vendredi 29 juillet 2022

Culture, nature, imposture...

Quelques jours après leurs collègues londoniens, des activistes italiens de Ultima Generazione ont collé leurs mains sur un tableau de Botticelli, au nom de leur lutte pour le climat. On les nomme activistes, car on ne sait s'il conviendrait de dire écologistes, climatistes, apocalyptiques, ou autre... Toujours est-il que ces jeunes gens aux avis tranchés et aux méthodes médiatiques font parler d'eux et obtiennent ainsi le but recherché, en mettant mal à l'aise tout esprit sensé.
D'abord parce qu'ils affirment tirer leurs arguments de vérités scientifiques et dès lors s'estiment légitimés pour imposer leurs vues : les dernières expériences de ce type de postures remontent aux années trente du XXème siècle, en Allemagne et en URSS. Ce qui devrait les faire réfléchir, s'ils possédaient une once de culture historique. Ensuite parce que, probablement sans s'en douter, ils posent un débat plus fondamental d'une opposition entre nature et culture. Certes, de la même façon que la lutte relative au climat est concevable, une disputatio sur les rapports culture-nature peut être intéressante. Malheureusement notre époque est devenue brutale, et l'on prend soin de caricaturer l'avis contraire avant d'argumenter contre, et l'attaque de ces extrémistes contre la nature devient une attaque contre l'esprit critique, cet esprit critique qui serait si utile en nos temps modernes, ne serait-ce que pour réhabiliter la modération, l'esprit de synthèse et l'altérité.
Peut-être après tout la nature n'est-elle qu'un prétexte pour ces activistes soucieux de déconstruire le passé, ou peut-être s'agit-il simplement d'une manifestation névrotique de l'immaturité, un peu terroriste, de certains ados prompts à  trépigner quand les autres ne leur cèdent pas sur le champ. Quoi qu'il en soit, il y a de grandes channces que ce nihilisme aussi fascisant que prépubère n'augure rien de bon...

lundi 18 juillet 2022

Livre et sévices publics

Il est de bon ton, dans tous les medias, de contribuer à l'esprit de vcances qui sied à la période en conseillant des "lectures". Le site de France 3 Occitanie n'échappe pas à la règle. Hélas.

Précisons d'emblée que je n'ai rien contre France 3 Occitanie, qui voilà quelques années offrait mes livres comme récompense de concours. Précisons aussi que je comprends très bien que cette littérature de vacances soit, comment dire, plus populaire, plus facile ou "d'évasion", selon le terme consacré : on peut y trouver des ouvrages respectables.

Mais là, la "chroniqueuse littéraire" autoproclamée qui sévit dans une émission du matin ne craint pas la caricature ; ses trois livres "chargés d'émotion", bien sûr, et qu'il conviendrait de lire sont : un produit signé Guillaume Musso ("un écrivain incontournable"), et deux titres étasuniens dont le seul titre fleure bon la vénérable collection Harlequin : "Un jour" et "L'amour continue". Il est vrai, nous dit-elle, que "la couverture nous invite à découvrir le livre". Face à un tel argument, on ne peut que s'incliner.

Ces prescriptions de tête de gondole ne mériteraient aucun commentaire si nous n'étions sur un médium de service public, celui-là même qui ces jours-ci défend bec et ongles sa redevance audiovisuelle. On pourrait quand même attendre de l'argent public qu'il serve une autre ambition.

mardi 5 juillet 2022

Lecture : Plateforme, plus de vingt ans après...

Plateforme est paru en 2001. Qu'en disait-on à l'époque ? Michel Houellebecq était déjà célèbre, après Extension du domaine de la lutte (1994) et Les Particules élémentaires (1998). Il avait déjà inventé son style, un style dans lequel la critique de ce début de siècle voyait surtout le sexe et la provocation, le cynisme et un peu d'humour, et le diagnostic d'une société finissante. Houellebecq original, certes, et perspicace, sans doute, mais plombé par un style blanc et la facilité de la provoc... Et, comme souvent, on voyait le doigt davantage que ce qu'il montrait.

Plus de vingt ans plus tard, relire Plateforme permet de situer dès cette date la dimension qu'allait prendre l'auteur, dont c'est sans conteste l'oeuvre la mieux maitrisée. Y éclatent son talent prémonitoire et sa finesse d'analyse d'une société malade, pour ne pas dire agonisante. Quelques personnages noyés dans l'industrie touristique éclairent la déliquescence d'un monde où ni l'entreprise ni l'individu  ne sont capables d'élaborer du sens. Quant à l'attentat islamiste évoqué à la fin du livre, il a été pensé par MH un an avant le World Trace Center...

Les vingt années passées ont fait oublier les critiques pudibondes de l'époque ; quant au sens du marketing de l'écrivain, il a fait plus fort depuis. Pour ce qui est de la trame de l'ouvrage, la compétition économique (et sexuelle) promue sous forme de subversion, le temps n'a fait que conforter les thèses de Houellebecq.

Si Plateforme est le meilleur livre de celui-ci, il est aussi celui qui illustre de façon éclatante la dimension visionnaire du trublion des lettres. Depuis il y a eu du bon et du moins bon, mais la stature de Michel Houellebecq s'est imposée.