vendredi 29 décembre 2023

2023 : business littéraire, bilan et balbutiements...

Pendant que la planète et la Sainte Inquisition Féministe clouent Depardieu au pilori en attendant le procès, les résultats des ventes de livres pour l'année 2023 viennent de tomber, et avec eux la liste des dix titres les plus vendus. Et on a beau connaitre les lois du commerce et du marketing, c'est toujours avec une pointe de tristesse qu'on constate que, année après année, l'histoire balbutie.
Qui trouve-t-on dans cette liste de dix livres? Sur le podium, deux BD (Astérix et Lagaffe) produits d'une machinerie lourde, et l'inévitable Goncourt. Un autre produit jugé médiocre, de F. Vargas ; et trois titres pour ménagères de plus de cinquante ans, signés Grimaldi, da Costa et Ventura. Et en fin de tableau -ce ne sont pas les pires- l'original Son odeur après la pluie (Sapin-Dufour) et deux titres de Lemaitre dans sa série Les années glorieuses (format livre de poche). Voilà.
Même des titres très formatés dans l'air de temps (Triste tigre ou Humus, par exemple) n'ont pu malgré le zèle médiatique troubler la dictature des caddies. Alors ne rêvons pas de livres de qualité. Mais ça ira sans doute mieux en 2024, non ?

vendredi 15 décembre 2023

Ligues de vertu : sus à Gainsbourg !

 La future station de métro des Lilas devrait s'appeler Serge-Gainsbourg, en hommage bien sûr à son célèbre poinçonneur : cela coulait de source. Sauf qu'à notre époque de cancel culture pavlovienne, il se trouve des ligues de vertu, néoféministes en l'occurrence qui entendent bien imposer ce qui leur sert de morale, et elles ont lancé une pétition (terme qui, rappelons-le, n'a rien à voir avec pétasse) pour interdire que soit donné le nom d'un "mysogyne notoire", qui "a chanté des féminicides sadiques" et des "viols incestueux", sans doute dans leur esprit en référence avec "Marilou sous la neige" et "Lemon incest".

Que répondre à ces bécasses puritaines, face à tant de stupidité, d'ignorance et d'inculture ? Peut-être de lire Freud pour les nuls, d'essayer de comprendre ce que sont l'Art, la création, la représentation ou la provocation ? Pas sûr qu'elles saisissent seulement l'objection... Ne rien comprendre n'empêche plus de tout savoir, mais il aurait été utile de connaitre un peu l'oeuvre de Gainsbourg -qu'on l'apprécie ou non- avant de claironner des slogans à la mode.

Ce qui me semble consternant pour des personnes militantes, qui à ce titre ont des idées  qu'elles entendent bien défendre et imposer, c'est de voir des certitudes définitives reposer sur l'ignorance et l'inculture les plus crasses, en plus de la névrose. Et quelque chose me dit que cette tendance n'est pas prête de s'inverser.

Les observateurs désolés se consolent en constatant que la pétition n'a parait-il recueilli que 3000 signatures. Certes, mais il s'en est quand même trouvé 3000...

mardi 12 décembre 2023

O'Neil est mort, vive Barry Lindon !...

 Ryan O'Neil avait 82 ans quand il nous a quitté voilà quelques jours. Son nom ne disait plus grand chose, même aux amateurs de ciné, et pourtant après avoir été la star de Love story (1970) il avait incarné à l'écran le héros du chef-d'oeuvre de Kubrick Barry Lindon, qui garde, cinquante ans après, tout son exceptionnel souffle.

Barry Lindon , ça se passe au XVIIIème siècle. Le film est tiré du roman picaresque de William Tackeray. Un jeune aventurier irlandais, Redmond Barry, prend d'assaut la noble société anglaise et conquiert, par mariage interposé (Marisa Berenson) le titre de Lindon. Cette ascension se fait sur fond d'intrigue, de cynisme, de violence, de trahison, de désertion, où la société anglaise ne vaut pas mieux que le jeune ambitieux irlandais. Puis viendra le temps du malheur, la dégringolade, l'échec, et l'ordre ancien qui reprend ses droits.

Le film sera nommé 7 fois aux Oscars en 1976, où il obtiendra quatre récompenses : direction artistique, photo, adaptation musicale et costumes. Ce qui ne l'empêchera pas -exception faite de quelques pays, dont la France- de connaitre uin bide commercial : peut-être est-ce une condition nécessaire pour devenir un chef-d'oeuvre. Le temps passant, justice sera rendue à Kubrick, pour son art de traiter les excès, de saisir la lumière des chandelles et l'âme des terres d'Irlande. L'ambiance et l'esthétisme du film restent bluffants, même à notre époque des effets spéciaux. Et n'oublions pas la musique, de Bach à Mozart en passant par Vivaldi, Shubert, Haendel et quelques autres...

Ryan O'Neil n'est plus là, et d'ailleurs il ne s'était guère remis du film, mais Barry Lindon restera dans l'histoire.

lundi 4 décembre 2023

Le Roy Ladurie, l'enraciné...

 C'est le mois dernier, à 94 ans, qu'Emmanuel Le Roy Ladurie a rejoint la terre des mémoires, après avoir longtemps travaillé celle de la "petite histoire", celle des sans-grade et de leur quotidien. Dans une oeuvre exigeante et humble, il avait retrouvé et analysé un matériau jusque là délaissé par les Historiens avec un grand H. Son intérêt pour le climat, avant que ce ne soit devenu la tarte à la crème que nous connaissons aujourd'hui, avait permis d'en saisir toutes les répercussions et d'annoncer bien des phénomènes contemporains, ces mauvaises récoltes ou ces migrations qui font l'Histoire, économique, sociale et politique.

On gardera surtout de lui -du moins en ce qui me concerne- son Histoire des paysans du Languedoc et bien sûr son Montaillou village occitan, qui l'a fait connaitre au plus grand nombre mais qui a surtout offert aux français (et à beaucoup d'étrangers) une partie de l'histoire qui était la leur, à travers la chronique des archives d'un petit village ariégeois de 1294 à 1324 : une vie quotidienne bien éloignée de celle qu'ils pouvaient vivre au début des années 70 mais qui expliquait comment la vie vernaculaire témoigne pour le futur. Et puis le titre du livre eut l'immense mérite d'attester d'une réalité "occitane" et de la répression du catharisme dans les terres d'oc annexées, à une époque où elles étaient encore largement contestées par la droite jacobine.

Il y eut aussi son intéressant parcours politique, compagnon de route du PC, puis du PSU, avant de glisser peu à peu vers des positions plus conservatrices qui le firent critiquer par certains qui avaient porté son oeuvre aux nues. Ce paysan normand, et languedocien, et français, célèbrera ses racines jusqu'au bout de sa vie.

