mardi 21 décembre 2021

Censures.

Avant d'entrer à pieds joints dans la période des voeux béats, jetons un oeil rétrospectif sur l'année 2021 et plus généralement sur l'un des relents de l'air du temps : le retour de la censure. Non pas l'insidieuse qui s'insinue peu à peu dans la vie du quidam par le biais d'injonctions moralistes, mais la censure brute, la vraie de vrai. Quand je dis retour c'est une façon de parler, car la censure n'a jamais disparu, et il en existe ailleurs de bien pires. Pourtant.

A l'occasion de l'élaboration d'une loi sur les bibliothèques, on entend préserver celles-ci des menaces liberticides et "révisionnistes" : ces établissements relèvant des collectivités territoriales (c'est-à-dire des élus), on estime utile de les protéger des pressions éventuelles de partis politiques ayant le vent en poupe : on voit aisément auxquels pense le législateur, et il n'est pas sûr que l'autre bord soit dans le collimateur.

Car aucun bord n'a le monopole de la censure, il peut être utile de le rappeler. Voir les Etats-Unis ou le Canada, et par conséquent la France à venir. La gauche, ou ce qui en tient lieu, hurle après les intégristes qui attaquent les supports LGBT ; la droite crie sur les autodafés qui visent Astérix, les contes et autres publications, au nom selon elle de l'idéologie woke ou de la cancel culture. Bien sûr, personne ne s'interroge sur les exactions de son propre camp. Il faut dire que l'hystérisation politique est bien alimentée par les réflexes pavloviens de certains groupes de pression, plus sensibles au mot qu'à la chose : on se souvient des suppliantes d'Eschyle, oeuvre d'une grande ouverture, clouée au pilori par le zèle de quelques crétins pré-pubères et boutonneux qui n'y  voyaient qu'un délit (selon leur propre justice) de blackface. Ces jours-ci, E. Macron est taxé de pétainisme pour avoir utilisé l'expression "vent mauvais", déjà usitée par Pétain. Zemmour évoque-t-il le surnom d'Abel Bonnard, ministre vychiste, surnom bien connu de "Gestapette", que certains entendent porter plainte pour homophobie. Trier l'essentiel de l'accessoire semble être au-dessus de la force cérébrale de certains.

On peut toujours relativiser, considérer l'activisme comme minoritaire ou peu représentatif, ou invoquer l'enflure médiatique ; Certes. Mais la tendance de l'époque, de judiciarisations en interdits, est bien à faire taire l'Autre. Et il me souvient que voilà bientôt vingt ans, des manifestations sociales se terminaient par un happening consistant à brûler le livre que venait de publier le ministre. Que valaient le livre et le ministre, je ne m'en souviens plus et peu importe. Mais le fait symbolique de brûler les livres, a fortiori chez des manifestants de gauche, traduisait une impressionnante inculture politique et historique. Et le pire était que ces manifestants étaient... des enseignants.

Oui, les vents sont mauvais.

mardi 14 décembre 2021

Lectures : Pleine terre, de Corinne Royer

Longtemps le livre de Corinne Royer Pleine terre (Actes Sud) fût dans les listes de nombreux prix littéraires, c'est dire l'unanimité qu'il a suscité. Il n'en a finalement remporté aucun, c'est dire qu'il n'était pas formaté pour cela : trop âpre, trop noir, trop tragique.

Ce livre raconte la cavale d'un éleveur aux prises avec l'agriculture moderne, et plus encore avec l'administration qui va avec. Une situation banale mais fatale qui va entrainer une descente aux enfers tragique : l'histoire est tirée de faits réels, tout aussi dramatiques. C'est un roman naturaliste, pétri de réalité ; Corinne Royer connait la campagne et les paysans, et elle est très bien documentée, sans que cette documentation n'obère l'écriture, remarquable et taillée à la serpe, digne du drame qu'elle décrit. Le livre n'est pas lisse, et il se lit lentement : il déborde d'humanité mais n'est ni joyeux ni démagogue.

S'il n'est pas crépusculaire, c'est qu'y sont identifiés les solutions autant que les problèmes. Mais plutôt que de s'attacher à de grandes incantations à la mode, abstraites et à la réalisation hypothétique, on retiendra du récit la réalité plus charnelle des situations, qui souvent ne demanderaient que du bon sens pour s'améliorer.

Quelques critiques : quid du consommateur, grand absent du roman ? Et peut-être un personnage central un peu trop intello. Et surtout quelques pages évitables, dont la présence semble tenir davantage à l'air du temps qu'à un réel intérêt narratif. Pour autant, Pleine terre est un beau et grand livre, au contraire des feel good books. Pas asssez consensuel pour être récompensé, mais assez fort pour faire date.

jeudi 9 décembre 2021

L'âme des chemins creux, toujours d'actualité...

 



"Un bel hommage au Midi sous forme de quarante-huit petits chapitres où l'Occitanie est embellie par des mots à la Brassens. Poux a du coeur et du style. Il nous semble entendre la superbe chanson de Nougaro : Toulouse." (Service littéraire)

"Une balade buissonnière au gré de ces petites et grandes choses qui tissent une certaine culture du Midi, sur les pas de l'Ome d'Oc, de l'Homme du Sud..."   Ph. Emery, La Dépêche du Midi

jeudi 2 décembre 2021

Lectures : La confrérie des innocents, d'Henri Gougaud

Voilà un an, à propos de la parution de J'ai pas fini mon rêve, j'évoquais ce livre qui relatait la carrière d'Henri Gougaud, tour à tour chanteur, parolier, homme de radio et conteur, depuis les années 60 jusqu'aux années 2020. Nouvelle parution cette année, pas de Mémoires cette fois mais un roman, un roman plein de Gougaud pourrait-on dire...

La confrérie des innocents (Albin Michel) se déroule au XIIIème siècle, entre Toulouse et Pamiers. S'il n'est pas fait explicitement référence au catharisme et à sa répression, la toile de fond du livre en est imprégnée. Il y est question de moines, d'architectes, d'inquisiteurs et d'un sulfureux manuscrit recherché par les autorités. Il y a des bûchers, des sbires, des rites païens. Mais aussi et surtout, dans ce récit médiéval et initiatique, historique et mystique, conte et légende, des personnages à la fois truculents et lumineux : cette cour des miracles occitane est une confrérie des innocents. On connait le bagage de Gougaud en matière d'histoire, de mysticisme et de philosophie : il donne ici toute la mesure de sa sagesse.

Pour l'anecdote (façon de parler), on retiendra aussi l'image de couverture : une miniature du XVIème siècle représentant "un autodafé présidé par Dominique de Guzman, fondateur de l'ordre des Dominicains" et grand pourfendeur de la cause cathare, dans une "épreuve du feu du livre hérétique et du livre orthodoxe". Un recours au jugement de Dieu, dont on peut se demander s'il ne redeviendra pas d'actualité un jour prochain...

vendredi 26 novembre 2021

Lectures : Chevreuse, de Patrick Modiano

C'est le dernier Modiano, paru comme d'habitude chez Gallimard. Et un livre de PM est toujours un évènement. On sait pourtant ce qu'on va y trouver, une spirale en immersion dans le monde des souvenirs : souvenirs anciens et plus récents, présent déjà nostalgique avant d'avoir passé... C'est toujours la petite musique de Modiano, intimiste et si particulière, conduite dans un style qu'on a souvent qualifié de proustien. Toujours la même enfance, la même rêverie, les mêmes fantômes. Dans un récit aussi fluide, comment trier le rêve, le souvenir, la romance ? on ne se pose même pas la question...

Il est bien connu que les auteurs, surtout les grands, écrivent toujours le même livre, et Modiano en est sans doute le plus brillant exemple contemporain. Certains critiquent ont trouvé que dans Chevreuse il tournait un peu en boucle, ou qu'il écrivait "quelque chose de précipité". On peut admettre ces objections, somme toute assez habituelles : on est souvent tenté, lors d'une nouvelle parution, de dire "ce n'est pas le meilleur Modiano, mais il est très bien...". Seulement, au bout d'un gros demi-siècle, cela fait une oeuvre de géant.
Et c'est ainsi que Modiano est grand.

dimanche 14 novembre 2021

Carmen Mola, mauvais genre...

On sait qu'à notre époque les robinets d'information peinent à distinguer l'essentiel de l'accessoire, mélangeant faits divers et évènements plus importants ou plus signifiants. Et ce ne sont pas ces derniers qui déclenclenchent forcémenent le plus de réactions. Ainsi en Espagne : elle s'appelle Carmen Mola, est une romancière à succès et vient de remporter le prestigieux prix Planeta. On l'attends pour la  récompenser. Seulement à la place de l'impétrante attendue se présentent trois solides gaillards comme l'Espagne en produit : Carmen Mola n'est qu'un pseudonyme.

