jeudi 27 septembre 2018

Angot, tournants et chicanes

A force de tournants, de vie ou d'autre chose, il était normal que l'on arrive aux chicanes (les amateurs de sport mécanique comprendront). Comme d'habitude, Christine Angot (Un tournant de la vie, Flammarion) est tombée d'entrée sur Pierre Jourde, qui sur son blog de Bibliobs lui assène "Un tournant de la littérature" aussi corrosif que ses précédentes critiques à l'égard de la tête à claques reine de l'autofiction. Avec un oeil flaubertien, Jourde dissèque le livre en rien de la chroniqueuse de Ruquier. C'est désopilant, ou poilant, en un mot désopoilant.
Je vous invite à lire sur le site le propos en question, plutôt que de le retranscrire ici, ou même de l'y commenter. Pourtant les extraits du livre qui sont présentés sont flippants, où l'on voit comment produire une ou deux pages avec un dialogue de pure vacuité narcissique nourri d'onomatopées. Livre en rien, écrit Jourde, foutage de gueule hurlerait le vulgum pecus... "Le vide de Madame Angot" pourrait être le titre d'une opérette d'aujourd'hui.
Je ne résiste pas, par contre, à mettre ici la citation d'Alexandre Vialatte qu'un commentateur du blog (jacques d) a opportunément déniché, et qui me semble-t-il se suffit à elle-même :

"Tout est bon dans la soupe du chien. On y jette les croûtons, le corbeau même pas plumé, les épluchures, les fonds de flacons d'encre à stylo, le reste des remèdes du grand-père, les merveilles de la science, les progrès de l'industrie, les mégots de la call-girl, le soutien-gorge de la vedette et le bikini de la femme-canon. Et on en nourrit l'opinion. On la gave de cette mythologie." (A.Vialatte, La Soupe Merveilleuse, Julliard 1982).

PS : Sur le même sujet (CA) et avec le même titre, voir JM Proust sur Slate...

jeudi 20 septembre 2018

Heures heureuses, à la vôtre !

Si comme l'auteur de ces lignes vous aimez la littérature, le vin, l'humour et Toulouse, vous aimerez "Des heures heureuses", de Christian Authier (Flammarion). Toulouse n'est jamais nommée, mais ses rues et ses places, voire quelques enseignes, le sont, où Authier le toulousain a semble-t-il ses habitudes !
Le livre est trop riche pour qu'on se hasarde à le raconter ; disons qu'on y parle d'amitié, du vin (nature) et de son monde. C'est un roman flamboyant, picaresque, arrosé sans modération, jouissif et un peu foutraque. Et qui plus est naturel et local, comme on dit aujourd'hui. Fidèle à lui-même, Christian Authier, qui aime bien Toulouse mais beaucoup moins son évolution se livre aussi à une critique de la société contemporaine, critique parfois un peu facile mais toujours juste. Avec, malgré l'humour, quelques relents d'amertume, saveur que le vin n'autorise pas... On y apprend, aussi, bien des choses sur le vin, la vinification, sa commercialisation, etc... Et le tout se fait avec des portraits de haute volée, lourds de tendresse.
Si on ne savait pas déjà que Authier a lu Blondin et Muray, on le comprendrait vite en parcourant ces pages, caustiques à souhait. Et puis il y a cette merveille : "la calme insoumission propre aux buveurs de vin"...
Lire étant une de dernières choses que l'on peut faire sans modération, allez y gaiement ! et à la vôtre !

mardi 11 septembre 2018

Service littéraire (Critique Les Saints des derniers jours)

Service littéraire est un mensuel qui, depuis onze ans désormais, défend et illustre la langue française au travers d'une critique de l'actualité romanesque. "J'ai une patrie : la langue française"(A. Camus)", lit-on en exergue. Journal sur les écrivains fait par des écrivains, et non des moindres, il tranche par sa liberté de ton anti-langue de bois et fait partie, malgré sa modestie, de ces rares publications auxquelles les auteurs sont sensibles.
Aussi ai-je noté dans le numéro de septembre cette critique des Saints des derniers jours :

LES SAINTS DES DERNIERS JOURS, de Michel Poux : Trois copains vivent 39-40 à travers le journalisme. Copains oui, mais de bord opposés. On parle de Marcel Aymé, de Bernanos, de Drieu, de Brasillach et Jean Hérold-Paquis. Les journaux se nomment Le Petit Parisien, Marianne et Paris -Soir. Un beau roman. Et surtout un journal. (L'Harmattan, 200 p., 19,50 €).

Le genre de critique qui fait plaisir...

mercredi 5 septembre 2018

Besson, proconsul

Ainsi donc Emmanuel Macron vient-il de nommer consul au prestigieux Consulat de France à Los Angeles le susnommé écrivain Philippe Besson, provoquant à la fois une levée de boucliers, un éclat de rire quasi-général et un écroulement des dernières illusions de ceux qui rêvaient encore d'un nouveau mode de comportement de nos monarques contemporains.
Argument classique de défense, très recevable au demeurant, l'intérêt de sortir des profils classiques de la haute fonction publique et diplomatique. Certes, mais encore faut-il, avant de pourvoir un poste (et l'ancien DRH Besson doit bien le savoir) un minimum de compétences identifiées : personne ne s'est hasardé à essayer de trouver une once de compétence diplomatique à Philippe Besson. 
Par contre, celui-ci excelle dans l'art de "lèche-majesté", comme il est écrit dans un très bon papier de D. Caviglioli dans Bibliobs. Son œuvre la plus récente tient dans "Un personnage de roman", paru il y a quelques mois et consacré, le hasard faisant bien les choses !, à son Altesse Sérénissime Emmanuel Macron, qualifié au fil des pages (je n'invente rien) de "beau et ambitieux", d'"intelligence supérieure" dotée d'un "naturel ardent, indépendant et rêveur, qui brave l'autorité du père, devient guerrier et lutte contre l'ordre ancien", etc... Franche rigolade à la sortie du bouquin, mais grosses ventes.
A défaut de compétence, du moins en ce domaine, Besson a donc la récompense pour son zèle et sa flatterie. Il a certes oublié de rappeler que Macron guérit aussi les écrouelles, mais il en avait fait assez pour recevoir une (belle) médaille qui, nous assure sans rire le Président, "ne doit rien au copinage", ni avec lui ni avec sa femme. 
La flagornerie fera toujours recette, et l'hagiographie évoquée plus haut n'est pas la première à trouver salaire. Peut-être EM a-t-il voulu aussi faire un signe à une communauté très active. Mais rarement le cynisme, le fait du prince, la fayoterie ou le foutage de gueule, ou le tout réunis, n'ont été aussi grotesques. Et, le ridicule ne tuant plus depuis longtemps, il s'est trouvé des thuriféraires pour évoquer le précédent, déjà à ce consulat de Los Angeles, de la nomination de Romain Gary au même poste. Comparer Gary et Besson, là aussi il fallait oser... Audiard avait une phrase à ce sujet.