Et il laissera un grand vide que la nostalgie ne comblera pas.

dimanche 26 novembre 2023

Denys Arcand, douce amertume...

 Le réalisateur québécois a 82 ans, un âge où on a le droit de faire des bilans. Voilà déjà quelque temps qu'il a commencé, ne serait-ce que dans ses deux films de référence : Le Déclin de l'empire américain (1986) et Les Invasions barbares (2003), qui sont un peu sommairement dépeints comme illustrant les désillusions de l'esprit de mai 68. Si ces deux films sont souvent, et à juste titre me semble-t-il, considérés comme des chefs d'oeuvre, c'est que à l'humour et à la satire s'ajoutent à la fois une bienveillance et une acuité qui analysent comment un espoir s'est désagrégé en pantalonnade.

On ne sera donc pas surpris qu'à l'occasion de la sortie récente de Testament, son dernier film présenté comme un post-scriptum des deux évoqués ci-dessus, il aborde logiquement, mutatis mutandis, les avatars du wokisme et de la cancel culture, et plus globalement la suite de ce qu'il faut bien appeler la désintégration de la société occidentale. Dans son style habituel, doux-amer, irrévérencieux et moraliste, oscillant entre humour et tristesse, amour et désenchantement, il fustige le néoféminisme, un certain antiracisme, l'hygiénisme ou la communication politique. Et leurs corollaires : représentativité des associations fantoches, fantasme d'immortalité, hystérisation médiatique...

Il n'est certes pas le premier, y compris parmi les gens de gauche. On ne le leur pardonne généralement pas. Pourtant Arcand reste fidèle à lui-même, à son oeuvre, à sa personne. Québécois militant, il reconnait volontiers que les premières nations furent spoliées et colonisées, mais il "préfère les écouter eux que les étudiants en anthropologie". Et il assène très justement que "le mouvement woke n'est pas de gauche, il vient du vieux fonds religieux des Etats-Unis, qui adopte une positions morale supérieure contre laquelle on ne peut pas lutter". Et même si de toute évidence il ne baigne pas dans l'optimisme il ne désespère pas d'un futur sursaut de bon sens.

Evoquant tout cela, Denys Arcand n'est pas dans la politique, a fortiori partisane. Il continue, entre tendresse empathique et courage critique, à commenter les derniers trois-quarts de siècle de l'occident, à travers un mouvement qui passa de l'utopie à l'espoir, de l'espoir au demi-succès, du demi-succès au demi-échec, du demi-échec à la désillusion, de la désillusion à la perversion...

Alors, à lui enfant de la gauche québécoise et soixante-huitarde pas plus qu'à d'autres il ne sera pardonné de s'affranchir du déni prêché par les Pangloss d'une certaine gauche contemporaine. Pourtant la gauche historique du XXème siècle n'a aucun complexe à  avoir face à notre gauchisme prépubère. "Arcand sombre dans l'antiwokisme", assène Le Monde sans surprise. Hommage du vice à la vertu, fermez le ban.

vendredi 10 novembre 2023

Et c'est le numéro 500 !

 Tout vient à point à qui sait attendre, dit-on. Et c'est ainsi que ce billet sous vos yeux est le 500ème... Le 23 mars 2011, un premier billet inaugurait ce blog. Un demi quart-de-siècle plus tard, nous pouvons saluer la pérennité de celui-ci, parfois aisée, parfois poussive, mais le temps a passé et le blog a duré.

Faut-il faire un bilan de cette histoire ? Rien ne l'impose, car c'est au fil des jours qu'elle s'est écrite, faite de critiques de lectures, de commentaires d'actualité, de témoignages autour de mon activité littéraire. Avec me dira-t-on beaucoup de nostalgie atrabilaire, mais, quitte à en rajouter, c'est le pich de ce blog, peut-être moins pessimiste qu'affiché... Avec, s'il fallait avoir un regret, celui de ne pa être toujours en accord avec moi-même, comme disait Marcel Aymé.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? D'une part, sur la période six titres ont vu le jour sous ma plume, depuis Aveyron-Croatie, la nuit (2011), Passeport pour le Pays de cocagne (2012), Mona Lisa ou la clé des champs (2014), Les Saints de derniers jours (2018) et bien sûr le célèbre Le répountchou qu'es aquo ? en 2017.

D'autre part le monde ne va pas mieux, et pas plus en littérature qu'ailleurs : montée de la censure, hystérisation woke ou réac, triomphe de la médiocrité sur les réseaux sociaux, amalgames ou raccourcis comme arguments de débat, arrogance des populismes les plus crasses, rejet de l'altérité, la liste est trop longue pour la poursuivre... Reste quand même la désagréable impression que bien des constats ont été établis, le plus souvent hors micro, mais que rien ne vient laisser espérer une inversion du cours des choses.

Comme écrivait je ne sais plus qui, il ne faut pas se plaindre aujourd'hui d'un temps qu'on pourrait bien regretter demain. Pour autant, je continuerai de m'affranchir, selon le mot de Chesterton, de la dégradante obligation d'être de mon temps.

dimanche 5 novembre 2023

Ecriture inclusive, vote au point.

 C'est peut-être faire beaucoup d'honneur à une plaisanterie, mais l'écriture inclusive mérite qu'on s'en occupe, tant elle commence à pourrir la vue et la vie des gens qui lisent. Outil de combat aux mains d'une minorité groupusculaire, elle surfe sur l'activisme militant, l'appétence des medias pour tout ce qui suscite une émotion et, disons-le, la couardise de certains mouvements politiques. Elle est devenue en tout cas assez agaçante pour que le Président de la République lui-même rappelle son inutilité (Villers-Cotterêts, 30/09/23) et que la droite du Sénat fasse adopter (221 voix contre 82) une proposition de loi visant à l'interdire "si le législateur exige un document en français" : modes d'emploi, contrats de travail, règlements intérieurs, actes juridiques... seraient ainsi protégés des ponctuations ou des pronoms post-modernes. Evidemment, on n'a pas échappé aux habituelles joutes politiciennes, qui feraient rire si elles ne masquaient un certain vide idéologique contemporain : "rétrograde et réactionnaire", "Quand on parle de l'éciture inclusive on parle du chemin vers l'égalité homme-femme", etc... Ah oui ? 

On a pu assister aussi aux atermoiements laborieux de la Ministre de la Culture, écartelée entre les propos de son patron soucieux de résister à l'air du temps sur les points médians, d'une part, et la pression de ces minorités qui phagocytent son ministère, de l'autre...