Chez nous, du moins en d'autres temps, la chose aurait juste fait sourire : on ne compte plus les auteurs qui ont multiplié les identités littéraires, sans oublier ceux qui voulaient protéger leur anonymat, voire les nègres qui y étaient contraints. Mais l'Espagne n'est pas la France, à moins que, hélas, ce ne soient les temps qui changent.

C'est une véritable tornade qu'ont déclenché les néoféministes ibériques : la supercherie humiliait les femmes. Et les libraires (du moins certaines) d'emboiter le pas, appelant pêle-mêle à l'interdit ou au boycott, à la fois pour le livre, son éditeurs, ses auteurs, etc... Les livres encensés la veille, car oeuvres de femmes, devenaient le lendemain, en révélant leur véritable auteur, tout juste bons pour le pilon.

Tout ça parce qu'un trio d'hommes, blancs de surcroît, avait usurpé l'identité d'une femme... qui n'existait pas ! On a connu victimes plus malheureuses. Alors, comme souvent, vient la question : faut-il pleurer ? faut-il en rire ? ou, pourquoi pas, faire un procès révisionniste à George Sand ?

mardi 9 novembre 2021

Enfoirés et bouquinistes

En ce début novembre, Brive accueille le petit monde de la "République des Lettres" -républicain probablement, lettré est une autre histoire- venus faire la foire. Et s'encanailler après la fermeture. Bref, l'univers du livre fait la fête.

Pourtant, le danger rôde, qui lui est resté à Paris. Un danger bien de chez nous, bien de notre époque, qui décime les bouquinistes des quais de Seine. Depuis le XVIème siècle, ils ouvrent leurs boites vertes, repues de livres lu et relus, qui font encore le bonheur de l'amateur en satisfaisant sa curiosité et son goût des lettres. Un repaire ou une caverne d'Ali-Baba pour ceux qui aiment les livres, leur histoire et leur contenu, petit prix à la clé. Certes il s'y trouve bien quelques brebis galeuses, vendeuses de tours Eiffel et de souvenirs pour touristes -généralement reléguées en bout de quai- mais qui n'enlèvent rien à l'identité du métier.

Seulement voilà, on n'échappe pas à son époque. Il y eut d'abord des mois de manifestations de Gilets jaunes peu propices aux affaires. Puis vint le Covid, ses confinements, ses portes fermées aux touristes et ses interdits de toute sorte. Et, comme partout, des odeurs d'avenir incertain. Trois années qui en auront incité beaucoup à mettre la clé sous la porte. A tel point que la Mairie de Paris, qui concède les boites, lance une campagne de recrutement...

On ne fait pas ce métier pour l'argent, les bouquinistes gagnant entre cinq et dix euros par jour, jour souvent passé dans le grand froid, la pluie ou la canicule. On le fait par amour des livres, et c'est ce que le touriste étranger nous envie. Car si le volume d'affaires ou les rémunérations sont dérisoires au temps de la start-up nation, l'impact sur les devises du tourisme parisien est loin d'être anecdotique.

Ce dernier argument ne peut être ignoré, et c'est celui avec lequel le métier se défendra. Et pourtant, plus simplement, les bouquinistes incarnent quatre siècles d'Histoire de France, quatre siècles de culture française : mais de quel poids cela pèse-t-il aujourd'hui ?

mercredi 27 octobre 2021

Merci Mona Ozouf !...

Rencontré hier, au hasard d'un zapping sur la chaine Histoire, le documentaire "Les identités de Mona Ozouf" : un véritable moment de grâce en ces temps désolants de précampagne un peu folle.

Le document date de 2020 et Mona Ozouf, solaire nonagénaire, y parle dans une langue claire et pure de ses identités : la première est bretonne, grâce à ses parents militants régionalistes ; puis les études et les rencontres (Furet, Leroy-Ladurie, Agulhon, Jacques Ozouf qu'elle épousera...), sa carrière et son oeuvre de philosophe et surtout d'historienne. Le plus remarquable est sans doute son approche de la diversité, du particulier et de l'universel, qui pose la question de l'enracinemennt et de l'émancipation de l'individu. Elle le fait, du haut de son grand âge, avec une hauteur de vue et une mesure magnifiques, sans anathème ni sectarisme.

Mais elle demeure, de par son histoire personnelle, très critique vis-à-vis du jacobinisme français, qui a cru remplacer le vide du corps du roi par le slogan de la République "une et indivisible". Elle avait lors du bicentenaire, avec François Furet, émis une critique de la Révolution française que certains ne leur ont jamais pardonné. Et aujourd'hui encore, en défendant l'Ecole et la République, elle revendique une authentique identité bretonne et légitime le sentiment régionaliste.

Quand on voit la forme prise ces jours-ci par les diverses postures autour des questions identitaires ou communautaristes, la parole de Mona Ozouf a le mérite de vous réconcilier avec l'idée d'appartenance et d'enracinement culturel, et surtout de témoigner de l'existence de l'intégrité et de l'intelligence.
Ce documentaire est disponible sur Youtube. Ne le manquez pas.

vendredi 22 octobre 2021

Succès littéraires ministériels (Lol)

On a coutume de dire qu'en France écrire un livre vous pose son homme, ou sa femme bien sûr ; de tout temps les politiques ont usé de l'artifice. Laissons de côté ceux qui, dotés de réelles qualités littéraires ont écrit pour l'Histoire (De Gaulle, Mitterrand...) et convenons que pour la grande majorité l'écriture, par des nègres le plus souvent, était un acte de com'.

Tout le monde y trouvait son compte, même les éditeurs : quand on était un haut responsable dans un parti conséquent, celui-ci garantissait l'achat des quelques milliers d'exemplaires qui assuraient quelque bénéfice. Personne ne lisait le bouquin, mais peu importe.

A en croire un article du site ActuaLitté, les choses ont semble-t-il changé, au vu des ventes de l'année (source Edistat) réalisées par nos ministres (20 % du gouvernement vient de publier un livre). Si les titres de G. Darmanin ou B. Le Maire, parus en début d'année obtiennent des chiffres respectables, respectivement de 5000 et 21000 exemplaires, les temps sont plus difficiles pour leurs collègues : le livre commis en juin de l'an passé par A. Pannier-Runacher s'est vendu à 287 exemplaires. Le ministre JM Blanquer a profité de la rentrée pour sortir un ouvrage qui malgré une publicité quasi-institutionnelle en est à... 620 ex. Toujours dans la série "Rions un peu", n'oublions pas E. Wargon et ses 75 exemplaires et l'innénarrable M. Schiappa qui culmine à l'heure qu'il est à ... 64 exemplaires.

Que peut-on en déduire ? N'étant pas dans le secret des contrats, il m'est difficile d'apprécier les nouvelles moeurs. Un éditeur de seconde zone peut s'illusionner (et encore) de la carte de visite, mais pas des maisons comme Gallimard, Stock ou Calmann-Lévy, qui n'ont évidemment jamais cru à la réussite commerciale de ces publications. Comment rentrent-elles dans leurs fonds ? Mystère, mais le tout aurait une odeur de (gros) compte d'auteur que je ne serais pas surpris. Pour ce qui est des nègres, les cabinets ministériels peuvent offrir de la main-d'oeuvre.

A moins que l'influence, au  moins supposée, des gens de pouvoir ne suscite des convoitises de la part des éditeurs, qui espèreraient ainsi un renvoi d'ascenseur ? Allons donc...

mercredi 20 octobre 2021

Rentrées moroses

Peut-être la morosité se banalise-t-elle, depuis plus de dix-huit mois que le pays vit au jour le jour, peut-être que la rentrée est toujours, presque par définition et depuis l'enfance, plutôt maussade, mais l'an deux mille vingt et un est particulièrement pesant. Pourtant la vie continue, et il faut continuer à com-mu-ni-quer.

La rentrée littéraire est-elle d'une platitude rare ? Mais non, on nous inonde de commentaires sur la "résilience" de la lecture et des librairies, revenues de l'enfer, à coûts de pourcentages inattaquables : méfions-nous des pourcentages, ces outils pour communicants dont on ne retient que le leurre agité alors qu'on ignore la construction qui le définit. Bref tout irait bien, si ce n'était ces innombrables témoignages qui me viennent du monde réel et qui démentent les affirmations officielles.

Le secteur culturel, considéré plus largement, est au bord de l'effondrement, où des pans entiers menacent de s'écrouler. Même la ministre de tutelle reconnait "une rentrée en demi-teinte" ; les festivals qui perdurent n'ont aucune visibilité ; les cinémas affichent une baisse de fréquentation de 25 % ; le théâtre, très émietté, est plus difficile à appréhender mais va encore plus mal.

