lundi 30 septembre 2019

Rentrée littéraire, sorties médiatiques

A ce qu'il semble, le cru 2019 de la rentrée littéraire et des Prix ne s'annonce pas des plus fameux. Nous verrons bien. En attendant, les ventes continuent, portées par quelques coups de marketing.
En premier lieu, bien sûr, Yann Moix (Orléans, Grasset). Vous n'ignorez plus rien des turpitudes de son enfance maltraitée, selon lui, des vacheries de son frère, de celles qu'il lui a rendues, de la violence de son père, toussa... Un plan média n'aurait pas été mieux élaboré ; jour après jour, semaine après semaine, chacun concourt à son tour à entretenir le buzz : Yann, son père, son frère, sa grand-mère... en attendant le facteur et la voisine d'en face. Volent au secours de YM, par ailleurs pris à partie pour des dessins de jeunesse antisémites, tout un tas de copains qui ne veulent pas laisser dans l'embarras quelqu'un d'aussi prescripteur.
Bien sûr, il y eut Poil de carotte ou Vipère au poing : on peut faire de la littérature avec ce matériau là. Malheureusement, vingt ans après la mode de l'autofiction est arrivée celle du déballage intime et cradingue, et Moix, qui n'est pas sans talent, peine à s'extraire du troupeau, notamment féministe, qui exploite ce filon.
L'actualité sacre également le déballage des fonds de tiroir de Françoise Sagan (Quatre cris du coeur, Plon), présentés par son fils Denis Westhoff, qui a récupéré, collé, rédigé les blancs, complété et vendu le résultat, que même sa mère surendettée n'avait osé proposer. Affligence générale.
On n'oubliera pas Emma Becker (La Maison, Flammarion) qui pour écrire son livre a choisit de travailler deux ans dans un bordel en Allemagne. On ne peut écrire que ce qu'on a vécu, dit-on aujourd'hui... L'appât est solide.
Que retenir de tout cela ? ce que vous voudrez, mais rien serait le mieux car dans un an ou deux personne ne se souviendra de ces produits. Peut-être les relancera-t-on : je ne serais pas surpris si Mme Becker annonçait dans quelque temps avoir tout inventé ; pareil pour Moix, voire pour Westhoff. On nous dira alors que cela ne change rien, que l'important c'est le livre et l'écho qu'il trouve chez le lecteur. Mouais.
Le scandale, on le sait, paye davantage que la qualité. Pour en revenir aux Prix littéraires, il est de coutume que les bons livres n'y soient pas. Généralement pas assez rentables.

lundi 23 septembre 2019

Rémi Soulié, de la terre aux cieux...

C'est très récemment que j'ai découvert Rémi Soulié, séduit que j'étais par le titre de son dernier livre, Racination (PG de Roux). Pour le connaitre, il aurait fallu que je sois familier de Radio Courtoisie, de Familles chrétiennes, du Figaro magazine et de quelques officines sulfureuses, et ce n'est pas le cas. Rémi Soulié est philosophe, critique littéraire, essayiste et poète ; il a écrit sur Péguy, Nietzche, Boutang et d'autres. Autant dire qu'il est tout sauf mondialiste, plutôt pétri de culture gréco-latine, à rebours de l'air du temps et un peu provocateur... Bref réac et franchement maurrassien, au moins du Maurras fédéraliste et félibre.
Car Rémi Soulié, d'origine rouergate, est aussi Mainteneur du Félibrige, que Frédéric Mistral avait créé pour défendre la langue d'oc ; on lui doit parallèlement quelques ouvrages sur "Le vieux Rouergue" et sur "Les chimères de Jean Boudou"... Racination est un manifeste "poétique", philosophique, forcément politique, et me semble-t-il fondamental dans ce qu'il soulève. L'ouvrage n'est pas facile d'accès, aussi ma critique se veut-elle très modeste. On connait les écrits de Simone Weil sur l'Enracinement ("le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine") : Rémi Soulié, qui reprend un mot de Péguy, revendique que "la racination peut faire entendre la race, la grâce, la racine, la nation, donc la naissance".
Rémi Soulié apparait très "Mistralenc" : Mistral définissait la race comme le "peuple lié par la langue, enraciné dans un pays et une histoire" ; Soulié répond "je suis chez moi sur cette terre et sous ce ciel où mon nom est gravé", et prône le résonnement avant le raisonnement. La racination prime sur l'enracinement, qui prime sur l'identité, qui prime sur le nationalisme : "Ni conscience républicaine, ni fantasme d'une France pseudo-universelle ou d'obsession souverainiste".
La terre de Soulié, c'est le Rouergue ; ses origines françaises remontent à l'annexion du comté de Rouergue par la couronne de France en 1271 ; mais sa "petite patrie", sa "patrie charnelle", demeure ce Rouergue où il est né et où il s'enracine.
On peut, surtout dans ses injonctions contemporaines, ne pas partager les idées de Rémi Soulié. Mais il a le mérite de poser cette question, si basique et si actuelle : qu'est-ce qui permet de former un peuple ? et de démontrer pourquoi une culture "terrienne" est nécessaire à l'élaboration de l'individu, loin des habituels gloubi-boulga sur les origines et toussa. A tout le moins, on aimerait que son ouvrage, sur lequel j'aurais l'occasion de revenir, fasse débat... car on parlerait aussi de civilisation.
Au delà de son propos, Rémi Soulié illustre comment sa patrie occitane, en l'occurrence, répond à cette nécessité pour l'être humain telle que l'énonçait Simone Weil :"il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle par l'intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie"...