Reste que le vote du Sénat, dont on peut quand même regretter qu'il faille en arriver là, peut très bien demeurer lettre morte si l'Assemblée Nationale ne s'en saisit pas. Ce qui peut très bien arriver.

mardi 31 octobre 2023

Villers-Cotterêts, ombres et lumière...

 C'était en 2017 : Emmannuel Macron, "enfant de Picardie" en campagne électorale, avait annoncé vouloir faire à Villers-Cotterêts une Cité internationale de la langue française. Six ans et 211 millions d'euros plus tard, le Président de la République a inauguré ladite Cité. Sans présager de ses résultats futurs, on ne pourra que se réjouir d'un outil au service de la langue française dont tout le monde, à l'exception de quelques "linguistes atterrés" experts dans l'art du déni, constate qu'elle souffre de plus en plus. Et le choix de Villers-Cotterêts peut se comprendre.

Il n'en demeure pas moins que ce nom résonne sinistrement dans bien des provinces de l'hexagone. Car l'Edit qui y fut signé le 6 septembre de l'an 1539 - c'est le plus ancien texte normatif en vigueur - est celui qui, à la suite des ordonnances de Moulins (1490) et de Louis XII (1510), a amorcé la mise au ban des langues régionales au bénéfice du français, la langue des élites du nord de la France.

Soyons justes : c'était surtout le latin qui était la cible de l'Edit, pour l'éradiquer des documents administratifs et rédiger ceux-ci "en langage maternel ou français", ce qui laissait encore leur place aux langages locaux ; ainsi à Toulouse le latin céda à l'occitan. Il n'empêche que cette mesure, annoncée comme clarificatrice, visait aussi à affermir le pouvoir central monarchique. Et c'est surtout la Révolution et le décret du 2 Thermidor de l'an II (20 juillet 1794) qui imposera le français comme seule langue officielle. La IIIème République se chargera du reste.

Nous verrons bien ce que le pouvoir jacobin fera de sa Cité internationale (dont une salle est consacrée aux langues de France), aussi bien pour l'étranger qu'en métropole. En attendant, la France n'a toujours pas ratifié la Charte européenne des langues régionales minoritaires.

mercredi 18 octobre 2023

D'Arras à la Californie, pauvres profs...

 Trois ans après Samuel Paty, c'est Dominique Bernard qu'on est venu poignarder dans le lycée où il enseignait. Une fois passé le temps de la compassion corporatiste, on finira bien par s'habituer à ces assassinats terroristes, commis par des loups qu'on veut croire isolés mais chez qui l'obscurantisme le plus crade tient lieu de culture.

Pendant ce temps, en Californie, les autorités universitaires ont pondu un règlement qui précise aux profs comment se comporter, au cas où ils seraient devenus profs sans formation... Dans les Community colleges -deux ans d'études supérieures avant les universités plus prestigieuses- une majorité de profs blancs enseigne à des élèves issus pour les deux tiers des minorités raciales. Alors l'Administration met les choses au clair : ils devront, face à cet état de fait, montrer "une conscience constante", une "reconnaissance des identités raciales", face à "des structures d'oppression et de marginalisation", et surtout "identifier leurs préjugés". Car, comme le résume Le Monde, "un prof qui se dit non raciste est dans le déni".

Avec ordre de privilégier "l'introspection" et l'autocritique. Outre que ce type d'injonction est insultant pour les enseignants, dont la plupart n'ont sans doute pas attendu ce jour pour réfléchir sur la société américaine, on s'aperçoit qu'une certaine avant-garde révolutionnaire est en train de ressusciter la mode des procès de Moscou...

vendredi 6 octobre 2023

De la castration en littérature, ou l'auto-censure préventive...

 L'époque, on le sait, est pour les écrivains celle des sensitivity readers, ces consultants-commissaires politiques qui étudient avant publication les textes desdits écrivains pour vérifier qu'il ne s'y trouve rien susceptible de déplaire à quiconque. L'Histoire a toujours été friande de censure : celle musclée de la police, ou celle plus policée (!) des imprimatur en tout genre. Sans oublier l'auto-censure, sans doute la plus rémanente. Nous voilà aujourd'hui rendus à l'auto-censure préventive.

Mais le plus incroyable dans tout cela, c'est qu'un écrivain puisse se vanter d'y avoir eu recours : ainsi l'auteur canadien Kevin Lambert s'est-il gargarisé d'avoir soumis son dernier livre à un contrôle de SR. Son propos est d'autant plus atterrant que Kevin Lambert semble par ailleurs plutôt intelligent, à défaut d'être original. On peut comprendre la pratique, vue du côté éditorial soucieux d'éviter les procès ou de heurter un segment de clientèle. Mais du point de vue de l'écrivain on s'interroge : est-ce par stupidité ? par démagogie ? par bassesse ? par cynisme commercial ?

On veut bien entendre la pression, wokiste en l'occurence, de certains phénomènes contemporains. Mais y céder installe l'impossibilité de créer et de témoigner de son époque, ce qui est quand même une des principales raisons d'être de la littérature. Et il faudrait désormais réécrire des oeuvres anciennes pour les faire convenir aux modes actuelles ou aux narcissismes communautaristes.

Pour se défendre Kevin Lambert affirme sans rire que pour lui tout cela est "l'inverse de la censure". Si quelqu'un peut m'expliquer ce que peut être "l'inverse de la censure"...

mardi 3 octobre 2023

Maalouf et Rufin, amis de trente et un ans ?

 Suite du billet précédent : les urnes ont rendu leur verdict, et Amin Maalouf est désormais Secrétaire perpétuel de l'Académie française. Pas de surprise donc, mais on en a appris un peu plus sur la compétition, réelle ou supposée, entre l'heureux élu et son rival et néanmoins ami de trente ans : j'ai nommé Jean-Christophe Rufin.

On a ainsi appris -source Le Figaro- que ce dernier, qui jurait ces dernières semaines ne pas vouloir le poste, avait en fait mené auparavant ce qu'il faut bien appeler une campagne électorale sans équivoque. Ce qui lui avait valu en retour une contre-campagne féroce afin de lui faire barrage. Menée par Marc Lambron, cette cabbale fustigeait, entre autres griefs, les liens entre Total, Sanofi, ... et JCR, dont le sens très relatif des fidélités et l'opportunisme étaient déjà bien connus... De sorte que Rufin s'est retrouvé grillé, et dès lors Maalouf est apparu très consensuel. Ce qui n'a pas empêché l'outsider, comme on ne dit pas sous la Coupole, de se présenter, au nom bien sûr du pluralisme.