A défaut de déni pur et simple, on évoque des raisons de circonstances : les gens ont peur d'être contaminés, le télétravail freine la mobilité, et bien sûr, concernant le théâtre, le harcèlement et les violences sexistes qui ont secoué ce petit monde sont dévastateurs. Sans oublier Bertrand Cantat. De l'hygiène et tout ira mieux

Certes, en y regardant de plus près, les fortunes sont diverses, et la mutation qui s'observe aurait été plus longue à s'opérer si la crise "sanitaire" (terme un peu restrictif, non ?) n'était passée par là. Mais il faudra désormais, nous dit-on rue de Valois, "réinterroger nos pratiques culturelles"...

Bref, on aura compris qu'en réalité, derrière le rideau de fumée destiné à apaiser, l'Apocalypse de la Pensée approche à grands pas.

mercredi 6 octobre 2021

Lectures : Campagne, de Matthieu Falcone

Premier titre relaté de mes lectures automnales : Campagne, de Matthieu Falcone (Albin Michel). Ce roman nous plonge dans un village de la France profonde (en fait en Dordogne) ; d'une part, quelques ruraux, vieux ou bien enracinés, et d'autre part quelques citadins posés là de fraiche date, sans racines mais pleins de certitudes contemporaines, qui vont organiser une grande fête participative et inclusive, avec choc des cultures et drame à la clé. Ceux qui ont l'habitude de me lire comprendront l'intérêt que j'ai pu porter à ce livre...

On l'aura compris, le livre traite des chocs liés à l'urbanisation du monde rural d'aujourd'hui, et derrière cela des heurts entre les vieilles cultures et les idées ou comportements à la mode. Et plus encore du télescopage entre la représentation de la nature éternelle et l'idée plus moderne ou fantasmée que s'en fait l'homme du 21ème siècle.

Le livre est une satire, avec sans doute quelques caricatures, mais c'est la loi du genre ; quelques pages sont un peu plus politiques, et évidemment ce ne sont pas les meilleures. Et on regrettera peut-être quelques longueurs évitables.

Il n'empêche que cette ode à la terre, aussi féroce et rugueuse soit-elle parfois, est un monument d'humanité et de tendresse. Falcone connait bien la campagne, il sait en parler et il sait l'écrire. Ce genre d'ouvrage, juste, profond, généreux et bien écrit se faisant de plus en plus rare, ne laissez pas passer celui-là...

mardi 28 septembre 2021

Tambouille et Goncourt-bouillon

François Noudelmann est philosophe ; il a publié de nombreux travaux sur sa spécialité, avant d'écrire un premier roman, Les Enfants de Cadillac (Gallimard), qui relate l'histoire de sa famille entre les deux guerres mondiales. Le livre figure, avec de bonnes chances, sur la première liste du Jury Goncourt.

Camille Laurens est une romancière d'expérience, auteur chez Gallimard, billettiste au Monde et membre de ce Jury Goncourt, après celui du Fémina. Une solide référence germanopratine.

Anne Berest est plus modeste ; elle est plus jeune et a beaucoup oeuvré pour le théâtre, avant de publier cette année un roman, La Carte postale (Grasset), qui figure lui aussi avec de bonnes chances sur la première liste du Goncourt, et où il est question... de l'histoire de sa famille entre les deux guerres mondiales.

La pauvre va subir une critique "d'une rare violence", disent ceux qui l'ont lue, dans Le Monde. Critique signée... Camille Laurens.

Qui, j'avais oublié de vous le dire, n'est autre que la compagne de François Noudelmann.

Le petit monde de la littérature s'offusque, ou se marre, ou les deux, en criant au conflit d'intérêts.

Didier Decoin, le Président du Jury, navigue à vue, défendant le "bon livre" de Noudelmann, regrettant le défaut de solidarité de Laurens mais ne voit rien de quoi s'offusquer.

L'endogamie du monde littéraire ? quelle endogamie ? 

mercredi 15 septembre 2021

L'âme des chemins creux, mémoires d'un sud...

 

Pour rappel, mon dixième ouvrage, paru chez Elytis voilà quelques mois... 




"Un bel hommage au Midi sous forme de quarante-huit petits chapitres où l'Occitanie est embellie par des mots à la Brassens. Poux a du coeur et du style. Il nous semble entendre la superbe chanson de Nougaro "Toulouse"." (Service littéraire)

mercredi 8 septembre 2021

Kaboul, ou le triomphe de la culture...

Dit comme cela, ça peut surprendre... et pourtant. Nous ne nous égarerons pas ici dans les méandres de la politique étrangère, mais remontons vingt ans en arrière : l'Occident débarque en Afghanistan pour nettoyer ce pays des Talibans, suite aux attentats du 21 septembre 2001. Militairement, le problème est vite réglé ; on entreprend alors, intension louable, de faire en sorte que le "peuple afghan" puisse à l'avenir se protéger d'un retour éventuel de l'idéologie talibane : on lui construit une armée et on occidentalise sa culture (libertés, droits des femmes, etc...).

Vingt ans plus tard, après l'effondrement que l'on sait, quel bilan peut-on en tirer ? Ce n'est pas une défaite militaire : l'armée afghane n'a pas combattu les talibans et, hormis les supplétifs des occidentaux, le "peuple afghan" ne s'est guère opposé aux nouveaux maitres de Kaboul.

Bref, l'occidentalisation n'a pas fonctionné, parce que la majorité du pays n'en voulait pas. Voilà un quart de siècle que Samuel Huntington l'avait annoncé, dans son Choc des civilisations: les cultures retrouvent la prééminence sur les idéologies essoufflées. Faut-il dès lors s'étonner que toutes les colonisations finissent par le rejet des colonisateurs, quand bien même leur bilan serait défendable ? Désormais les conflits, annonçait Huntington, se feront à partir des civilisations et non plus des idées. La droite américaine le fustigea car il était démocrate, la gauche parce que le propos était iconoclaste.

A une échelle plus rapprochée, culture égale communauté et jacobinisme vaut colonisation. J'ignore si ce constat est pessimiste ou non, et ne lis pas dans le marc de café. Simplement, on vérifie à Kaboul que les cultures enracinées, une fois de plus, priment sur les constructions de l'esprit. Nos élites, contemporaines et si éclairées seraient bien avisées de le comprendre enfin.

vendredi 3 septembre 2021

lundi 30 août 2021

Déjà parus...

Avant que la rentrée nous ramène aux choses sérieuses, un petit rappel de mon oeuvre...

     . L'âme des chemins creux, mémoires d'un sud     Elytis 2021

     . Les Saints des derniers jours     L'Harmattan 2018

     . Le répountchouqu'es aquo ?     Vent Terral 2017 (avec AM Rantet-Poux)

     . Mona Lisa ou la clé des champs     L'Harmattan 2014

     . Passeport pour le Pays de cocagne     Elytis 2012 (avec AM Rantet-Poux)

     . Aveyron Croatie, la nuit     L'Harmattan 2011

     . Histoires peu ordinaires à Toulouse     Elytis 2007

     . Histoires peu ordinaires au Cap Ferret     Elytis 2006 (avec Ch. Oyarbide)

     . Week-end à Schizoland     Elytis 2005

     . La Branloire pérenne     Elytis 2005

En vente dans toutes les librairies, chez l'éditeur et chez l'auteur. Et aussi en e-book pour les titres parus chez l'Harmattan.

jeudi 19 août 2021

Rentrée littéraire, en attendant...

La rentrée approche, et avec elle le barnum annuel nommé "rentrée littéraire". Covid ou pas, 521 titres vont éclore en terre de fantasmes. Il est bien sûr trop tôt pour faire le moindre bilan, pourtant pour l'heure le prgramme semble assez banal : sans surprise on retrouve les habitués (Nothomb, Musso, Chalandon...) et cinq cent impétrants ; dans le lot, un certain nombre de biogaphies, d'intérêt très inégal, et pas mal d'ouvrages dits d'"exofiction" (en clair, biographie romancée).

On notera toutefois quelques retours de classiques : une nouvelle traduction de la Divine comédie de Dante, des textes inédits en français de S. Zweig, une nouvelle traduction du Journal de Kafka, une correspondance de P. Valéry avec sa fille, une monographie sur G. Bernanos.

Enfin, on attendra avec intérêt dans cette rentrée les nouveaux titres de Marc Dugain, Patrick Deville et, évidemment, Patrick Modiano.

Et peut-être quelques surprises ? Rendez-vous dans quelques semaines.

vendredi 13 août 2021

Vaccin, Histoire et piqûre de rappel...

Dommage que cette étude soit parue au coeur d'un mois d'Août morose et désenchanté, car, fût-elle consacrée au sujet du Covid, elle n'en est pas moins iconoclaste. Iconoclaste car intelligente.

On ne débattra pas ici du fond, ni de la vaccination ni du passe sanitaire. On s'attachera à l'étude elle-même sur la géographie de la "fracture vaccinale", publiée par la Fondation Jean-Jaurès à partir des travaux d'un "géographe de la santé" (ça existe) de Montpellier, Jérôme Vigneron. Ce dernier a analysé la carte de la couverture vaccinale à une très faible échelle (Communautés de communes), et l'a recoupé avec d'autres cartes, avec lesquelles elle se recoupait parfaitement.

