jeudi 29 juillet 2021

Hommages, ô désespoir !

Toujours dans la même veine que le billet précédent... Le monde de l'industrie littéraire se plaint encore d'un manque de considération de la part de Roselyne Bachelot, et du silence ministériel qui a accompagné la disparition de Henri Vernes. Si ce nom ne vous dit rien, ne cherchez pas dans la Pléiade : c'est l'auteur des Bob Morane.

Depuis 1953, Vernes a produit près de 200 romans, souvent adaptés en BD, et vendu 40 millions d'exemplaires ; et son héros a été panthéonisé auprès des plus jeunes par une chanson d'Indochine. Ce n'est pas rien, et on ne devient pas populaire sans raison ni sans une part de talent, et Vernes, comparé à certaines commémorations, méritait bien ne serait-ce qu'un tweet.

Pour autant, faut-il "célébrer" ce type de réussite industrielle ? "Faire des choix, c'est donner du sens", déclarait en son temps Aurélie Filipetti refusant d'encenser Gérard de Villiers, le père des SAS qui venait de disparaitre. Notre monde post-américain veut que le succès commercial soit un garant de qualité culturelle, alors que précisément cette réussite se bâtit souvent sur la facilité de consommation du produit, ce qui ne pousse pas l'auteur à l'exigence ni à la complexité. On pourra trouver des exceptions, comme Georges Simenon dont l'écriture sans prétention des Maigret a pourtant abouti à terme à une vraie oeuvre, illustrant une certaine France des années 50 et 60...

Mais, passé le moment de distraction, que pourra-t-on retenir de Bob Morane ?

lundi 19 juillet 2021

Honneurs

On sait qu'à partir d'un certain degré de réussite les acteurs culturels ne crachent pas sur les honneurs. Ainsi en va-t-il du monde du livre, qui attendait lui aussi la promotion du dernier 14 juillet.

Patatras ! et chou blanc. Si l'on excepte deux changements de grade qui profitent à François Sureau (avocat, écrivain et académicien, un vrai pro) et à Edgar Morin, aucun nom de la confrérie n'apparait. Ni un écrivain, ni un éditeur, ni un libraire, ni un acteur quelconque de la chaine du Livre. La culture et les libraires, si encensés il y a peu, savent à quoi s'en tenir.

L'intérêt d'évoquer ce fiasco tient dans les plaintes qu'il suscite chez les impétrants. On peut en sourire. Et dans la stigmatisation des services du Ministère de la Culture, dont auraient dû émaner des propositions.

Si Roselyne Bachelot peine à obtenir des résultats, elle pourra essayer de s'abriter derrière le contexte. Par contre que ce ministère n'arrive même pas à décerner des légions d'honneur est assurément une première...

mardi 6 juillet 2021

Lectures pour tous, lege et labora

On sait que notre époque n'est pas avare en études de toute sorte, fût-ce pour démontrer statistiques à l'appui que l'eau mouille et que le soleil chauffe. Pourtant, démontrer que le niveau de culture générale influe sur l'efficacité d'un pays, sur sa compétitivité donc, n'est pas inutile.

L'OCDE étudie depuis 15 ans, chez les 16-65 ans, l'évolution des capacités basiques - lire un texte et faire des calculs simples - qui s'avèrent conditionner l'employabilité, la mobilité et l'adaptabilité. Et à ce jeu là, sur les 28 pays concernés par l'étude, la France se retrouve...21ème, dans un classement dominé par le Japon, la Finlande, les Pays-Bas, la Suède : des pays "culturellement" sans gloire mais efficaces selon les normes actuelles.

On constate aussi au passage qu'en matière de compétition internationale le niveau général est bien plus déterminant que la réduction du coût du travail, certes utile mais source de paupérisation collective. Et c'est ce niveau général qui porte le potentiel humain d'un pays. La France illustre cet état de fait, pays qui a privilégié la diminution des coûts plutôt que le développement intellectuel.

A qui la faute ? Aux hommes de tous horizons et souvent de bonne foi qui ont porté cette politique, bien sûr. A l'Education nationale, évidemment. Mais au delà ? On peine à croire que la France, mère des arts, des armes et des lois soit définitivement condamnée, mais le classement de l'OCDE est sans pitié.

Lege et labora : lis et travaille. Le Président de la République vient de décréter la lecture "grande cause nationale". C'est, à l'aune de ce que je viens d'évoquer, une bonne chose. Reste à espérer que les Français en soient convaincus, et que la démagogie ne vienne diluer tout cela (voir mon billet du 16 juin sur le Pass culture et les mangas...). En outre cela ferait aussi le plus grand bie n à la société contemporaine.