samedi 30 janvier 2021

Littérature et désenfumage, suite.

Après diverses estimations optimistes (voir mon billet du 13 janvier), les chiffres de la réalité commencent à tomber. Ainsi, le marché du livre a régressé en 2020 de 4.5 % (en chiffre d'affaires), annonce la bible Livres-Hebdo. Le chiffre aurait pu être pire, il n'en demeure pas moins terrible pour un secteur qui stagne depuis 10 ans et qui n'avait pas besoin de cela pour affronter un futur déjà sombre.

Si l'on analyse le détail, le constat n'est pas réjouissant non plus. La baisse de CA est tempéré par la résistance de la "littérature jeunesse" (- 1%) et de la BD (- 1% aussi, voire + 9 % si l'on en croit le secteur concerné). Les livres plus spécialisés (Droit, Sciences, Techniques...) ont vu leurs ventes s'effondrer. Le roman, quant à lui, ne recule que de 1.5 %, mais au profit des best-sellers parfois très éloignés de l'idée que l'on peut se faire de la littérature.

L'édition, surtout indépendante, souffre : baisse des ventes aussi pour les beaux "livres", qui faisaient souvent le résultat financier. De la même façon, la baisse de 10 % du nombre de titres parus fera mal, non qu'une baisse du volume soit une mauvaise nouvelle mais parce qu'on peut craindre que n'en souffrent les ouvrages de meilleure qualité... D'autres études et d'autres chiffres viendront, dont on espère qu'ils ne seront pas encore plus catastrophiques.

Le monde d'après, pour les livres, est bien parti pour être comme celui d'avant en un peu plus pire, selon le mot de Houellebecq... ou en largement pire. En attendant, c'est Chantal Thomas qui rentre à l'Académie française. Cela n'a peut-être aucune importance, mais le choix aurait pu être pire.

mercredi 20 janvier 2021

"Poètes, fermez-là !" (signé : un poète)

On sait que les formes contemporaines de débat prennent des allures de plus en plus simplistes et de plus en plus pénales. Foin, par exemple, de l'humour et du deuxième degré, et vive la plainte victimaire. Mais il y a pire : l'appel pur et simple à la censure ; certes il n'y a là rien de bien nouveau, sauf qu'on le trouve de plus en plus présent dans des bouches où on ne l'attendait pas.

En France on se souvient, toujours par exemple, de la pétition lancée il y a quelques années par Annie Ernaux, quelques comparses et une centaine d'auteurs inconnus pour faire interdire de publication et de travail chez Gallimard Richard Millet, et le pire est qu'ils y parvinrent. On se désolait alors de voir des écrivains appeler à la censure contre d'autres écrivains... Depuis les actions s'opposant à l'expression de créateurs se sont multipliées (Suppliantes d'Eschyle,...), menées par des groupes aussi incultes que déterminés. Ainsi va le monde.

Aujourd'hui c'est aux Etats-Unis, toujours d'avant-garde et annonciateurs de ce qui nous attend, que des centaines d'acteurs du livre (écrivains, éditeurs, imprimeurs, libraires...) exigent l'interdiction de publication de Trump et des trumpistes, et refusent de collaborer à tout ouvrage de cette origine. On croyait enfin être débarrassé de Trump, à défaut de ses 75 millions d'électeurs, et retrouver un peu d'intelligence dans le débat qui anime "la plus grande démocratie du monde" : que nenni, c'est l'extrême-gauche contre l'extrême-droite, délibérément assumées, en fait deux pré-fascismes en marche qui rivalisent de brutalité stupide, leur marque de fabrique.

Il est des affrontements dont on cherche en vain les enjeux sous-jacents, pour parvenir à les comprendre tant ils nous surprennent. On ne les trouve plus. Des gens dont la parole participe de la liberté du monde veulent désormais interdire de parler à leurs alter-egos qui ne leur plaisent pas... Le nihilisme est par essence destructeur, et les lendemains s'annoncent pleins de petits matins blêmes : l'heure préférée des bourreaux.

mercredi 13 janvier 2021

Livres, communication de crise et enfumage.

Les amateurs de consensus peuvent s'en réjouir : nul esprit sensé ne contestera la situation de crise dans laquelle se trouve le pays pandémié. Reste à évaluer les différents impacts, depuis les problèmes courtermistes de trésorerie jusqu'aux déstructurations aux conséquences définitives : ce n'est pas l'objet de ce blog. Pour l'heure on essaiera de trier les informations dont on nous abreuve, et notamment celles qui démontreraient que tout ne va pas si mal.

Ainsi apprenait-on que "l'édition" ne se plaindrait que d'une baisse de 2% en 2020, et que les librairies n'auraient perdu que 3 % de leur chiffre d'affaires, voire moins pour les grosses. Ce résultat relativement encourageant s'expliquerait par le sursaut des belles âmes volant à leur secours entre deux confinements, le seul bémol étant que cette mobilisation aurait surtout profité aux best-sellers. Autrement dit le traditionnel effet Goncourt, le livre acheté par des gens qui n'achètent jamais de livre pour les offrir aux gens qui n'en lisent jamais... On se réjouira certes que ces succès permettent aux éditeurs de publier aussi d'autres oeuvres moins chanceuses, mais il n'est pas sûr que la littérature (ou la culture, comme on voudra) ait beaucoup gagné aux succès de librairie des Obama, des recettes de Lignac ou des âneries de je ne sais plus quelle influenceuse, qui trônent en haut des ventes.

Plus représentatif de la situation de la filière du livre, le rapport de la Fédération interrégionale du Livre et de Lecture (FILL) qui, dans le même temps, fait état du désarroi des auteurs, largués entre éditeurs, organisateurs de manifestations et Etat, (la moitié d'entre eux s'interroge sur sa pérennité en 2021) et de faits têtus : 88 % des éditeurs indépendants constatent une baisse de commandes (- 60 % de CA en Paca, par exemple) et presque autant repoussent leurs projets... Et ce n'est là qu'un aperçu de ce qui se passe vraiment.

Gageons que nous allons entendre longtemps de ces déclarations enthousiastes, propres aux situations de crise et destinés à soutenir le moral des troupes, avec des vessies en lieu de lanternes. Pendant ce temps, la réalité fait son oeuvre.

dimanche 3 janvier 2021

2021 : Mes meilleurs voeux...possibles.

Chers amis contemporains, recevez en ces temps présents, traditionnellement d'optimisme obligatoire, tous mes meilleurs voeux...possibles. Cela tient quelque peu du pléonasme, mais j'ai du mal à faire mieux. Car si l'année éc(r)oulée n'a pas été fameuse, de l'avis général, rien n'annonce que 2021 sera d'un meilleur tonneau...

Nous verrons bien. En attendant, le coeur n'y est pas : même les concerts du Nouvel An, à Vienne ou à Venise, dans des salles vides, étaient lugubres. Même la marche de Radetzky ressemblait à un morceau pour majorettes. On y a fait de ces beaux discours sur la musique ou la culture comme on en fait beaucoup en ce moment, mais si nos gouvernants étaient réceptifs ils auraient déjà eu l'occasion de nous le faire savoir...

Certains, qui se reconnaitront, ont réussi à positiver en argant de l'absence en ces lieux des habituels touristes japonais et de leur appendice photographique : je reconnais que l'argument se tient. A quelque chose malheur est bon : ce sera ma morale de consolation !

Et, malgré tout, Bonne Année 2021 !