Si je qualifiais l'étude "d'intelligente", c'est parce qu'enfin on y étudie le mouvement anti-passe ou anti-vaccin autrement que comme un ramassis d'ignares fachos-antisémites ou de gaucho-écolos hurluberlus, en essayant de saisir les subtilités politiques et surtout culturelles qui la sous-tendent.

On ne sera pas surpris de constater les similitudes géographiques entre faible vaccination et production agrobiologique  ou médecines alternatives, par exemple. Plus intéressante, les corrélations historiques qui établissent les régions de langue d'oc comme "un sud rebelle et réfractaire", dans la tradition de huit siècles de sursauts indociles. Récalcitrants à l'autorité de l'Etat central et jacobin (en clair : du système), l'ome d'oc est plus éloigné que d'autres des injonctions communicantes de cet Etat auquel il demeure, génération après génération, foncièrement hostile.

Cette étude est facile à trouver sur le Net et mérite le détour. Quant au sujet évoqué, ceux qui ont lu "L'âme des chemins creux, Mémoires d'un Sud", mon dernier ouvrage paru il y a quelques mois chez Elytis, ceux qui l'ont lu trouveront dans les travaux de J. Vigneron l'illustration de ce sentiment qui faisait l'ome d'oc de mon livre.

Quant à ceux qui croient notre modèle jacobin indépassable et la France issue de la Terreur éternelle et définitive, peut-être leur échoiera-t-il un peu plus de modestie... mais on peut en douter.

lundi 9 août 2021

Feuillets de Céline : le cadavre bouge encore...

C'était un morne été, pourri par la météo et le covid. Il ne se passait rien dans l'actualité littéraire, comme si un confinement larvé gangrénait les esprits... Et puis, divine surprise, on a retrouvé les feuillets de Céline ! Ces feuillets, volés à la Libération dans sa maison de Montmartre, quand lui-même avait pris le chemin de Sigmaringen et du Danemark, et disparus depuis, devenus objets de tous les fantasmes et de toutes les recherches pendant trois quarts de siècle...

Soixante ans après la mort de l'écrivain, c'est Jean-Paul Thibaudat, ex-critique à Libération (!) qui a dit avoir reçu ces papiers, voilà une quinzaine d'années, d'un lecteur souhaitant s'en séparer mais exigeant d'attendre le décès de Lucette Destouches avant qu'on les rende publics.

Les ayant-droits, François Gibault en tête, crient à l'évènement. S'il ne fait pas de doute que ces écrits ont une réelle valeur, financière et littéraire, il convient d'attendre leur publication avant d'apprécier celle-ci. Il y aurait, à en croire les fuites plus ou moins organisées, le manuscrit intégral de Mort à crédit, de Casse-pipe, et La volonté du roi Krogold, plus un inédit sur Londres...

Une fois tout cela classé, Thibaudat annonce six cent pages. Nous verrons bien ; nous verrons surtout ce que cela apporte comme éclairage nouveau sur une période qui n'en finit pas de passer. Attendons-nous donc à quelques polémiques compme seul Céline peut en provoquer, et le politiquement correct en produire. Mais au-delà des postures convenues, il serait bien étonnant qu'il n'en sorte pas quelque étincelle...

jeudi 29 juillet 2021

Hommages, ô désespoir !

Toujours dans la même veine que le billet précédent... Le monde de l'industrie littéraire se plaint encore d'un manque de considération de la part de Roselyne Bachelot, et du silence ministériel qui a accompagné la disparition de Henri Vernes. Si ce nom ne vous dit rien, ne cherchez pas dans la Pléiade : c'est l'auteur des Bob Morane.

Depuis 1953, Vernes a produit près de 200 romans, souvent adaptés en BD, et vendu 40 millions d'exemplaires ; et son héros a été panthéonisé auprès des plus jeunes par une chanson d'Indochine. Ce n'est pas rien, et on ne devient pas populaire sans raison ni sans une part de talent, et Vernes, comparé à certaines commémorations, méritait bien ne serait-ce qu'un tweet.

Pour autant, faut-il "célébrer" ce type de réussite industrielle ? "Faire des choix, c'est donner du sens", déclarait en son temps Aurélie Filipetti refusant d'encenser Gérard de Villiers, le père des SAS qui venait de disparaitre. Notre monde post-américain veut que le succès commercial soit un garant de qualité culturelle, alors que précisément cette réussite se bâtit souvent sur la facilité de consommation du produit, ce qui ne pousse pas l'auteur à l'exigence ni à la complexité. On pourra trouver des exceptions, comme Georges Simenon dont l'écriture sans prétention des Maigret a pourtant abouti à terme à une vraie oeuvre, illustrant une certaine France des années 50 et 60...

Mais, passé le moment de distraction, que pourra-t-on retenir de Bob Morane ?

lundi 19 juillet 2021

Honneurs

On sait qu'à partir d'un certain degré de réussite les acteurs culturels ne crachent pas sur les honneurs. Ainsi en va-t-il du monde du livre, qui attendait lui aussi la promotion du dernier 14 juillet.

Patatras ! et chou blanc. Si l'on excepte deux changements de grade qui profitent à François Sureau (avocat, écrivain et académicien, un vrai pro) et à Edgar Morin, aucun nom de la confrérie n'apparait. Ni un écrivain, ni un éditeur, ni un libraire, ni un acteur quelconque de la chaine du Livre. La culture et les libraires, si encensés il y a peu, savent à quoi s'en tenir.

L'intérêt d'évoquer ce fiasco tient dans les plaintes qu'il suscite chez les impétrants. On peut en sourire. Et dans la stigmatisation des services du Ministère de la Culture, dont auraient dû émaner des propositions.

Si Roselyne Bachelot peine à obtenir des résultats, elle pourra essayer de s'abriter derrière le contexte. Par contre que ce ministère n'arrive même pas à décerner des légions d'honneur est assurément une première...

mardi 6 juillet 2021

Lectures pour tous, lege et labora

On sait que notre époque n'est pas avare en études de toute sorte, fût-ce pour démontrer statistiques à l'appui que l'eau mouille et que le soleil chauffe. Pourtant, démontrer que le niveau de culture générale influe sur l'efficacité d'un pays, sur sa compétitivité donc, n'est pas inutile.

L'OCDE étudie depuis 15 ans, chez les 16-65 ans, l'évolution des capacités basiques - lire un texte et faire des calculs simples - qui s'avèrent conditionner l'employabilité, la mobilité et l'adaptabilité. Et à ce jeu là, sur les 28 pays concernés par l'étude, la France se retrouve...21ème, dans un classement dominé par le Japon, la Finlande, les Pays-Bas, la Suède : des pays "culturellement" sans gloire mais efficaces selon les normes actuelles.

On constate aussi au passage qu'en matière de compétition internationale le niveau général est bien plus déterminant que la réduction du coût du travail, certes utile mais source de paupérisation collective. Et c'est ce niveau général qui porte le potentiel humain d'un pays. La France illustre cet état de fait, pays qui a privilégié la diminution des coûts plutôt que le développement intellectuel.

A qui la faute ? Aux hommes de tous horizons et souvent de bonne foi qui ont porté cette politique, bien sûr. A l'Education nationale, évidemment. Mais au delà ? On peine à croire que la France, mère des arts, des armes et des lois soit définitivement condamnée, mais le classement de l'OCDE est sans pitié.

Lege et labora : lis et travaille. Le Président de la République vient de décréter la lecture "grande cause nationale". C'est, à l'aune de ce que je viens d'évoquer, une bonne chose. Reste à espérer que les Français en soient convaincus, et que la démagogie ne vienne diluer tout cela (voir mon billet du 16 juin sur le Pass culture et les mangas...). En outre cela ferait aussi le plus grand bie n à la société contemporaine.

mardi 29 juin 2021

L'âme des chemins creux, suite...

 Paru dans le Petit Journal, édition de l'Aveyron du 17 au 26 juin, sous la plume de Daniel Escoulen...




mercredi 16 juin 2021

Pass Culture et passepartout

C'était une promesse du candidat Macron, dont Françoise Nyssen, sa première ministre de la Culture avait lancé en 2018 la phase expérimentale : le Pass Culture pour les jeunes de 18 ans, soit un crédit de 300 euros dédié à des achats favorisant "l'accés à la culture, en révélant la richesse des territoires". J'avais émis à l'époque un certain scepticisme sur cette initiative, louable certes mais qui risquait à mon sens de profiter largement à des produits dont la dimension culturelle n'était pas des mieux établies. Quoi qu'il en soit, nous en sommes désormais à la généralisation du dispositif (à quelques mois d'une élection présidentielle où les jeunes sont particulièrement dragués, mais ça n'a rien à voir) et à ses premiers enseignements.