Bref, la messe est dite et Maalouf est encensé de toutes parts. Rufin se félicite du succès de son ami de trente ans. Au fait, les amis de trente et un ans, est-ce que ça existe ?

mardi 26 septembre 2023

Académie française, comédie ou communication ?

 Hélène Carrère d'Encausse s'en est allée début aôut ; elle était Secrétaire perpétuel de l'Académie Française. L'heure est venue, ce 28 septembre, d'élire son successeur. C'est un poste doublement exigeant : assurer le prestige honorifique du poste, et faire fonctionner la noble institution, à un âge où un académicien a déjà une partie de son avenir derrière lui. Mais pour qu'une élection se tienne il convient qu'il y ait des candidats ; au début, par prudence ou par manque de vocation, aucun nom n'apparaissait. Puis la rumeur vint, qui faisait l'unanimité autour d'Amin Maalouf. Jusqu'à ces dernières heures, où on annonce la candidature de Jean-Christophe Rufin, l'ancien ambassadeur sarkozyste, qui avait toujours affirmé qu'il ne voulait pas de la charge.

Alors qu'en penser, si tant est qu'on ait envie d'y penser, ce qui n'est pas absolument obligatoire ? Que Rufin a changé d'avis ? C'est peu probable. En outre, AM et JCR sont les meilleurs amis du monde, nous dit-on ; d'ailleurs c'est le discours du premier qui a accueilli le second sous la Coupole, en 2012.

Il semble tout simplement qu'une élection apparaisse plus démocratique, et aussi plus crédible, lorsqu'il y a plusieurs candidats. Rufin servirait donc de faire-valoir à Maalouf, pour la plus grande gloire de l'Académie française.

On en pensera ce qu'on voudra. Mais l'élection devrait générer quelques commentaires...

mardi 19 septembre 2023

Armanet, Médine, Dujardin... Marronniers 2023

 On reconnait l'été à ce que l'actualité y est creuse. Aussi la presse doit-elle redonder, et faire l'actualité avec ce qu'elle a en magasin. Cela ne veut pas dire pour autant que celle-ci soit dépourvue de sens. Ainsi l'été 2023 a-t-il vu une première polémique autour du rappeur Médine, aux propos plutôt antisémites mais qui serait aussi un vrai "jongleur de mot", et c'est à ce titre que certaines organisations de la gauche contemporaine se le sont arrachées. Misère de misère.

Autre polémique, Juliette Armanet contre la chanson de Sardou Le Connemara. "C'est vraiment une chanson qui me dégoûte, c'est scout, sectaire, la musique est immonde... C'est de droite, rien ne va". Pas sûr que le propos de la chanteuse -et quoi qu'on pense de Sardou- ait beaucoup fait progresser ce siècle de Lumières.

Enfin, il y a actuellement une autre empoignade, celle relative à la cérémonie d'ouverture de la Coupe du monde de rugby, avec Jean Dujardin, béret et baguette, censés représenter une France populaire et de villages. On a beau savoir que c'est une manifestation de masse et "populaire" (pas forcément un terme flatteur), à vocation mondiale et retransmise par TF1, on a beau préférer cela à l'habituelle série de clichés sur la France multiculturelle, on trouve que c'est tout de même un peu lourd, la cérémonie comme la polémique...

S'il vous plait, rendez-nous pour l'été prochain le monstre du Loch-Ness...


vendredi 8 septembre 2023

Goncourt business

 La rentrée littéraire revient tous les ans, et tous les ans elle culmine avec l'attribution du Prix Goncourt. Mais l'univers du Goncourt ne se résume pas à une bousculade de novembre chez Drouant. L'Académie Goncourt c'est aussi le Prix Goncourt des Lycéens, celui des Détenus, celui de la Poésie, de la Nouvelle, du premier roman, de la Biographie, etc... Et l'ambition de cette noble Académie tend à s'internationaliser ces dernieres temps. Même si l'année dernière l'escapade à Beyrouth avait généré un pataquès diplomatique, doublé d'une sérieuse crise interne, perseverare diabolicum : cette année c'est depuis Cracovie (Pologne) que sera annoncée, fin octobre, la sélection finale pour le 7 novembre.

En attendant, une présélection de 16 titres a été annoncée il y a quelques jours, qui n'a soulevé aucun enthousiasme démesuré. Nous verrons bien ce qu'il en adviendra.

A propos, qui se souvient du Goncourt 2022, de son titre ou de son auteur ?

lundi 4 septembre 2023

Rétrospective Déjà paru (5)

 Suite et fin de la rétrospective estivale, avec Les Saints des derniers jours (L'Harmattan 2018) et L'âme des chemins creux, mémoires d'un sud (Elytis 2021)...

Pour rappel, tous ces titres sont diponibles en librairie ou chez l'auteur (pouxmichel@neuf.fr).






mercredi 30 août 2023

Au commencement était Goldman...

... et à l'arrivée un livre titré Goldman, commis par l'historien Yvan Jablonka (au Seuil, chez qui il est éditeur). Dont l'idée initiale était, comme tant d'autres avant lui, d'écrire une biographie définitive du chanteur. Las, Goldman, retiré de la scène médiatique depuis vingt ans, refuse de recevoir l'impétrant. Ses amis et connaissances, respectant le retrait du chanteur, font de même. Mais Jablonka n'entend pas en rester là : "Goldman n'est pas quelqu'un qu'on autorise", "c'est une hyperstar, un mythe, une institution nationale". En clair, il est dans le domaine public et un historien n'est pas tenu d'attendre qu'une bio soit autorisée pour l'écrire.

Cela s'argumente. L'ennui, c'est que dès lors l'auteur se rabat sur tout ce qui a déjà été dit ou écrit sur le thème, et faute de mieux se renseigne auprès des fans. On ne trouve donc rien dans son livre qui soit bien riche, ni qui n'est déjà été relaté mille fois.

A part peut-être une personnalisation grotesque : "Comme lui, je viens d'une famille juive immigrée". Ah."Et comme lui j'ai une sensibilité social-democrate". Bigre. Et Goldman, originalité suprême, "a montré le côté vulnérable de sa masculinité", d'homme fragile allié des femmes". Et "il s'est engagé pour la démocratie, après la mort des utopies"... Tant d'esprit critique impressionne.

Bref, on l'aura compris, le livre est une insulte au bon goût et à l'intégrité. Sortir du cadre trop habituel de la biographie autorisée est une chose ; encore faut-il que le travail de l'auteur contienne quelque chose, ou bien alors qu'il porte sur le phénomène Goldman, par exemple, et ne se présente pas comme informatif. Pour le reste, le narcissisme et l'appétit commercial ne justifient pas tout.

vendredi 11 août 2023

Rétrospective déjà paru (4)

Suite de la rétrospective estivale, avec Mona Lisa ou la la clé des champs (L'Harmattan 2014) et Le Répountchou qu'es aquo ? (Vent Terral 2017)...






jeudi 3 août 2023

Fuck bouquinistes !