dimanche 15 septembre 2019

Déjà parus...

Pour mémoire, un petit récapitulatif de mes oeuvres :

- Les Saints des derniers jours     L'Harmattan 2018
- Le Répountchou qu'es aquo ?     Vent Terral 2017 (avec AM Rantet-Poux)
- Mona Lisa ou la clé des champs     L'Harmattan 2014
- Passeport pour le Pays de Cocagne     Elytis 2012 (avec AM Rantet-Poux)
- Aveyron Croatie, la nuit     L'Harmattan 2011
- Histoires peu ordinaires à Toulouse     Elytis 2007
- Histoires peu ordinaires au Cap-Ferret     Elytis 2006 (avec Ch. Oyarbide)
- Week-end à Schizoland     Elytis 2005
- La Branloire pérenne     Elytis 2002

En vente dans toutes les librairies, chez l'auteur (voir rubrique commentaires) ou chez l'éditeur.
Les ouvrages publiés chez l'Harmattan sont aussi disponibles en version numérique (www.harmattan.fr)

dimanche 8 septembre 2019

Gilet jaune : à moitié condamné, à moitié regretté...

La presse s'en est largement faite l'écho la semaine dernière : l'un de mes presque voisins a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour avoir affiché sur sa camionnette "Flic suicidé, à moitié pardonné". Cette affaire ne m'a jamais passionné -des blaireaux qui répètent des "bons mots" sans les comprendre vraiment on en voit tous les jours- mais son épilogue me semble doublement attristant.
Sur le fond, la condamnation ne me parait pas très sévère, et autant il est grave de le faire sur un représentant de l'ordre autant il est inique et indécent de se réjouir d'un suicide : on peut être bête et méchant, et la tension autour du mouvement des Gilets jaunes n'excuse rien.
En même temps, comme il convient de dire ces temps-ci, on constate l'incapacité de notre époque à tolérer, sinon comprendre, le second degré : la justice traite la matière au premier degré, et dès lors bien des choses deviennent répréhensibles. Or en l'occurrence, et quoi qu'on puisse penser de sa valeur humoristique, il me semble que le "bon mot" que notre crétin a repris pouvait se relativiser, je dirais même s'interpréter ou se mettre en perspective, si l'on se réfère à une vieille tradition satirique ou pamphlétaire...
Sinon, combien de chansons de Brassens ou de Brel, par exemple, tomberaient de nos jours sous le coup de la loi, depuis le classique "Mort aux vaches" jusqu'aux émasculations de Brive la Gaillarde ? Et quel éditeur accepterait de prendre le moindre risque pour publier une oeuvre trop persifleuse ? Combien de morceaux d'anthologie seraient aujourd'hui morts nés ? Et d'ailleurs combien le sont ?
On peut se réjouir que la justice oblige chacun à prendre ses responsabilités, au lieu de bêler en troupeau. Mais je ne suis pas sûr que la démocratie, et tout ce que l'on met derrière ce mot, progresse beaucoup si cette justice refuse de distinguer la lune et le doigt...