Ainsi, et c'est une bonne nouvelle, le livre est le produit le plus demandé : 84% des achats. Même s'il a pu bénéficier d'un effet Covid, au détriment des concerts par exemple, c'est un chiffre à saluer heureusement. Pourtant le réel est têtu : 71% de ces livres sont... des mangas. Patatras.

Je ne connais pas vraiment l'univers du manga, et je laisserai chacun se faire son idée. Mais quant à son apport culturel pour notre belle jeunesse, et quant au "territoire" révélé, comment dire... Que ce chèque serve avant tout les produits et auteurs les plus consommés, on le savait à l'avance ; mais là les faits le prouvent de façon caricaturale. Je sais bien qu'il est mal vu de nos jours de peser sur les goûts des jeunes, mais une politique publique mériterait quand même une réflexion...

dimanche 13 juin 2021

Malaises et précarités

On sait depuis longtemps que le monde de "la culture", que les français, disent-ils, plébiscitent tant, que ce monde vit dans la précarité. Il y a celle, conjoncturelle, liée à la crise sanitaire, et celle plus structurelle dûe à une époque où quoi qu'on en dise la consommation a supplanté l'envie de culture : autant de sources de pauvreté. Mais n'en a-t-il pas toujours été ainsi ?

Il est permis d'en débattre. Pourtant certaines postures me semblent témoigner d'une mémoire courte et d'une maturité incertaine : dans l'actualité, une étude du Syndicat du Livre et de la Communication écrite (CGT) montre que les "correcteurs travailleurs à domicile", dont les conditions de travail sont très diverses, craignent les mutations technologiques, regrettent les grandes fluctuations de leur activité et veulent être sécurisés. De leur côté, les "Auteurs, Autrices en Action" (AAA) affrontent les éditeurs du Syndicat National de l'Edition (SNE) et les pouvoirs publics en réclamant un statut des auteurs et une rémunération pour leur présence dans les salons ou festivals, afin que ces "professionnels" (dont beaucoup d'auteurs de BD qui constatent à leur tour le recul des ventes du 9ème art) "puissent vivre dignement de leur travail".

Certes. Mais est-ce que cela passe par une institutionalisation de l'activité, avec statut et salaire ? De tout temps, l'artiste a pris le risque d'être marginal, et de tout temps l'offre a été tributaire de la demande. Une fois cela dit, je suis d'accord que l'auteur, paradoxalement parent pauvre de la chaine du livre, soit mieux considéré que les quelques % qui lui sont octroyés. Mais cela ne suffira pas toujours à en faire ce "professionnel" pouvant vivre de son instrument. Principe de plaisir, principe de réalité : toute création est par essence aléatoire, quelle que soit la morale dont on la pare...

mardi 1 juin 2021

Le Shakespeare n'est pas toujours sûr...

Il y a quelques jours s'éteignait à 81 ans Willian Bill Shakespeare, qui connût son heure de gloire voilà cinq mois en étant le premier vacciné contre la Covid-19 ; fût-il réellement le tout premier, peut-être ou peut-être pas, en tout cas son patronyme était parfait pour la communication de Pfizer et de la campagne de vaccination.

L'histoire aurait pu commencer et finir là. C'était sans compter sur Noelia Novillo, dont le nom mérite d'être retenu : journaliste argentine, elle annonce "la mort d'un des plus importants écrivains de langue anglaise -pour moi, un maître : il a été le premier homme à se faire vacciner contre le coronavirus. Nous vous ferons savoir comment et pourquoi cela s'est produit". Fermez le ban.

On m'a souvent reproché de stigmatiser l'inculture de nos élites et de nos media. On a sans doute raison : Noelia Novillo est argentine.

vendredi 28 mai 2021

Macron et les langues régionales : enfin... ?

 Après la censure de sa loi par le Conseil constitutionnel (voir les billets précédents), Paul Molac avait annoncé viser carrément une modification de la Constitution, notamment l'article 2 : postulat sympathique mais pour le moins optimiste dans notre France immuablement jacobine.

Mais, dernier élément en date de nature à redonner espoir, la déclaration du Président de la République. "Les langues régionales sont un trésor national. Toutes ne cessent d'enrichir notre culture française.Rien ne saura entraver..." l'enseignement immersif de ces langues régionales. "Le droit doit libérer, jamais étouffer. Ouvrir, jamais réduire."

Il a demandé au gouvernement et au Parlement de trouver les moyens de garantir la transmission de cette diversité linguistique, reconnue depuis un demi-siècle. Nous verrons bien, mais prenons acte de la déclaration d'Emmanuel Macron, qui nous avait habitués, en ce domaine comme en d'autres, à des propos contradictoires. L'approche de la présidentielle n'y est peut-être pas pour rien, ou les mots très forts de Bayrou, ou ceux de Le Drian. Jean Castex parle de "mission de courte durée" pour décoincer rapidement la situation... Chiche ?

lundi 24 mai 2021

Langues régionales, modernité et archaïsmes...

Ca n'a pas trainé. On a coutume de dire que le pire n'est jamais sûr, mais quand il s'agit de nos langues régionales et des hautes instances juridiques de ce pays, la réponse tient en deux lettres : si. Le Conseil constitutionnel a donc retoqué la loi Molac (voir billet de la semains dernière).

C'est presque une histoire de cornecul ; les députés qui avaient saisi le CC à propos de l'article du financement solidaire des collectivités face à la carte scolaire font chou blanc : l'article est validé ! Par contre le CC donne un avis que personne ne lui avait demandé : l'enseignement immersif est déclaré contraire à l'article 2, qui dit que le français est la langue de la République. Et pour faire bonne mesure interdit les signes diacritiques (comme le tilde breton) propres à une langue régionale. En clair, le Conseil constitutionnel continue à s'opposer à l'enseignement par les calandretas, les ikastolas, les diwan, etc...qui pratiquent depuis cinquante ans, sous statut privé, un enseignement immersif reconnu, dont même les études de l'Education nationale saluent les résultats !

Grâce à quelques députés de la start-up nation, alliés à quelques franchouillards aussi sectaires qu'incultes, la France va encore s'enorgueillir d'être le seul pays monolingue et monolithique ; le tout à coups d'arguments frelatés et au nom d'une définition de la "modernité" très française, quand tous les autres pays comparables font l'inverse : où sont les ploucs ?

Paul Molac continue son combat, et entend obtenir une modification de l'article 2. Autant dire qu'il n'est pas au bout de ses peines. On se consolera en appréciant que le reste de la loi Molac soit acquis, et que pour cela une large majorité trans-partis s'était dégagée ; on notera l'exception de la France insoumise, qui a renoué avec des méthodes staliniennes pour voler au secours du jacobinisme vacillant. La députée ariégeoise qui avait voté pour s'est fait remonter les bretelles et a dû se rétracter : qu'on la fasse défiler, tête couverte de cendres et pancarte autour du cou, de Nation à République... Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi !


dimanche 16 mai 2021

Modernité des langues régionales

Avec l'adoption récente par l'Assemblée nationale de la loi Molac sur la protection patrimoniale des langues régionales et leur promotion, on pouvait croire que la France allait enfin reconnaitre sa vieille diversité culturelle, à l'instar de bien de ses pays voisins. Jusqu'à ce qu'un contingent de députés, majoritairement LREM et LR, ne saisisse le Conseil constitutionnel. Comme d'habitude, pourrait-on dire. Avec toujours les mêmes arguments sur la protection de la République, une et indivisible, ou le péril communautariste, arguments frelatés où l'inculture le dispute à la mauvaise foi.

Car enfin cette loi est surtout une modernisation des diverses lois existantes ; la loi Deixonne de 1951 définissait déjà ces langues régionales comme des langues parlées sur le territoire national depuis plus longtemps que le français, devenu langue commune. Ce qui exclut donc les "langues minoritaires", comme l'arabe, le turc ou d'autres, qui font si peur à certains.

Les langues régionales, depuis une loi de 2008, sont reconnues comme patrimoine de la France : leur promotion relève de l'entretien de ce patrimoine. Rien ne sera imposé aux élèves ou aux parents, et l'enseignement par immersion demeure facultatif : il y aura simplement une pression sur les établissements publics pour proposer des cours de langue régionale, comme cela existe depuis 50 ans dans les conventions entre établissements privés et Education nationale.

 La loi Molac complète les dispositifs existants et intègre les langues régionales dans la définition du patrimoine immatériel, en même temps que le français par la même occasion. Cette complémentarité entre le français "langue commune" et la diversité des langues régionales a le mérite de redorer le blason de toutes les langues de l'hexagone, à une époque où toutes sont malmenées, le français en premier : loin d'être une menace de fabrique identitaire, elle permettra à la société française de se réconcilier avec la multiplicité de ses racines tout en gardant le fançais en commun. Ne nous y trompons pas : ceux qui aiment les langues régionales sont aussi des amoureux de la langue française.

jeudi 13 mai 2021

Précarités

On sait que les années de "crise", comme par exemple celle que nous vivons, comptent pour dix. Ainsi verra-t-on en deux ou trois ans (hypothèse) de Covid les mêmes mutations qu'en vingt ans d'années dites normales. Et les effets sur "la culture" s'annoncent sanglants.

