lundi 23 novembre 2015

Intellos : à chacun son métier

L'intellectuel de gauche bouge encore. C'est du moins le postulat d'un dossier de l'Obs du 5 novembre dernier. Dossier prometteur pour qui est curieux de connaitre ceux qui demain pourraient affronter les Zemmour, Rioufol ou Finkelkraut et, espérons-le, enrichir un peu le débat...
Je ne commenterai pas les articles consacrés à la quinzaine d'impétrants recensés par l'Obs ; aucun ne m'a rassuré mais je m'avoue incapable d'objecter. Il est pourtant un texte trop exaspérant pour être passé sous silence. Il est signé Laurent Binet, écrivain à la mode et que je connais peu en dehors de ses frasques trierweilleriennes. Sa prestation s'intitule "Pour un politiquement incorrect de gauche", pourquoi pas.
On y apprend donc que le réactionnaire ne peut pas, au contraire du progressiste, être un contestataire : "les deux aspirent à des changements de société, mais le changement du réactionnaire n'en est pas vraiment un puisqu'il s'agit d'un retour"... On comprend mieux pourquoi la notion de progrès fait de plus en plus sourire.
Toujours dans le syllogisme forcené, il dénonce sur sa lancée "que ce qu'on appelle improprement acquis sociaux sont en fait des conquêtes" (les portes ouvertes sont les plus faciles à enfoncer) et que donc "les défendre ne peut être le fait de conservateurs"... CQFD. Peut-être pourrait-on objecter à notre auteur à la mode ce que tous les praticiens de l'analyse institutionnelle savent depuis longtemps, à savoir que l'institué devient forcément instituant...
Mais notre adepte du paralogisme nous donne la clé de la prise du pouvoir par les intellos réacs : c'est que ces derniers pensent horizontalement, quand les intellectuels de gauche pensent verticalement. Ce n'est pas faux, me semble-t-il. Mais l'exemple que donne Binet vaut son pesant de cacahuètes : pourquoi parler des problèmes liés aux religions, puisque on sait que Dieu n'existe pas ! Et de conclure que si les penseurs de gauche peinent à élaborer des réponses, c'est qu'en fait les questions sont mal posées. Que n'ai-je, lorsque au cours de ma scolarité laborieuse je séchais sur un exercice, répondu à mes professeurs que la question était trop mal posée pour que je daigne y répondre...
On pourrait se contenter d'en rire et de renvoyer Binet à ses relations mondaines, s'il ne montrait à son corps défendant la stérilité un peu schizophrène de ces "intellectuels de gauche" autoproclamés qui par leur incurie non seulement ne relèvent pas le gant face à leurs rudes adversaires,mais de plus contribuent largement à leur servir la soupe.
Quand la journaliste Aude Lancelin conclut fort justement "Le déni de la puissance des identités collectives, mais aussi la défense inconditionnelle de toutes les expérimentations de la modernité libérale, sous couvert de progrès, sont autant de vices de pensée qui plombent encore des pans entiers de la gauche.", elle pourrait y ajouter l'humour involontaire de certains égarés.

mardi 17 novembre 2015

Lumières, année zéro...

"Ils ne sont grands que parce que nous sommes petits." (La Boétie)
Loin de moi toute tentation de jouer les va-t-en-guerre, au milieu des quelques Déroulède de salon dont les martiales envolées fleurent bon les propos de comptoir...
Pourtant, on ne pourra faire l'économie d'une introspection fondamentale : comment, et pourquoi, notre monde des Lumières est-il tombé à la merci de la névrose de salopard la plus imbécile, la plus funeste, la plus mortifère et la plus stupide que la Terre ait porté depuis longtemps, avec celle des hydres nazies, dans un cousinage  bien établi... ?
Ne nous reste-t-il plus assez de conviction ou de foi, quel que soit le sens que l'on donne à ce mot, pour oser nous interroger sur la fin programmée de cette parenthèse de trois siècles, et l'essoufflement de ces Lumières à réinventer ?
Ne nous reste-t-il pas assez de courage pour sortir des manichéismes si faciles à instrumentaliser pour les politiques et si faciles à  consommer pour le citoyen ? ou pour sortir des dénis si confortables, pour peu qu'on y travestisse le réel ?
On l'aura compris, il s'agit moins de ma part d'une attente de réponse que de l'expression d'une humeur amère. Pourtant je crois que faire reculer la barbarie (terme vexatoire pour ce que furent les vrais Barbares) nous demandera autre chose que les habituelles postures de défense de nos acquis, fussent-ils éclairés. Nous sommes condamnés à la peur, sans doute, mais aussi à redéfinir quelques valeurs offensives...
Je profite de ce billet pour relayer la lettre à Daesh de Simon Castéran, journaliste toulousain cousin d'une victime morte au Bataclan : lessermonsdulundi.com