lundi 18 mars 2024

Lectures : Bande de génies, de R. McAlmon

 Robert Mc Almon (1885-1956) fut un auteur que beaucoup disent surdoué, mais qui finit oublié et miséreux en Californie. Il fut aussi éditeur, et notamment le premier d'Hemingway. Il fut surtout, en France et pendant les années folles de la décennie 1920, le prince de la "lost generation" qui anima le quartier Montparnasse, chantre de la fête, des bars, de l'alcool et d'un monde interlope. Il a écrit (en 1938) ses "mémoires" de cette épopée parisienne, mémoires que l'éditeur Séguier vient de publier en français sous le titre "Bande de génies".

On sait que le Montparnasse des années 20 fut un moment exceptionnel, tant il a compté de génies au m2, français, américains, japonais, italiens, irlandais, russes..., peintres, écrivains, poètes ou musiciens. Mc Almon évoque dans son livre surtout les écrivains. On y retrouve des grands noms (Hemingway, Pound,Joyce, Dos Passos...) et quelques français (Desnos, Cocteau...). Y sont également évoqués de nombreux auteurs anglais ou américains qui nous sont aujourd'hui inconnus ; c'est ce qui rend certains passages un peu touffus, voire confus et longuets, d'autant que la trame du récit semble parfois un peu décousue...

Cela étant, Mc Almon était un excellent critique et ses analyses sont d'une haute volée. C'est aussi un fabuleux portraitiste, à la fois affectueux, féroce et sincère, qui donne des images "d'époque" et souvent différentes de celles que l'Histoire a fabriqué.

Le tout offre une plongée dans un univers magique, brillant, sympathique ou non, qui exorcisait le souvenir de la grande boucherie de 14-18. Moment intense de création et de révolution qui a bouleversé tout le XXème siècle et au delà.

mardi 12 mars 2024

Littérature et danger (relatif) de la création...

 Voilà déjà bien longtemps qu'on planche sur la création, ses ressorts, ses élans, ses blocages, ses pourquoi et ses comment. Et donc sur les turpitudes du "créateur". Ainsi ne peut-on plus lire ou entendre un article, une interview, un programme émanant d'un créateur en charge de promouvoir une nouveauté sans que celui-ci (ou celle-là, encore plus) ne proclame "s'être mis en danger" pour accoucher de sa dernière oeuvre (rarement impérissable) ou plutôt de son dernier produit.

Parler de son nombril est chose nécessaire dans le marketing contemporain. Avec si possible de l'intime et de l'impudeur : la peur d'échouer, de changer de créneau, bien sûr, mais surtout les agressions subies, les viols de toute nature, les névroses récurrentes sont autant de paroles verbales destinées à vendre les niaiseries à la mode, où il convient aussi de "sortir de sa zone de confort"... Angot et Despentes maitrisent bien la chose. Je ne sais plus de qui, voilà quelques jours, je lisais ce type d'aventures mais cela a fini par m'agacer sérieusement.

Comprenons-nous bien : je sais ce qu'il en est des mécanismes et des névroses de la création, ne serait-ce que pour y avoir, professionnellement ,travaillé dessus pendant plus de trente ans, depuis l'expression jusqu'à l'hystérie de conversion. Et je ne ris pas du danger (psychique ou social) qui peut peser sur l'artiste. Et c'est peut-être pour cela qu'en faire un élément de marketing me répugne particulièrement.

Et je dois ajouter que, dans le même temps, je relisais Le Feu de Barbusse, livre de référence sur la première guerre mondiale, et récit de l'horreur que l'Histoire peut infliger à des hommes. Avec, dans ce livre, beaucoup de sang et pas mal de boue, de misère et de merde, et pourtant toute la pudeur du monde dans l'écriture de Barbusse.

Pudeur, un sentiment dont il serait bon que notre univers si promotionnel retrouve le sens...

mardi 5 mars 2024

Variations orthographiques à Carcassonne

 Errare humanum est, parfois, perseverare diabolicum, toujours. On sait qu'en notre époque moderne, les progrès de la langue française et de l'orthographe étants ce qu'ils sont, passer de l'oral à l'écrit est pour beaucoup un parcours complexe et aléatoire. Mais il  semble que sur les vieilles terres cathares de la préfecture de l'Aude ce soit une véritable malédiction qui sévisse, si l'on en croit le Canard enchainé de la semaine dernière.

Ainsi, en 2012, la Cité rendait-elle hommage au compositeur Jacques Offenbach. Qui s'est retrouvé rebaptisé "Offenback" sur la plaque émaillée à lui consacrée. L'anglicisme est partout. En 2023, on inaugure une autre plaque "Rue des Pyrénnées" : abondance de bien ne saurait nuire. Et en cet an de grâce 2024, c'est la plaque du physicien "Pierre Curry" qui vient épicer l'actualité audoise.

Cette persévérance interpelle. On trouve des incultes partout. Pourtant, sans ironiser sur les compétences ou la motivation des employés municipaux, il devrait bien se trouver, entre les diverses collectivités territoriales et le fabricant, assez de strates administratives pour corriger les bévues. Mais non, semble-t-il...

Bref, toute langue évolue, nous diront les linguistes atterrés.