Bien sûr, ce secteur n'en aura pas l'exclusivité ; combien restera-t-il de bars ou de restaurants, voire de commerce indépendants ? on n'ose y penser. Bien sûr, les mutations seront sans doute à la fois comportementales et technologiques : ainsi verra-t-on sur les écrans des prestations numérisées de concerts, d'opéras, de festivals... et s'y habituera-t-on. Mais des changements historiques vont bouleverser ce qui a caractérisé le dernier demi-siècle. Pour le meilleur ou plus souvent pour le pire.

Peut-être constaterons-nous un ralentissement, faute de crédits publics, de ces activités juste narcissiques, de ces "créations" qui parlent aux seuls professionnels de la profession, et qui ont généré tant d'artistes (?) autoproclamés. Peut-être faudra-t-il à nouveau acquérir un minimum de légitimité pour pouvoir être reconnu... Il n'en reste pas moins que de nombreux artistes, comédiens, techniciens, auteurs vont voir s'éteindre leurs perspectives.

Certes cette situation n'a rien de neuf, et dans l'histoire le propre des artistes a souvent été de galérer. A commencer par les plus grands, quand le biberon d'Etat n'existait pas. Il n'empêche qu'aujourd'hui ce qui fait le sel de ces activités culturelles, que les français plébiscitent quand ils en sont privés, a besoin de ces mains, grandes ou petites, qui oeuvrent souvent dans la modestie. Certes il existe des régimes de protection sociale plus ou moins  adaptés, comme celui des intermittents, mais aussi beaucoup de CDD. Beaucoup travaillaient régulièrement, mais qu'en sera-t-il lorsque les mesures "Quoi qu'il en coûte" se tariront ?

Si l'on ajoute à cela la réforme des droits Assedic qui va particulièrement frapper cette population, on peut craindre un carnage social, qui illustrera bien l'évolution de notre époque. Quand certains artistes dit contemporains brassent des milliards, d'autres qui font la culture vivante vont sombrer dans la misère. Ainsi va le monde.

mercredi 5 mai 2021

Brassens, Nougaro et moi...

 Bon, j'exagère un peu, mais voyez Service Littéraire de ce mois de mai, à propos de L'Ame des chemins creux...



samedi 24 avril 2021

L'âme des chemins creux /La Dépêche (2)

Paru ce jour sur le site de La Dépêche du Midi, et en édition papier Haute-Garonne, sous la plume de Philippe Emery, un très bel article...



https://www.ladepeche.fr/2021/04/23/lame-des-chemins-creux-une-ode-a-lome-doc-et-a-lame-du-midi-9505451.php

mardi 20 avril 2021

Le répountchou sur Méteo à la carte (France 3)

Retrouvez les aventures du Répountchou, de son livre et de ses auteurs en ce printemps confiné, sur France 3 dans l'émission Météo à la carte du lundi 19 avril 2021...

Je précise à l'attention de mes amis aveyronnais et tarnais que je ne suis pour rien dans le titre du reportage (L'asperge sauvage du Tarn-et-Garonne...)😄

https://www.france.tv/france-3/meteo-a-la-carte/2387301-emission-du-lundi-19-avril-2021.html



dimanche 18 avril 2021

Aragon-Triolet, heurs et malheurs...

"L'avenir de l'homme est la femme !", écrivit Aragon en son temps ; mais le néoféminisme est peu reconnaissant et sans pitié : à Clichy on va débaptiser l'école Louis-Aragon pour lui donner le nom de Claudie Haigneré, première femme spationaute française et, accessoirement, ministre de Raffarin (pour ceux à qui ce nom ne dirait rien, ce fut l'un des Premiers ministres de Chirac). La mairie de Clichy (désormais de droite) a jugé nécessaire et moderne de féminiser, avec des noms de femme (de droite, bien sûr), mais surtout de redorer le blason de l'école avec le nom d'une scientifique (la poésie, c'est sûr, ne pouvait qu'en dégrader l'image, au lieu d'inculquer très tôt le sens de la performance aux petits clichois...). S'il s'était agi simplement de promouvoir des noms de femme, ce qui est parfaitement recevable, il eut suffit de rajouter le nom d'Elsa Triolet à côté de celui d'Aragon : à défaut d'être original on aurait respecté le poète et promu sa muse.

J'ai écrit ici même, sur ce blog en octobre 2015, ce que je pensais de l'homme, stalinien de première obédience, et de l'écrivain, résistant et remarquable poète dont la reconnaissance dépassa largement la sphère communiste. J'ai aussi écrit dans ce même billet ce que je pensai d'Elsa Triolet, qui ne fut pas sans talent mais dont la reconnaissance dût beaucoup au contexte politique et culturel (Prix Goncourt 1944 !), Elsa Triolet qui fut aussi l'agent envoyé par le KGB pour "verrouiller" Aragon et le séparer définitivement des surréalistes trotskystes.

C'est le 14 juin que La Poste publiera un timbre à l'effigie d'Elsa Triolet. Cette reconnaissance quasi-officielle est méritée peut-être, amusante sûrement, en tout cas bien de notre temps. Pendant qu'on déboulonne les vieux et grands poètes qui ne plaisent pas aux petits édiles boutonneux de la start up nation, on encense l'envoyée de Moscou, épuratrice active à la Libération et soviétique jusqu'à son dernier souffle.

Communautarisme excité, scientisme forcené et inculture historique : pas de doute, nous sommes bien en 2021.

samedi 10 avril 2021

L'âme des chemins creux : La Dépêche du Midi

 Après le répountchou, retour à l'Ame des chemins creux. Un nouveau merci à André Ramoneda pour son papier de La Dépêche de ce jour...



Michel Poux est né en Rouergue de racines paysannes. Son parcours professionnel s’est inscrit en tant que consultant en management. Depuis près de vingt ans, son écriture se consacre aux hommes, dans leurs rapports avec le travail ("La Branloire pérenne"), avec l’Histoire ("Aveyron Croatie, la nuit", "Les Saints des derniers jours") avec L’Art et la terre ("Mona Lisa ou la clé des champs"). Elle souligne l’attachement à la culture et au quotidien de ces hommes et de leurs lieux ("Week-end à Schizoland", "Histoires peu ordinaires à Toulouse", "Passeport pour le pays de Cocagne", "Le répountchou, qu’es acquò"). En une écriture précise et pétillante, les nouvelles de son dernier ouvrage racontent ses balades et flâneries en pays d’òc à travers, entre autres, ses cultures et traditions. "L’âme des chemins creux" en est le titre, "Mémoires d’un Sud" est le sous-titre.


L’écrivain monteillais souligne son analyse : "C’est un voyage en nostalgie sudiste. Le voyage de l’Òme d’òc, la nostalgie des Sud éternels. Elle est ni idéalisée ni honteuse, triste ou gaie, confiante ou amère. Au pluriel ou au singulier, mais forcément subjective. Les souvenirs et les rêveries d’un contemporain peut-être solitaire mais qui n’est pas né de rien ni nulle part. De balades en flâneries, au gré des intimités rurales, des cultures plus urbaines ou de l’histoire d’une terre où passé et présent s’étreignent, l’Òme d’òc évoque la langue, l’identité, Bacchus, les frontières et les clochers, l’Europe latine de Mistral ou les troubadours. Loin de la quête obsessionnelle de la nouveauté et de la dégradante obligation d’être de son temps, il va au rythme de son pas lourd." Éditions Elytis collection Grands Voyageurs.

mardi 6 avril 2021

Le Répountchou valeur sûre (2) - France 3 Occitanie

A ceux qui douteraient encore de l'engouement suscité par le répountchou, qu'ils jettent un oeil sur le reportage de France 3 Occitanie diffusé dans le 19/20 du lundi 5 avril et le 12/13 du lendemain mardi 6 avril.
Avec, en famille, les auteurs du célèbre livre Le Répountchou qu'es aquo ? !!!😄

Le sujet commence à 16' 16''.

19/20 Midi-Pyrénées - France 3 Occitanie






lundi 29 mars 2021

Le répountchou, valeur sûre...

         Merci à André Ramoneda pour ce papier dans La Dépêche (82) de ce jour !

        Printemps après printemps, le répountchou revient...Le livre aussi !





lundi 8 mars 2021

Avant-première : L'âme des chemins creux (2)

 


Cette Âme des chemins creux, c'est l'esprit d'une série de chroniques, d'une famille d'émotions qui font ce livre. Un livre fragmenté, un kaléidoscope de miscellanées d'un sud, l'Occitanie en l'occurrence. Pourtant c'est partout que les suds sont différents, Faulkner ou Pétrarque l'ont montré, et en butte aux tracasseries des nords. Mais ici c'est un homme d'oc qui au gré de ses pas témoigne de ses souvenirs, de ses émotions, de ses plaisirs et avec lui la culture et l'histoire de ce sud occitan.

