mercredi 28 juin 2023

Prudence : Hemingway...

 La machine est lancée et rien ne semble pouvoir l'arrêter. On avait réécrit Agatha Christie, Ian Fleming, Ronald Dahl et d'autres : au tour de Ernest Hemingway de passer dans la lessiveuse woke et de voir son ouvrage Le soleil se lève aussi précédé d'un trigger warning -avertissement au lecteur- censé protéger celui-ci dans sa "confrontation au texte" du Prix Nobel 1954. Le lecteur n'étant, comme chacun sait, pas suffisamment adulte pour se faire une idée critique.

Cet avertissement rappelle, horresco referens, qu'Hemingway fut alcoolique, dépressif, chasseur, pêcheur au gros, amateur de safari, défenseur de la corrida, etc... et que bien sûr il eut trop de femmes pour ne pas être un prédateur concupiscent et manipulateur. Dire que des générations ont lu Hem en oubliant tout cela...

Cette pratique étasunienne -pour l'instant- pourrait être simplement ridicule si elle ne permettait de voir à quel point les plus grands éditeurs craignent l'activisme des minorités agissantes : le souci de Penguin Random House, en l'occurence, est de décliner toute responsabilité juridique et commerciale sur un contenu susceptible de heurter. L'anxiété, l'opportunisme ou la couardise des éditeurs montrent bien la force du mouvement woke.

On nous dira qu'ici on n'a pas touché au texte original. Certes. Pas encore. Dans l'Allemagne des années 30, on s'est longtemps contenté des peindre des étoiles de David sur les vitrines des commerçants juifs, qui continuaient à travailler. Puis on a commencé à casser ces vitrines. Puis...

Mais ça n'a sans doute rien à voir.

vendredi 23 juin 2023

Enracinement, dites-vous ?

 Vous connaissez sans doute la belle histoire de ces quatre enfants colombiens échoués dans la jungle amazonienne, après un crash d'avion, et qui y ont survécu pendant quarante jours jusqu'à ce que les secours les retrouvent. Miracle, crions-nous sur l'air des lampions !

Non, répondent les mêmes secours colombiens. "La survie des enfants est la démonstration de la connaissance et de la relation qu'entretiennent les indigènes avec la nature, un lien enseigné dès le ventre de la mère", nous disent les anthropologues locaux. Car les enfants (treize, neuf, quatre et un an) n'ont pas paniqué et ont su manger, boire, dormir et survivre dans ce milieu hostile, car ce biotype, pourrait-on dire, était le leur. C'est cet enracinement et la transmission de celui-ci, ne serait-ce que par l'éducation, qui leur a permis de se sauver.

Peut-être y a-t-il là matière à penser, pour notre homme si moderne, en voie de déconstruction, perdu sans ses écrans et délégant à l'IA ce qui lui sert de réflexion. Mais quel responsable actuel, politique ou autre, oserait simplement signer les propos des colombiens ? Et faire référence aux "gens de quelque part", et non célébrer les "gens de partout" ?

Pourquoi je vous parle d'enracinement ? Simplement parce que c'est le thème de mon prochain ouvrage, en cours d'achèvement...

mardi 20 juin 2023

Modernités du jour

Il est des jours où un seul support de presse suffit, en quelques lignes ou quelques clics, à vous présenter le monde tel que vous craignez qu'il soit. Ainsi quelques articles piochés sur le site Actualitté.com de ce 20 juin.

1- L'arrière petit-fils de Céline, surgi d'on ne sait où (l'abandon des droits à la succession de LF Céline par sa grand-mère Colette Follet remonte à 1960) annonce qu'il va assigner Gallimard et les ayants droit de l'écrivain pour avoir exploité les manuscrits récemment retrouvés (Guerre, Londres, La volonté du roi Krogold), au titre de son "droit moral". Il jure urbi et orbi qu'il ne fait pas ça pour l'argent mais pour le respect des héritiers ; néanmoins, les temps étant ce qu'ils sont, il réclame deux euros par exemplaire vendu.

2- Les employés d'un entrepôt d'Amazon, en Normandie je crois, se disent inquiets et en insécurité : il y a des souris dans l'entrepôt.

3- La librairie Antoine, à Versailles, est menacée : son propriétaire triple le loyer.

4- Les Manouchian vont entrer au Panthéon. Très bonne initiative qui fait l'unanimité. Ceux qui ont suivi la polémique, voilà une quarantaine d'années, sur les relations entre PCF et MOI et les circonstances de la fin de celle-ci, ne seront pas étonnés par les nombreuses tentatives de récupération politique,autour des thèmes d'aujourd'hui.

5- L'Etat de l'Illinois adopte une loi contre la censure des livres "pour raison personnelle, politique et religieuse", en conformité avec la Charte des Bibliothécaires Américains. C'est une loi qui interdit, et on sait que ce ne sont pas les plus efficaces ni les meilleures, a fortiori contre la censure, mais bon... Mais en lisant d'un peu plus près on voit que c'est surtout une loi contre la censure de droite. Bien. La moitié du chemin est parcourue.

mardi 6 juin 2023

Picasso, trop beau pour elles...

Les célébrations, par définition, ne font pas dans la demi-mesure. En général, c'est plutôt dans le sens de l'hagiographie. Mais désormais il est des célébrations qui dézinguent, à preuve le Picasso bashing qui commémore le 50ème anniversaire de sa mort. Bon, ne généralisons pas, il y a aussi des manifestations positives ; mais ce dont on parle le plus c'est la stratégie qui entend "revisiter avec un regard féministe" l'oeuvre et la vie du Minotaure.

Ainsi à New-York une exposition qui "entend rendre justice aux femmes qui n'ont pas connu la gloire de l'artiste catalan, parce qu'elles n'ont pas eu les soutiens qui ont favorisé le "génie" de Picasso". CQFD : Picasso n'a réussi que parce qu'il était un homme, et plein de femmes auraient fait aussi bien si... Un peu de culture historique aurait prévenu nos amazones que le Malaguène eut sa part de vache enragée avant de connaitre le succès.

On peut penser ce qu'on veut de Picasso, et de son oeuvre, "peintre de génie mais être humain tout sauf parfait". On connait son narcissisme, son égotisme, son emprise dont les femmes ne furent pas les seules victimes (?). Cela dit, il serait parait-il impossible de dissocier l'homme et l'artiste ; pour le prouver, une humoriste australienne a recencé des pénis un peu partout dans ses oeuvres. On n'ironisera pas. Mais là aussi un peu de culture aurait éclairé sur les fonctions archaïques de l'art... Quant aux êtres-humains-tout-sauf-parfaits, j'en connais beaucoup, et il n'y a pas que des hommes (je peux donner des noms...).

Et pour orchestrer tout cela il y a une "Commissaire en cheffe", titre qui, je ne sais pas pourquoi, me fait doublement flipper... Mais gardons espoir, il doit bien rester en ce bas monde des gens, hommes et femmes confondus si j'ose dire, pour qui Picasso est aussi l'auteur des Demoiselles d'Avignon et de Guernica.