant par exemple que la filière agro-alimentaire et plusieurs fois celle de l'automobile. A quoi s'ajoute un intérêt stratégique majeur, en nos temps si modernes : il n'est pas délocalisable.

Seulement voilà, la culture, la culture dans notre France est avant tout un outil de production (animation, concerts, festivals) qui valorise d'autres secteurs (tourisme, restauration...) ; or un outil, quel qu'il soit, qui ne tourne pas ne demeure pas longtemps opérationnel, et on ne le remet pas en place sur un clacquement de doigts, fussent-ils présidentiels. Et si l'on considère qu'un tiers des intervenants sont des travailleurs indépendants (donc sans Assedic en cas de besoin) on comprendra l'extrême vulnérabilité de ce "monde de la culture".

En clair, la France est-elle, une fois encore, en train de massacrer un de ses plus beaux fleurons ? on mesure de nos jours les effets de la désindustrialisation entamée il y a un demi-siècle. Jusqu'à présent, on se consolait en compensant avec le tourisme et la culture, ce que le monde entier nous envie... Mais demain ? que restera-t-il après la crise nommée Covid ?

mardi 8 décembre 2020

Millésime Covid : baisse des Prix...

Il ne vous a pas échappé que si cette année les Prix littéraires ont réussi à faire un peu parler d'eux, le coeur n'y était pas. Ils ont fait de la com' sur l'actualité, comme bien des médecins, mais sans compenser les effets de la crise sanitaire, comme on dit.

Ils ont tout d'abord repoussé leurs proclamations, pour afficher leur "solidarité avec les libraires" : entendez par là  qu'il aurait fallu être fou pour lancer les Prix quand toutes les librairies étaient fermées. Quelques semaines et quelques Zoom plus tard, échoppes ouuvertes, on connut le nom des heureux lauréats.

Qu'en retiendra-t-on ? Sans doute pas grand-chose, et pas longtemps. La lauréate du Renaudot, Marie-Hélène Lafon, aurait mérité plus de lumière, mais on n'a retenu du Renaudot que les relents de l'affaire Matzneff. Peut-être le Goncourt, si on arrive à y comprendre quelque chose. Sinon ce fût l'année du Figaro, multi-nominé.

Bien sûr on a bien récompensé quelques personnages (Chloé Delaume, Médicis), ou des thèmes à la mode (Serge Joncour, Fémina), mais on évité évité le trop politiquement correct, que le Goncourt des lycéens consolera, comme il en a l'habitude.

Il parait que de nombreux prix, dans la multitude des manifestations de deuxième ou troisième ordre, n'ont pas été décernés cette année. On devrait s'en remettre.