 Il ne vous a pas échappé que Paris accueillerait en 2024 les Jeux Olympiques, et qu'il convient donc de les organiser (et de les payer, mais ça c'est une autre histoire...). Il ne vous a peut-être pas échappé non plus que la cérémonie d'ouverture se déroulerait sur les bords de la Seine. Et notamment sur les quais où se tiennent les bouquinistes. Alors que faire de ces encombrants ?

La Mairie de Paris a tout d'abord envisagé de les laisser sur place, boites verrouillées, sans activité et sous surveillance des services de déminage. Cela n'a convaincu personne. Puis de les déplacer dans le XIIIème arrondissement. Sans plus de succès.

Il faut dire que le descellement et le déplacement de 570 caisses risque de faire beaucoup de dégâts dans ces vieilles boites vertes. La Mairie a essayé de convaincre en expliquant qu'un déplacement de ces boites et leur rénovation favoriseraient le classement des activités de bouquinistes au Patrimoine mondial de l'Unesco...  (le classement au patrimoine immatériel français a été obtenu en 2019) !!! Impression générale de foutage de gueule.

De toutes les façons, à l'heure qu'il est la Préfecture de Police a décidé de retirer (le temps des festivités) la majeure partie de ces boites vertes, aussi emblématiques soient-elles de Paris et sa culture, des quais de Seine. On cassera donc les étalages et on privera les bouquinistes des effets économiques des JO. Le tout pour assurer la sécurité d'une cérémonie qui durera quatre heures.

Quelles que soient les exigences de sécurité, qu'on peut comprendre, il en résulte juste le sentiment fâcheux que la culture et ses artisans sont une fois de plus de simples variables d'ajustement non essentielles. A moins que ce ne soit l'époque qui veuille cela ?

mardi 1 août 2023

Rétrospective déjà paru (3)

Suite de la rétrospective estivale, en 2011 pour Aveyron, Croatie la nuit chez l'Harmattan, et en 2012 pour Passeport pour le Pays de Cocagne chez Elytis. 





jeudi 27 juillet 2023

Pass-culture, cuisine et inter-dépendances...

 Le pass-culture continue, et même il s'étend. 25 euros supplémentaires par an pour les élèves du premier cycle, dans un "parcours de découverte". Le coût du dispositif passe ainsi de 24 millions d'euros en 2019 à 209 millions en 2023.

J'ai déjà eu l'occasion d'écrire sur ce blog mon scepticisme vis-à-vis d'un machin dont les trois-quarts des effets profitent aux mangas. Je n'y reviendrai pas aujourd'hui, où paraissent deux études (voir le site Actualitté) sur un premier bilan de ce pass-culture. Si la Commission des Finances du Sénat conclut sur un avis mitigé, le rapport de la Cour des Comptes -concernant le seul volet économique- est plus critique, et même "sévère". Il en ressort, selon la Cour, une impression de "bricolage dans l'urgence" aboutissant à un manque de traçabilité dans les décisions (et les responsabilités) et à une Direction multicéphale...

Et bien sûr on n'échappe pas au recours à des "consultants", à savoir deux personnalités grenouillant dans le sérail, comme ce haut fonctionnaire opportunément en disponibilité encaissant plus d'un million d'euros d'honoraires en 2018 et 2019... pour une mission relevant de son rôle habituel de fonctionnaire. Il sera finalement mis à distance par la HATVP, dans une autre fonction de la SAS Pass-culture, pour conflit d'intérêts.

Bref, la routine.

mercredi 19 juillet 2023

Et le temps s'en va : Henri Tachan...

 La grande faucheuse n'a aucune pitié pour les poètes, à moins qu'elle ne les veuille pour elle seule. Au tour d'Henri Tachan d'en faire les frais. Mais à qui ce nom disait-il encore quelque chose ?

Henri Tachan, c'était la chanson française des années 60, et il fut adoubé par Brel notamment, avec qui les atomes crochus chansoniers étaient évidents, mais aussi par Brassens ou Ferré et d'autres. C'était un rebelle un peu outrancier parfois mais dont les textes et la sensibilité révélaient un talent rare. Même dans ses numéros de contestataire l'élégance perçait. Ses souvenirs d'une jeunesse bourbonnaise le mettaient à l'abri des cultures urbaines qui commençaient à émerger, et ses textes ciselés parlaient aux amoureux de la langue française.

L'air du temps le porta puis passa, avant que la mode et le système ne le marginalisent. Seuls ceux qui le connaissaient gardèrent son nom en mémoire, et seule une poignée continua à l'accompagner. Et à l'heure de son départ on gardera de cet écorché vif moins ses textes de provocateur, forcément un peu faciles, que son impertinence salutaire et ses bijoux de poésie où l'humanité se plaisait. Fugit tempus...

mercredi 12 juillet 2023

Rétrospective déjà paru (2)

Suite de la rétrospective estivale, 2006 pour HPO Cap Ferret et 2007 pour HPO Toulouse... Toujours chez Elytis. 




mardi 4 juillet 2023

Rétrospective déjà paru (1)...

 En guise de rétrospective estivale...

Retour dans le passé : La Branloire pérenne (2002), Week-end à Schizoland (2005) chez Elytis



mercredi 28 juin 2023

Prudence : Hemingway...

 La machine est lancée et rien ne semble pouvoir l'arrêter. On avait réécrit Agatha Christie, Ian Fleming, Ronald Dahl et d'autres : au tour de Ernest Hemingway de passer dans la lessiveuse woke et de voir son ouvrage Le soleil se lève aussi précédé d'un trigger warning -avertissement au lecteur- censé protéger celui-ci dans sa "confrontation au texte" du Prix Nobel 1954. Le lecteur n'étant, comme chacun sait, pas suffisamment adulte pour se faire une idée critique.

Cet avertissement rappelle, horresco referens, qu'Hemingway fut alcoolique, dépressif, chasseur, pêcheur au gros, amateur de safari, défenseur de la corrida, etc... et que bien sûr il eut trop de femmes pour ne pas être un prédateur concupiscent et manipulateur. Dire que des générations ont lu Hem en oubliant tout cela...

