samedi 22 août 2020

Les Balssàs, de Balzac en Boudou...

Je ne peux m'en empêcher : relire Joan Bodon (Jean Boudou en français) me pousse toujours à témoigner de l'immense auteur qu'il fût. J'ai déjà dit sur ce blog, en septembre 2017 ("Jean Boudou, tout simplement") ce que fût son oeuvre pétrie de terroir, d'humanité, d'histoire et de fantastique. "Parle de ton village et tu seras universel", écrivait Tolstoï : jamais cette belle formule ne s'appliquera mieux qu'à Bodon.

J'ai donc relu Contes dels Balssàs, le récit historique et un peu fantastique de la dynastie des Balssà, qui s'implantèrent de part et d'autre du Viaur, en Rouergue et en Albigeois, tôt dans le deuxième millénaire, jusqu'à nos jours. De cette lignée est issu Joan Bodon, et avant lui Honoré de Balzac. Cet ouvrage, un peu balzacien d'ailleurs, sobre dans le style mais exceptionnel dans sa langue d'oc, est habité d'un souffle qui n'appartient qu'aux plus grands...

Bodon, je ne le répéterai jamais assez, est immense et à coup sûr un des plus grands écrivains du 20ème siècle. Marginalisé de par son choix d'écrire en occitan, en proie au doute et trop modeste pour pousser les portes de la renommée, il n'est vraiment connu que des initiés, et pourtant.

"Français, si vous saviez...", comme écrivait Bernanos...

dimanche 16 août 2020

Reine du shopping, culture pour tous...

Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour que la sémillante nouvelle ministre de la Culture soit rattrappée par son personnage. On pourra donc voir dans quelques jours Roselyne Bachelot en lice pour le tire de Reine du shopping, sur une chaine que l'on qualifiera de populaire. Oui, on en est là.
Il convient de préciser que l'émission a été réalisée avant la nomination rue de Valois ; Madame Bachelot précise que ladite émission est là pour soutenir les malades d'Alzheimer, et qu'elle est fière de son "engagement". Je ne sais s'il faut entendre engagement au sens contrat de travail, ou dans son acception contemporaine d'agitation, citoyenne et rebelle, pour brandir un étendard de postures avec lesquelles tout le monde est d'accord. Quoi qu'il en soit, le mélange des genres est calamiteux.
Une fois quittée la politique, rien n'empêchait RB de se répandre sur les plateaux télé : c'était son choix. Mais la décence aurait alors voulu qu'elle ne revint pas aux affaires, quel que soit l'attrait du ministère, sous peine d'encourir le ridicule ou la décrédibilisation.
Voilà bientôt trente ans - une éternité - que l'austère Lionel Jospin crût bon d'entonner Les feuilles mortes dans une émission de variétés. A présent on en est à Bachelot reine du shopping : c'est à ces petits riens que se mesurent la modernité et la crédibilité de nos dirigeants. L'art de gouverner est de plus en plus complexe, si ce n'est vain : inutile de courir après le ridicule.

mardi 4 août 2020

Andreï Kourkov, fraîcheur par temps de canicule

Lire en août et par temps de canicule n'oblige pas à se rabattre sur la littérature (enfin, façon de parler) de plage. J'ai ainsi profité d'un confinement météorologique pour trouver un peu de fraicheur livresque venue de l'Est, en relisant trois ouvrages d'Andréï Kourkov : Le pingouin (1996), Les pingouins n'ont jamais froid (2002), L'ami du défunt (2001), tous parus chez Liana Lévi.
Kourkov, né à Léningrad puis résident à Kiev, est avant tout l'écrivain de la dislocation soviétique. Dans ses pages, on plonge dans l'Ukraine des années 90 qui, à l'image du reste de l'empire rouge, se débat entre misère et pauvreté, alcool et mafia, corruption et violence, et vicissitudes en tous genres. Pourtant, loin de tout pathos hyperréaliste, Kourkov raconte la déliquescence avec une ironie loufoque, entre humour et tragédie. Dans son univers aux personnages foutraques, on s'amuse autant qu'on frissonne, mais la tendresse n'est pas marchandée, même aux salauds.
Le style est contemporain, sans affectation mais sans vulgarité ni facilité. La sobriété et l'épure témoignent d'un travail littéraire, et le résultat est plaisant à lire, en même temps que, comme toute bonne littérature, il conte un peu de l'histoire des hommes...