Et comme cet homme d'oc est plutôt sceptique vis-à-vis d'une certaine modernité, quelques points d'amertume et de regret affleurent ici et là au coeur de l'enracinement ancestral, mais sans offenser ni l'Autre ni l'avenir : c'est un voyage en nostalgie. "Parle de ton village et tu seras universel", écrivait Tolstoï : c'est la phrase qui m'a guidé tout au long de l'écriture de ce livre.

D'un point de vue littéraire, celui-ci nourrit quelques ambitions : ce n'est pas une publication pour office de tourisme. Mais ce sera au lecteur de se faire une idée... à partir du 18 mars.

mardi 2 mars 2021

Avant-première : L'âme des chemins creux


Ce sera mon dixième titre, et il paraitra le 18 mars chez Elytis, mon éditeur historique depuis La Branloire pérenne en 2002... Tempus fugit.

L'âme des chemins creux en est donc le titre, et Mémoires d'un sud en sera le sous-titre ; il paraitra dans la collection "Grands Voyageurs", car ses émotions "racinaires", ressenties et incarnées par un ome d'oc sur ces terres occitanes où il puise énergie et culture, sont aussi un grand voyage...

C'est un voyage en nostalgie sudiste. Le voyage de l'homme d'oc, la nostalgie des suds éternels. Ni idéalisée, ni honteuse, triste ou gaie, confiante ou amère. Au pluriel ou au singulier, mais forcément subjective. Les souvenirs et les rêveries d'un contemporain peut-être solitaire, mais qui n'est pas né de rien ni nulle part. Un contemporain d'autant plus ouvert qu'il est enraciné.

De balades en flâneries au gré des intimités rurales, des cultures plus urbaines ou de l'histoire d'une terre où présent et passé s'étreignent, l'homme d'oc évoque la langue, l'identité, la société d'aujourd'hui, Bacchus, les frontières et les clochers, l'Europe laitne de Mistral ou les troubadours : loin de la quête obsessionnelle de la nouveauté et de la dégradante obligation d'être de son temps, il va au rythme de son pas lourd...

Mais je vous en dirais bientôt davantage.

samedi 27 février 2021

Librairies : Alleluia ! Vadre retro covidas...

C'est fait : les librairies sont redevenues "essentielles", entendez par là qu'elles pourront ouvrir en cas de reconfinement. La profession, qui avait lors du premier confinement snobé les offres du Ministère de l'Economie et préféré baisser le rideau avant de s'en mordre les doigts, qui avait, parait-il résisté avec le click-and-collect pendant le second, la profession donc s'en réjouit avec enthousiasme.

Soit. Vu la ferveur culturelle qui s'est emparée des Français depuis un an, nul doute qu'on devrait assister alors à des ruées dignes d'une promo de nutella vers ces lieux sacrés de la culture. D'ailleurs, si l'on s'en souvient bien, l'avant-Covid témoignait de cet amour des lettres qui sommeille en chacun de nos compatriotes.

Non ? Comment donc, les librairies étaient déjà à l'agonie ? surtout les petites ? L'écrit était en crise ?... On nous aurait donc menti ?

Allez, blague à part, bon vent aux libraires, qui de toute façon en auront bien besoin. Mais qu'on ne nous fasse pas prendre les vessies pour des lanternes...

mardi 16 février 2021

Culture et désenfumage (3)

Il est de bon ton, ces derniers temps, d'évoquer la culture, de la célébrer comme indispensable, tout ça... Les promoteurs de l'abêtissement général ne sont pas les derniers à emboucher ces trompettes, loin s'en faut. Il faut dire que, du moins en France, l'incantation culturelle est une tradition bien établie : non seulement parce qu'elle génère moultes royalties précieuses à l'économie nationale, mais aussi parce que les pouvoirs s'en gargarisent pour vanter leur action, dans ce qui serait encore un peu la patrie des Arts , des armes et des lois, bref un pays intelligent.

On a fait grand-cas, y compris sur ce blog, du sort réservé à toutes ces nobles activités, brutalement renvoyées à un statut "non-essentiel" face à la première crise venue. J'ai déjà montré comment derrière les chiffres bizarrement optimistes dont on nous inonde la réalité était moins reluisante, une fois le discours désenfumé. Nouvelle séquence, l'étude de la très officielle Hadopi, qui nous informe que la consommation de biens culturels dématérialisés a bien résisté, voire a été stimulée par le confinement. En clair, que les politiques publiques n'ont pas altéré la santé du secteur...

A mal nommer les choses on ajoute au malheur du monde, selon la formule de Camus. La chose se vérifie encore, si l'on se pose la question de ce que l'on entend par bien culturel. Sachez donc qu'on y trouve certes les rubriques Musique ou Films dont on peut, nonobstant leur qualité, comprendre la présence ; les rubriques Photos, Livres numériques, Presse en ligne nous paraissent déjà plus incertaines ; quant aux Séries, Jeux video et Retransmission sportives en direct (sic), on n'ose trop chercher ce qu'on peut y trouver de culturel, ce qui est bien dommage car ce sont évidemment les plus utilisées...

On comprendra donc le doute qui nous submerge. C'est pourtant avec ce type de consommation que nos gouvernants et notre grande distribution nous flattent pour se gargariser de leur propre action. Sic transit gloria mundi.

dimanche 14 février 2021

Déjà parus...

A quelques jours de la parution de mon dixième ouvrage (j'y reviendrais), une rétrospective de mes précédentes publications...

   - Les Saints des derniers jours (L'Harmattan 2018)

   - Le Répountchou qu'es aquo? (Vent Terral 2017), avec AM Rantet-Poux

   - Mona Lisa ou la clé des champs (L'Harmattan 2014)

   - Passeport pour le Pays de cocagne (Elytis 2012), avec AM Rantet-Poux

   - Aveyron Croatie, la nuit (L'Harmattan 2011)

   - Histoires peu ordinaires à Toulouse (Elytis 2007)

   - Histoires peu ordinaires au Cap-Ferret (Elytis 2006), avec Ch. Oyarbide

   - Week-end à Schizoland (Elytis 2005)

   - La Branloire pérenne (Elytis 2002)

En vente dans toutes les librairies, chez l'éditeur et chez l'auteur. Et aussi en e-book pour les titres parus chez l'Harmattan.

mardi 9 février 2021

Jean-Claude Carrière, ibi deficit orbis...

On dit qu'il est parti paisiblement, dans son sommeil. A l'image de cette sérénité qui le caractérisait. Bunuel disait de lui "C'est un petit paysan qui s'émerveille de tout ce qui lui arrive"...

On ne fera pas ici la rétrospective de son oeuvre, immense et proche des plus grands (Bunuel, Forman, Malle, Brook, Deray...), vous la retrouverez dans les journaux ou sur Wikipédia. Mais la vie de Jean-Claude Carrière est de celles qui m'ont marqué, comme je l'ai déjà écrit sur ce blog (voir Le vin bourru , juin 2017).

J'avais découvert dans ce livre les treize premières années de sa vie, dans une famille de vignerons de l'Hérault finalement contraints à l'exil. Cette enfance rurale et occitane ressemblait beaucoup à la mienne, et c'est sans doute cette émotion qui m'a conduit jusqu'à lui. Son regard n'avait rien de folkloriste, sa réflexion à la fois analytique et philosophique prenait une hauteur ensorcelante. Quand il évoque la nature, l'apprentissage, l'agriculture, la mort, les animaux, le vin, les pierres sèches qui bâtissaient son enfance, il le fait avec la simplicité, la justesse et la subtilité qui sont l'apanage des seuls grands.

Cette civilisation paysanne qui l'a construit retrouve sous sa plume une dimension qui pourrait clôre bien des débats, en renvoyant bien des modes contemporaines à ce qu'elles sont, c'est-à-dire peu de choses. Peut-être parce qu'entre celles-ci et l'altitude de Carrière il y a ce vécu, ce bagage qui s'appelle une culture et qui irriguera l'intégralité de son oeuvre.

Il va retrouver ses ancêtres dans le joli petit cimetière sur les hauteurs de Colombières-sur-Orb. Avec lui s'éteint sans doute un monde, celui où un petit paysan pouvait s'émerveiller de tout depuis l'enfance jusqu'au temps de la sagesse...

Merci Monsieur.

lundi 8 février 2021

Covid : Passent les jours et passent les semaines...

... ni temps passé ni les amours reviennent, pas plus que la vie d'avant : le Covid (ou la, si vous préférez) s'est installé et prend ses aises. Le pays reste suspendu aux statistiques, dont on sait qu'à la condition de bien choisir les items on peut leur faire dire tout et son contraire ; sans forcément souscrire à la boutade attribuée à Churchill ("Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai trafiquées moi-même") on peut toutefois s'inquiéter de la rémanence de cette dictature mathématique. Les incertitudes de la variante venue de la perfide Albion, entre autres, lui offrent les perpectives d'une belle pérennité.