Cette pratique étasunienne -pour l'instant- pourrait être simplement ridicule si elle ne permettait de voir à quel point les plus grands éditeurs craignent l'activisme des minorités agissantes : le souci de Penguin Random House, en l'occurence, est de décliner toute responsabilité juridique et commerciale sur un contenu susceptible de heurter. L'anxiété, l'opportunisme ou la couardise des éditeurs montrent bien la force du mouvement woke.

On nous dira qu'ici on n'a pas touché au texte original. Certes. Pas encore. Dans l'Allemagne des années 30, on s'est longtemps contenté des peindre des étoiles de David sur les vitrines des commerçants juifs, qui continuaient à travailler. Puis on a commencé à casser ces vitrines. Puis...

Mais ça n'a sans doute rien à voir.

vendredi 23 juin 2023

Enracinement, dites-vous ?

 Vous connaissez sans doute la belle histoire de ces quatre enfants colombiens échoués dans la jungle amazonienne, après un crash d'avion, et qui y ont survécu pendant quarante jours jusqu'à ce que les secours les retrouvent. Miracle, crions-nous sur l'air des lampions !

Non, répondent les mêmes secours colombiens. "La survie des enfants est la démonstration de la connaissance et de la relation qu'entretiennent les indigènes avec la nature, un lien enseigné dès le ventre de la mère", nous disent les anthropologues locaux. Car les enfants (treize, neuf, quatre et un an) n'ont pas paniqué et ont su manger, boire, dormir et survivre dans ce milieu hostile, car ce biotype, pourrait-on dire, était le leur. C'est cet enracinement et la transmission de celui-ci, ne serait-ce que par l'éducation, qui leur a permis de se sauver.

Peut-être y a-t-il là matière à penser, pour notre homme si moderne, en voie de déconstruction, perdu sans ses écrans et délégant à l'IA ce qui lui sert de réflexion. Mais quel responsable actuel, politique ou autre, oserait simplement signer les propos des colombiens ? Et faire référence aux "gens de quelque part", et non célébrer les "gens de partout" ?

Pourquoi je vous parle d'enracinement ? Simplement parce que c'est le thème de mon prochain ouvrage, en cours d'achèvement...

mardi 20 juin 2023

Modernités du jour

Il est des jours où un seul support de presse suffit, en quelques lignes ou quelques clics, à vous présenter le monde tel que vous craignez qu'il soit. Ainsi quelques articles piochés sur le site Actualitté.com de ce 20 juin.

1- L'arrière petit-fils de Céline, surgi d'on ne sait où (l'abandon des droits à la succession de LF Céline par sa grand-mère Colette Follet remonte à 1960) annonce qu'il va assigner Gallimard et les ayants droit de l'écrivain pour avoir exploité les manuscrits récemment retrouvés (Guerre, Londres, La volonté du roi Krogold), au titre de son "droit moral". Il jure urbi et orbi qu'il ne fait pas ça pour l'argent mais pour le respect des héritiers ; néanmoins, les temps étant ce qu'ils sont, il réclame deux euros par exemplaire vendu.

2- Les employés d'un entrepôt d'Amazon, en Normandie je crois, se disent inquiets et en insécurité : il y a des souris dans l'entrepôt.

3- La librairie Antoine, à Versailles, est menacée : son propriétaire triple le loyer.

4- Les Manouchian vont entrer au Panthéon. Très bonne initiative qui fait l'unanimité. Ceux qui ont suivi la polémique, voilà une quarantaine d'années, sur les relations entre PCF et MOI et les circonstances de la fin de celle-ci, ne seront pas étonnés par les nombreuses tentatives de récupération politique,autour des thèmes d'aujourd'hui.

5- L'Etat de l'Illinois adopte une loi contre la censure des livres "pour raison personnelle, politique et religieuse", en conformité avec la Charte des Bibliothécaires Américains. C'est une loi qui interdit, et on sait que ce ne sont pas les plus efficaces ni les meilleures, a fortiori contre la censure, mais bon... Mais en lisant d'un peu plus près on voit que c'est surtout une loi contre la censure de droite. Bien. La moitié du chemin est parcourue.

mardi 6 juin 2023

Picasso, trop beau pour elles...

Les célébrations, par définition, ne font pas dans la demi-mesure. En général, c'est plutôt dans le sens de l'hagiographie. Mais désormais il est des célébrations qui dézinguent, à preuve le Picasso bashing qui commémore le 50ème anniversaire de sa mort. Bon, ne généralisons pas, il y a aussi des manifestations positives ; mais ce dont on parle le plus c'est la stratégie qui entend "revisiter avec un regard féministe" l'oeuvre et la vie du Minotaure.

Ainsi à New-York une exposition qui "entend rendre justice aux femmes qui n'ont pas connu la gloire de l'artiste catalan, parce qu'elles n'ont pas eu les soutiens qui ont favorisé le "génie" de Picasso". CQFD : Picasso n'a réussi que parce qu'il était un homme, et plein de femmes auraient fait aussi bien si... Un peu de culture historique aurait prévenu nos amazones que le Malaguène eut sa part de vache enragée avant de connaitre le succès.

On peut penser ce qu'on veut de Picasso, et de son oeuvre, "peintre de génie mais être humain tout sauf parfait". On connait son narcissisme, son égotisme, son emprise dont les femmes ne furent pas les seules victimes (?). Cela dit, il serait parait-il impossible de dissocier l'homme et l'artiste ; pour le prouver, une humoriste australienne a recencé des pénis un peu partout dans ses oeuvres. On n'ironisera pas. Mais là aussi un peu de culture aurait éclairé sur les fonctions archaïques de l'art... Quant aux êtres-humains-tout-sauf-parfaits, j'en connais beaucoup, et il n'y a pas que des hommes (je peux donner des noms...).

Et pour orchestrer tout cela il y a une "Commissaire en cheffe", titre qui, je ne sais pas pourquoi, me fait doublement flipper... Mais gardons espoir, il doit bien rester en ce bas monde des gens, hommes et femmes confondus si j'ose dire, pour qui Picasso est aussi l'auteur des Demoiselles d'Avignon et de Guernica.

mardi 23 mai 2023

Niveau scolaire, imbécillité, violence...

Je ne voudrais pas trop insister dans la suite du billet précédent, et pourtant... Il ne se passe pas de jour sans que l'actualité ne vienne illustrer la dégradation de l'expression de la politique et de la démocratie : agressions contre les maires, contre la belle-famille du Président de la République, contre les députés, etc... On passe allègrement, peu à peu, de l'opposition politique à l'opposition à la personne et de la violence verbale à la violence physique.

