vendredi 26 juin 2015

Identité française, culture et nostalgie

L'un des principaux dégâts causés par le précédent septennat, qui ne furent pas rares, aura sans doute été le débat avorté sur l'identité nationale... Pollué par la politique politicienne, comme on dit, et par l'activisme bête et méchant, ce "débat" ne pouvait augurer de rien de bien intéressant. Ajoutons à cela que la bêtise, l'opportunisme et la névrose réunis n'auraient pas fait s'envoler la réflexion... Et pourtant.
Dans son interview déjà évoquée dans nos billets précédents, Jacques Julliard évoque sa perception de l'identité française : la langue en premier, comme culture et mode de rapport au monde, la littérature et une Histoire, qui fut royale avant que républicaine. Et d'affirmer que le sentiment d'une identité n'a rien de contradictoire avec l'ouverture au monde : une évidence, mais que la démagogie contemporaine veut nier, comme si ce sentiment n'était pas le meilleur atout pour toute assimilation... à moins que ce ne soit justement pour cela ? Sans doute certains dirigeants de gauche se refusent-ils à reprendre les mots qui furent ceux de Sarkosy, mais à ce compte le mutisme n'est pas loin...
Julliard a écrit dans Marianne, lors du récent débat sur l'éducation, que s'il lui fallait choisir entre la gauche et la littérature, il choisirait cette dernière. Et, très modestement, je le suivrais dans ce choix. Car si l'on s'en tient à la culture littéraire du président actuel, comme d'ailleurs ses deux prédécesseurs, l'éventualité d'un choix menace furieusement.
Jacques Julliard se réfère, face à la montée intérieure d'un compassionnel de plus en plus au autoritaire et légiférant (le fameux envie de pénal cher à Muray), à l'identité de la France selon Braudel. Et si, simplement, ce dernier en son temps avait déjà tout dit ?

mercredi 17 juin 2015

Julliard, ce qu'il fallait de bravoure

Comme promis, revenons sur l'interview de Jacques Julliard dans le Figaro du 5 juin dernier. Le journaliste et historien de gauche analyse finement les évolutions de la gauche contemporaine, et l'éloignement des intellectuels qui en découle.
Il rappelle avec justesse que, si lors de la révolution française la gauche était d'essence individualiste, la rencontre avec le prolétariat du XIXème siècle lui confère une base collective, sinon collectiviste, autour des notions d'égalité et de solidarité, construites sur un esprit de groupe. Or aujourd'hui l'activité de la gauche se cantonne à légiférer de manière forcenée autour de revendications individualistes : vie privée, sexualité, génération... Julliard y voit la double influence du capitalisme et du socialisme scandinave.
Cette dernière influence a conforté la "martingale" (sic) de l'antiracisme, qui contribue à fédérer la gauche mais s'englue dans des impasses et ne fait une politique, parce que "la politique ne se réduit pas à une morale". Le tout devenant largement contre-productif lorsque le peuple y voit un contrat implicite entre bourgeoisie bobo et victimes autoproclamées du racisme et du colonialisme.
Tout se passe, toujours selon JJ, comme si, ayant perdu ce qu'il reste de prolétariat (aujourd'hui rallié au FN) et dans l'incapacité d'oeuvrer à une révolution sociale, la gauche courait après une révolution "sociétale" au bénéfice de nouveaux prolétariats supposés. La vacuité de cette stratégie (?) des politiques a depuis longtemps été annoncée par les intellectuels (Nora, Debray et d'autres).
Nous reviendrons sur ces critiques des penseurs. En attendant, je ne saurais trop vous conseiller de lire l'intégralité de l'interview de Jacques Julliard, penseur libre et courageux, sur le Figaro.

mercredi 10 juin 2015

Gauche : l'intellectuel bouc-émissaire du politique


Les récentes sorties de N. Vallaud Belkacem contre les "pseudo-intellectuels" ou de M. Valls sur Onfray n'ont rien de nouveau : qu'on se souvienne de Max Gallo, porte-parole du gouvernement en 1983, qui stigmatisait la désertion des intellectuels d'une gauche au pouvoir depuis deux ans...
Longtemps, intellectuel voulait dire "intellectuel de gauche" : aujourd'hui ce n'est plus un pléonasme, tant le centre de gravité de la pensée s'est déplacé vers la droite. Dans le même temps, reconnaissons que certains intellectuels, à force de courir après les media sont devenus des quasi-people, et les provocations nécessaires au buzz n'ont pas évité les simplifications abusives : leur crédibilité en a souffert.
Cela dit, la gauche constate une fois de plus l'éloignement des penseurs qui lui étaient auparavant attachés et qui, même lorsqu'ils demeurent à gauche, n'en fustigent pas moins la gauche institutionnelle ; Julliard évoque le "néant spirituel et intellectuel contemporain", Debray s'en tient à un rôle de spectateur critique du haut de son Aventin, Le Goff brocarde l'inculture des gens au pouvoir et le "gauchisme culturel", et Onfray, Nora, Bruckner et tous ceux qui, comme Finkelkraut, furent à gauche...
Les idées de gauche ne sont guère portées désormais que par des groupes de pression, souvent communautaristes, et leur pouvoir dans les media. Le présent a pris le pas sur la pensée, les artistes sur les intellos. Engluée dans le marais du politiquement correct, empêtrée dans les impasses de l'antiracisme faute d'un projet ambitieux et structuré, misant sur le populisme international (Syriza, Podemos,...), la gauche court après des revendications sociétales et individualistes.
Beaucoup d'intellectuels (Furet, Debray, Nora...) ont longtemps prévenu du champ de ruines qui s'annonce. D'autres analysent sans concession, et sans renier quoi que ce soit des valeurs de gauche. C'est le cas de Jacques Julliard : nous y reviendrons.

lundi 1 juin 2015

Charlie, de l'esprit aux communautés

Les magazines télévisés consacrés aux media ont ceci d'intéressant qu'ils confortent ce qu'ils entendent "dénoncer". L'émission Médias le magazine, le dimanche sur France 5, n'est pas désagréable, mais quand ce sont les media qui parlent des media pour nous montrer combien celles-ci nous manipulent, on a le droit de demeurer goguenard... Quant à stigmatiser conflits d'intérêt ou copinages, encore eut-il mieux valu que Thomas Hughes évite de n'inviter que des collègues de RTL, comme ce fut le cas ce dimanche.
Mais il y a aussi un débat, et hier il opposait Joseph Macé-Scarron, de Marianne, et Rockhaya Diallo, porte-parole de diverses associations ou animations communautaristes ; il s'agissait d'évoquer l'esprit Charlie, cinq mois après, suite aux sorties récentes de Plenel ou Todd, assimilant les musulmans aux juifs des années 30 et la mobilisation à l'expression d'une "bonne conscience répressive"... Le bilan est atterrant.
Certes le 11 Janvier fut un chef d'oeuvre du marketing compassionnel, à la limite de l'évènementiel et forcément ambigu. Mais il s'était produit dans la gravité des jours précédents un sursaut de conscience, qui aurait pu être un bon terreau pour ce vivre ensemble dont on nous rabâche tant les oreilles, et propre à dépasser les habituelles crispations.
Au lieu de cela, la question fondamentale qui était en janvier "A t-on le droit de dire ce que l'on pense même si cela ne plait pas à tout le monde ?", semble devenue aujourd'hui "Peut-on condamner l'islamisme sans être raciste ?". Le glissement sémantique se passe de commentaire, et ne me parait annonciateur que de lendemains au ciel noir.