lundi 27 février 2023

Epuration linguistique, IA et avenir de la littérature

La semaine dernière, c'est feu l'auteur britannique Roahl Dahl -Charlie et la chocolaterie, Matilda- qui passait à la lessiveuse : ses personnages qui étaient soit "gros", soit dotés d'un "visage chevalin", soit "petit nain dodu", etc... se voient libérés des adjectifs susceptibles de déplaire aux sensitivity readers qui nettoyent les livres.

Cette semaine, c'est au tour de Ian Fleming, dont on corrige les James Bond. Exunt les scènes de strip-tease, le mot nègre et les références ethniques, et bien sûr les expressions homophobes, et quelques autres décapages. Le grand nettoyage continue.

Bien sûr, on refuse d'admettre que c'est une réécriture : il ne s'agit que de "contextualiser", afin de "rendre appréciable pour tous" l'oeuvre karchérisée. Ces tartufferies cachent mal la trouille et surtout le mercantilisme des éditeurs et des ayant-droits. Et chaque jour se révèle un peu plus le mépris des oeuvres, livres ou tableaux, pris pour cible par un militantisme aussi inculte que fanatique. Les deux vont souvent de pair.

Tandis que d'un côté s'annonce une littérature condamnée à être lisse ou insipide, on voit de l'autre dans la production de livres les effets de l'Intelligence Articielle : 200 livres de ChatGPT sont déjà répertoriés sur Kindle d'Amazon. L'avenir de la littérature s'annonce radieux.

Pour finir sur une note d'espoir, un mot pour rire : Jeff Bezos a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur.

lundi 20 février 2023

Picasso castré ?

Pablo Picasso étant décédé en avril 1973, on va donc célébrer le cinquantième anniversaire de sa mort. Célébrer, pas commémorer, pas rendre hommage. En clair, on se souvient de la date mais on n'encense pas l'homme. Qui n'en a certes pas besoin, mais le distinguo et les numéros d'équilibriste des instances officielles en disent long sur notre époque.

On connait l'artiste. On connait aussi l'homme, et il est difficile de nier qu'il fut un monument d'égotisme. Comme le sont souvent les artistes d'exception, peut-être même est-ce une condition sine qua non. Quoi qu'il en soit, le monde de Picasso tournait autour de son nombril et de ses fulgurances. Certains de ses amis en firent les frais, ses compagnes également.

Car Picasso, et c'est là le sujet, enchaina (au sens de faire se succéder...) les compagnes, de Fernande Olivier à Jacqueline Roque, parfois deux en même temps (Olga Khokhlova et Marie-Thérèse Walter). Il s'adonnait à son art, et il s'est expliqué sur son besoin d'amour pour cela ; mais le néo-féminisme triomphant n'entend pas trouver la moindre excuse au Minotaure. Certaines voulaient envoyer aux galères Julien Bayou pour moins que ça...

Alors il ne saurait être question, dans notre époque si moderne, de rendre hommage à un tel monstre. Et le titan, le colosse monolithique de naguère n'aura droit qu'à des discours mitigés, ou teintés de la sacro-sainte distinction entre homme et artiste...

Tout cela serait bien triste, si heureusement du haut de leur Olympe la statue de Picasso et a fortiori son oeuvre ne renvoyaient à la niche les chiennes de garde et leurs aboiements.

lundi 13 février 2023

Vaincre ou mourir, mais aussi raisonner...

Il est un film récent qui fait parler, et qui donc rencontre peu à peu un public, comme on dit : Vaincre ou mourir, un film de Paul Mignot et Vincent Mottez. C'est une production du Puy du Fou et de Canal+, qui relate l'insurrection vendéenne de 1793 à 1796 à travers le personnage de Charette.

D'un point de vue cinématographique, le film (que je n'ai pas vu) est considéré comme assez moyen, dirons-nous : c'est un film militant, comme on en connût d'autres. Mais ce qui motive l'objet de ce billet, c'est plutôt la nature des critiques qui accompagnent son parcours en salles.

Sans surprise, la droite trouve au film des qualités dont il semble dépourvu, et encense son succès et celui d'un récit largement romancé : c'est bien un film militant. Sans surprise non plus les medias de gauche le flinguent, car c'est bien un film militant. De droite. C'est de bonne guerre, dira-t-on, tout comme de le présenter simplement comme le produit de Villiers et Bolloré, argument définitif. Plus caricatural est de dénoncer une "réécriture de l'histoire", avec de bons "blancs" contre de méchants "bleus".

Sans doute le film n'est-il pas des plus nuancés, de même qu'il convient de recontextualiser les guerres de Vendée, malgré les 200 ou 300 000 morts du "génocide" (le terme fait débat mais le bilan est là). Il n'en demeure pas moins qu'une certaine gauche peine à reconnaitre les faits historiques quand ceux-ci la dérangent, et le phénomène n'est pas nouveau. Pourtant de grands historiens "de gauche" comme François Furet ou Mona Ozouf ont largement démontré les avatars de la construction de l'Etat français, en Vendée notamment.

On pourrait espérer d'une démocratie adulte qu'elle sache regarder son histoire en face. Mais notre époque ne le veut pas, quand la politique tend davantage à exacerber les caricatures qu'à susciter le débat constructif, et que le manichéisme vérole de plus en plus les esprits.