J'ai toujours été un ardent défenseur de l'expression pamphlétaire qui, à condition qu'elle soit menée avec talent, anime le débat : on me rétorque souvent que le pamphlet encourage la caricature et la virulence. Désolé, mais la brutalité d'un discours est toujours métaphysique : c'est à l'individu conscient d'accéder à la conceptualisation, à la verbalisation, au niveau symbolique que contient le propos, pour sortir ainsi de l'émotion brute et de la pulsion. C'est par le langage (logos) que l'on résoud l'affrontement du conflit. Toutes choses moultes fois vérifiées dans l'Histoire des idées, grâce à l'individu intelligent.

A qui la faute, s'interrogent tous ceux (c'est-à-dire presque tout le monde) qui condamnent les exactions actuelles. Pour une bonne part, à ceux qui jouent au foot avec une tête de ministre ou qui hurlent au grand remplacement à la vue de la moindre peau bronzée. Mais aussi, et peut-être avant tout, à l'imbécillité triomphante de ceux qui passent à l'acte en prenant tout discours au premier degré. C'est ce qui nous ramène à mon billet précédent sur la baisse du niveau scolaire. A ce propos, on notera que les trois abrutis arrêtés pour avoir agressé le petit-neveu de Brigitte Macron sont illettrés. CQFD.

mercredi 17 mai 2023

Grimaldi, feel-good et niveau scolaire...

On connait (ou pas) Virginie Grimaldi. La papesse de la littérature feel-good française publie son nouveau titre, qui dès sa sortie est en tête des ventes. Et la publication en format poche de son précédent titre se classe troisième. Entre les deux, un manga... Voilà dix ou quinze ans, les éditeurs refusaient, sans surprise et avec une belle unanimité, les manuscrits de Mme Grimaldi. Puis, le marché commandant, ceux-ci ont trouvé leur place : six millions d'exemplaires vendus en neuf titres. Même en restant très prudent sur ces chiffres, le succès est incontestable ; on l'achète, nous dit-on ici et là, parce que l'auteur parle à tout le monde ; sa prose, vague adaptation moderne et consensuelle de la série Harlequin, évoque la vie, la mort, la maladie, la joie, la peine, tout ça...

Le même jour, on apprend par l'étude internationale et pérenne PIRLS qui le suit que le niveau en lecture des élèves français de CM1, après quinze ans de baisse contenue, a un peu moins chuté pendant le Covid que celui d'autres pays, grâce au maintien de l'activité scolaire. Aussi n'est-on pas avare de cocoricos. Il n'en demeure pas moins que la France, si elle est un peu au-dessus de la moyenne mondiale, navigue en-dessous de la moyenne européenne, à la 22ème place.

Voilà qui devrait garantir pas mal de ventes à Mme Grimaldi dans les années à venir.

lundi 8 mai 2023

Intelligence Artificielle mais pillarde...

La période, et plus encore l'avenir, est on le sait à l'Intelligence Artificielle, et à celle de ChatGPT notamment, susceptible nous dit-on de remettre en question 300 millions d'emplois. Nous verrons bien. Rappelons également que le "Intelligence" anglais n'a rien à voir avec notre intelligence à nous, mais se traduirait plutôt par "collecte". Et c'est avec cette collecte qu'elle construit ses (remarquables) résultats. Pour établir cette collecte, elle pompe à peu près tout ce qui s'exprime en ce bas-monde.

Sauf qu'à y regarder de plus près, ce qu'ont fait des chercheurs de l'Université de Berkeley, on s'aperçoit qu'Open AI, la maison-mère de ChatGPT, a littéralement absorbé des milliers de livres sous copyright ; ils ont ainsi répertoriés 572 livres phagocytés tels quels, en particulier de fantasy et de science-fiction, de Harry Potter à 1984 en passant par le Seigneur des anneaux. En sus du côté mercantile et malhonnête de l'affaire, on s'aperçoit que plus un livre est cité plus il est capté, et devient ainsi la référence incontournable : la biblio-diversité ne devrait pas y gagner, et l'endoctrinement et le formatage ont désormais de gros moyens, d'autant que les développeurs d'Open AI ne citent jamais leurs sources.

Bref, les grandes applications porteuses d'un certain avenir ne s'écartent jamais du vieux pragmatisme affairiste d'antan...

lundi 24 avril 2023

Soupes littéraires

Le Festival du Livre de Paris 2023 vient de fermer ses portes, et comme il est d'usage les clairons résonnent : 102 000 visiteurs, plus 30% au niveau des ventes par rapport à 2022, etc... En dehors du fait que ces chiffres sont largement mis en doute par certains spécialistes (voir le site Actualitté) on rappelera que la dernière édition de feu le Salon de Paris 2019 avait enregistré 160 000 entrées...

La moitié des 102 000 entrants de 2023 avait moins de 25 ans, se félicite-t-on : hourra ! c'est le fruit d'un partenariat avec TikTok qui offrait l'entrée... auquel il faut rajouter les effets du Pass culture. Ceci expliquerait peut-être le nombre impressionnant de "livres abandonnés" récupérés après la fermeture des portes : caisses saturées ou motivations subitement défaillantes ?

Parmi les autres signes marquants de cette manifestation devenue une machine à cash au profit du Syndicat National de l'Edition, un stand remarqué : celui de Mac Do; En effet, via ses Happy Meals, la chaine de la malbouffe diffuse 27 % (!) des livres jeunesse. Certes la marque, déjà partenaire du Salon du Livre Jeunesse de Montreuil, n'a vendu ni burgers ni livres, mais le culturewashing tourne à plein régime. C'est ce qui aurait provoqué l'initiative humoristique des Editions du Net proposant (pour de rire) un kebab offert pour un livre acheté...

On l'aura compris, l'apogée des nourritures de l'esprit n'est plus très loin.

jeudi 13 avril 2023

Statut de la Liberté, siècle 21

On le sait, sous couvert de liberté et de démocratie les campagnes de censure rivalisent de zèle aux Etats-Unis. Ansi en Floride. Elu depuis 2018, l'ambitieux gouverneur républicain Ron De Santis a multiplié les lois visant à contrôler les tentatives de publication "vulgaires", "offensantes" ou "pornographiques", ce qui avouons-le laisse de la place à la subjectivité, qui sévissent dans les livres. Et c'est ainsi que toute parution touchant peu ou prou au racisme, au genre ou à la sexualité est immédiatement soutenue par les uns et pourfendue par les autres.

Problème pour De Santis, il vient lui-même de commettre un livre où, explicitant son action, il ne parle que de ça : les démocrates (enfin, peut-être pas tous) ont entrepris d'appliquer à son ouvrage les principes des lois qu'il a promulgué sur ces écrits "inappropriés". En clair, ils demandent la censure du censeur.