Pendant ce temps, le peuple -du moins celui que je connais, rural, plus ou moins âgé, affranchi de beaucoup de connexions contemporaines- le peuple s'installe dans une lassitude un peu fataliste, dans la morosité davantage que dans la sinistrose : ces gens ne sont pas irresponsables pour autant, ils respectent les gestes-barrière et la distanciation sociale, et en bons cartésiens ils avancent masqués. Mais ils constatent et admettent, eux, que l'on ne sait pas grand chose et qu'on gouverne à vue, et que ce bouleversement risque de durer encore longtemps. Ils ne croient pas à un vaccin miracle, qui ramènerait l'insouciance et guérirait les écrouelles. Ils n'entendent pas davantage devenir épidémiologues -le pays en compte assez, ne serait-ce que sur les plateaux de télévision- mais se réfèrent à une intuition venue du fond des âges, peut-être pifométrique mais aussi fiable que bien des modélisations.

En attendant, le black-out continue à peser sur les musées, les cinémas, les salles de concert... dans ce qui est en train de devenir une exception française. On s'empile les uns sur les autres, sur les pelouses des stades ou dans les hypermarchés, mais on ne peut installer des gens dans un fauteuil sur deux ou trois. Parce ce que ce serait trop dangereux : c'est prouvé par les statistiques.

samedi 30 janvier 2021

Littérature et désenfumage, suite.

Après diverses estimations optimistes (voir mon billet du 13 janvier), les chiffres de la réalité commencent à tomber. Ainsi, le marché du livre a régressé en 2020 de 4.5 % (en chiffre d'affaires), annonce la bible Livres-Hebdo. Le chiffre aurait pu être pire, il n'en demeure pas moins terrible pour un secteur qui stagne depuis 10 ans et qui n'avait pas besoin de cela pour affronter un futur déjà sombre.

Si l'on analyse le détail, le constat n'est pas réjouissant non plus. La baisse de CA est tempéré par la résistance de la "littérature jeunesse" (- 1%) et de la BD (- 1% aussi, voire + 9 % si l'on en croit le secteur concerné). Les livres plus spécialisés (Droit, Sciences, Techniques...) ont vu leurs ventes s'effondrer. Le roman, quant à lui, ne recule que de 1.5 %, mais au profit des best-sellers parfois très éloignés de l'idée que l'on peut se faire de la littérature.

L'édition, surtout indépendante, souffre : baisse des ventes aussi pour les beaux "livres", qui faisaient souvent le résultat financier. De la même façon, la baisse de 10 % du nombre de titres parus fera mal, non qu'une baisse du volume soit une mauvaise nouvelle mais parce qu'on peut craindre que n'en souffrent les ouvrages de meilleure qualité... D'autres études et d'autres chiffres viendront, dont on espère qu'ils ne seront pas encore plus catastrophiques.

Le monde d'après, pour les livres, est bien parti pour être comme celui d'avant en un peu plus pire, selon le mot de Houellebecq... ou en largement pire. En attendant, c'est Chantal Thomas qui rentre à l'Académie française. Cela n'a peut-être aucune importance, mais le choix aurait pu être pire.

mercredi 20 janvier 2021

"Poètes, fermez-là !" (signé : un poète)

On sait que les formes contemporaines de débat prennent des allures de plus en plus simplistes et de plus en plus pénales. Foin, par exemple, de l'humour et du deuxième degré, et vive la plainte victimaire. Mais il y a pire : l'appel pur et simple à la censure ; certes il n'y a là rien de bien nouveau, sauf qu'on le trouve de plus en plus présent dans des bouches où on ne l'attendait pas.

En France on se souvient, toujours par exemple, de la pétition lancée il y a quelques années par Annie Ernaux, quelques comparses et une centaine d'auteurs inconnus pour faire interdire de publication et de travail chez Gallimard Richard Millet, et le pire est qu'ils y parvinrent. On se désolait alors de voir des écrivains appeler à la censure contre d'autres écrivains... Depuis les actions s'opposant à l'expression de créateurs se sont multipliées (Suppliantes d'Eschyle,...), menées par des groupes aussi incultes que déterminés. Ainsi va le monde.

Aujourd'hui c'est aux Etats-Unis, toujours d'avant-garde et annonciateurs de ce qui nous attend, que des centaines d'acteurs du livre (écrivains, éditeurs, imprimeurs, libraires...) exigent l'interdiction de publication de Trump et des trumpistes, et refusent de collaborer à tout ouvrage de cette origine. On croyait enfin être débarrassé de Trump, à défaut de ses 75 millions d'électeurs, et retrouver un peu d'intelligence dans le débat qui anime "la plus grande démocratie du monde" : que nenni, c'est l'extrême-gauche contre l'extrême-droite, délibérément assumées, en fait deux pré-fascismes en marche qui rivalisent de brutalité stupide, leur marque de fabrique.

Il est des affrontements dont on cherche en vain les enjeux sous-jacents, pour parvenir à les comprendre tant ils nous surprennent. On ne les trouve plus. Des gens dont la parole participe de la liberté du monde veulent désormais interdire de parler à leurs alter-egos qui ne leur plaisent pas... Le nihilisme est par essence destructeur, et les lendemains s'annoncent pleins de petits matins blêmes : l'heure préférée des bourreaux.

mercredi 13 janvier 2021

Livres, communication de crise et enfumage.

Les amateurs de consensus peuvent s'en réjouir : nul esprit sensé ne contestera la situation de crise dans laquelle se trouve le pays pandémié. Reste à évaluer les différents impacts, depuis les problèmes courtermistes de trésorerie jusqu'aux déstructurations aux conséquences définitives : ce n'est pas l'objet de ce blog. Pour l'heure on essaiera de trier les informations dont on nous abreuve, et notamment celles qui démontreraient que tout ne va pas si mal.

Ainsi apprenait-on que "l'édition" ne se plaindrait que d'une baisse de 2% en 2020, et que les librairies n'auraient perdu que 3 % de leur chiffre d'affaires, voire moins pour les grosses. Ce résultat relativement encourageant s'expliquerait par le sursaut des belles âmes volant à leur secours entre deux confinements, le seul bémol étant que cette mobilisation aurait surtout profité aux best-sellers. Autrement dit le traditionnel effet Goncourt, le livre acheté par des gens qui n'achètent jamais de livre pour les offrir aux gens qui n'en lisent jamais... On se réjouira certes que ces succès permettent aux éditeurs de publier aussi d'autres oeuvres moins chanceuses, mais il n'est pas sûr que la littérature (ou la culture, comme on voudra) ait beaucoup gagné aux succès de librairie des Obama, des recettes de Lignac ou des âneries de je ne sais plus quelle influenceuse, qui trônent en haut des ventes.

Plus représentatif de la situation de la filière du livre, le rapport de la Fédération interrégionale du Livre et de Lecture (FILL) qui, dans le même temps, fait état du désarroi des auteurs, largués entre éditeurs, organisateurs de manifestations et Etat, (la moitié d'entre eux s'interroge sur sa pérennité en 2021) et de faits têtus : 88 % des éditeurs indépendants constatent une baisse de commandes (- 60 % de CA en Paca, par exemple) et presque autant repoussent leurs projets... Et ce n'est là qu'un aperçu de ce qui se passe vraiment.

Gageons que nous allons entendre longtemps de ces déclarations enthousiastes, propres aux situations de crise et destinés à soutenir le moral des troupes, avec des vessies en lieu de lanternes. Pendant ce temps, la réalité fait son oeuvre.

dimanche 3 janvier 2021

2021 : Mes meilleurs voeux...possibles.

Chers amis contemporains, recevez en ces temps présents, traditionnellement d'optimisme obligatoire, tous mes meilleurs voeux...possibles. Cela tient quelque peu du pléonasme, mais j'ai du mal à faire mieux. Car si l'année éc(r)oulée n'a pas été fameuse, de l'avis général, rien n'annonce que 2021 sera d'un meilleur tonneau...

Nous verrons bien. En attendant, le coeur n'y est pas : même les concerts du Nouvel An, à Vienne ou à Venise, dans des salles vides, étaient lugubres. Même la marche de Radetzky ressemblait à un morceau pour majorettes. On y a fait de ces beaux discours sur la musique ou la culture comme on en fait beaucoup en ce moment, mais si nos gouvernants étaient réceptifs ils auraient déjà eu l'occasion de nous le faire savoir...

Certains, qui se reconnaitront, ont réussi à positiver en argant de l'absence en ces lieux des habituels touristes japonais et de leur appendice photographique : je reconnais que l'argument se tient. A quelque chose malheur est bon : ce sera ma morale de consolation !

Et, malgré tout, Bonne Année 2021 !