On l'aura compris : censure contre censure, au pays où l'actualité nous précède de quelques années le Progrès fait rage et le monde n'a jamais été aussi moderne.

vendredi 7 avril 2023

Impuissance publique

Chacun ses fantasmes : celui de la start-up nation peut en être un. Sauf que tout choix porte en lui les revers de sa médaille, et ce mois de mars 2023 le prouve : l'Etat a laissé filé deux joyaux du patrimoine national.

Le premier est une lettre manuscrite de Robespierre à Danton, la seule que l'on connaisse et dont l'intérêt historique est évident, qui s'est vue attribuée par les enchères à un "particulier". A quelques jours de là, c'est un manuscrit du Moyen-Age, le Codex Irmengard, qui a été acquis par Getty. Ce recueil de lectures de messe, réalisé pour une noble allemande, avait pourtant été classé Trésor national en 2020...

Les enchères sont les enchères, mais le Ministère de la Culture avait l'option de préempter, ce qu'il n'a pas fait. Alors s'agit-il d'un désintérêt, ou d'un manque de moyens ? La première hypothèse est triste, la seconde est amusante au vu de l'organisation et des actions de l'administration concernée. Mais dans les deux cas, notre Etat omniscient, omnipotent et ventripotent que le monde entier, à en croire certains, est censé nous envier démontre une nouvelle fois son incurie.

mercredi 29 mars 2023

Réécrire Agatha Christie... et pourquoi pas Mein Kampf ?!

J'évoquais récemment les avatars de Roald Dahl ou Ian Fleming, dont les ouvrages subissaient la loi des sensitive readers, c'est-à-dire étaient réécrits avec une couche de ripolin politiquement correct. Ces jours-ci on apprend que l'oeuvre d'Agatha Christie dont, déjà, les Dix petits n... avait été retitré, va être nettoyée de tout ce qui pourrait déplaire à un lecteur contemporain. C'est la volonté de l'éditeur HarperCollins, soucieux d'être le plus inclusif possible, on se demande bien pourquoi...

A chaque nouvelle de ce genre, certains media ressortent le débat sur la création littéraire et sa fonction ; pour les uns, l'oeuvre serait sacro-sainte et pour les autres elle aurait vocation à évoluer en même temps que l'Histoire. Il y aurait beaucoup à dire sur ce supposé débat, mais tenons-nous en à l'essentiel : ce qui caractérise, a minima, la littérature c'est bien de livrer un petit peu de l'histoire humaine, à travers une histoire, un individu, un évènement.

Partant de là, l'oeuvre ne peut être touchée, sous peine de réécrire l'Histoire : un livre, fut-il raciste, antisémite, homophobe ou ce que l'on voudra, reflète précisément l'époque où il est écrit, et c'est en ce sens qu'il en témoigne. On peut bien sûr l'accompagner d'un commentaire. Mais il n'a pas à être modifié pour le rendre acceptable aux yeux du lecteur qui le lira, des décennies ou des siècles plus tard. Sinon on court le risque de voir bientôt un abruti quelconque proposer d'adoucir Mein Kampf pour le rendre ainsi supportable à notre XXIème siècle.

mercredi 22 mars 2023

Les Hussards, mythe et réalité

Depuis trois quarts de siècle, le monde littéraire évoque régulièrement l'épopée du groupe des "Hussards", ainsi nommés par Bernard Frank en référence au Hussard bleu de Roger Nimier, reconnu comme le chef de file du groupe supposé.

Pour tout savoir sur eux, on peut se référer à l'essai de Marc Dambre, Génération Hussards, histoire d'une rebellion en littérature (Perrin) : 400 pages denses, touffues, pour un ouvrage pas toujours fluide mais bien nourri. Et d'où il ressort que le groupe n'a jamais existé. Certes il y a bien les trois historiques -Nimier, Laurent, Blondin, parfois agrémentés de Déon- qu'on pourrait définir comme "un courant littéraire de droite antigaulliste", et d'autres plus anecdotiques, placés sous le patronage utile mais encombrant de Morand et de Chardonne. Et si ces trois ou quatre mousquetaires, tous de bonne famille et orphelins d'une guerre qu'ils n'ont pas faite, se croisent et se reconnaissent au fil des ans, ils ne se veulent pas un groupe : si Nimier et Blondin sont amis, Laurent n'aime ni l'un ni l'autre. Et Déon vit sa vie.

Sur le plan politique, outre le rejet du communisme et la fidélité à Vichy, voire à l'Action française, il n'y a guère de consistance jusqu'à ce que la politique algérienne de "Gaulle" ne les réunissent tous dans un antigaullisme féroce. Quant à leur réussite, elle tient aussi du mythe. Nimier, disparu prématurément, ne laisse que deux ou trois titres, Laurent connaitra surtout le succès sous pseudonyme avec Caroline chérie, avant son Goncourt en 71 ; Blondin en dehors du magnifique Un singe en hiver laissera surtout une trace de chroniqueur sportif. Au total, quelques bons livres pour une production assez modeste, et beaucoup de journalisme.

Que retenir aujourd'hui de ces fameux Hussards ? Ce fut sans doute, comme l'écrit M. Dambre, une rebellion en littérature, contre le pouvoir de la gauche intellectuelle à la Libération, et le sujet de l'engagement que celle-ci prônait. De l'anticonformisme libertin donc, un style, le sens du dandysme et de la fête, mais cela n'a rien d'exclusif ni ne fait une école littéraire.

On a bien essayé de trouver des héritiers aux mousquetaires, avec Modiano, Besson, Tillinac et d'autres postérités hasardeuses, mais qui ont tous volé de leurs propres ailes et de leur propre talent. Il reste de l'histoire des Hussards une référence historique et culturelle pour l'extrême-droite et un clin d'oeil pour tous ceux qui préfèrent la virtuosité d'un style aux pensums idéologiques, fussent-ils nobélisés. Mais le livre de Marc Dambre confrme bien que le mythe, entretenu dès le départ et amplifié par le romantisme et la mort de NImier, que ce mythe sonne finalement un peu creux.

lundi 13 mars 2023

Poètes aux ordres ?

C'est le mois de mars, c'est le Printemps des poètes, c'est la 25ème édition. Et l'on continue à dérouler l'alphabet pour trouver le thème de chaque édition. Nous en sommes cette année à la lettre F. Comme Frontières. Pourquoi pas, c'est dans l'air du temps.

C'est la comédienne Amira Casar qui en sera la marraine, parce qu'elle a un héritage multi-frontalier, "et qu'elle n'a que faire des frontières", claironne la directrice artistique du Printemps. Encore une fois pourquoi pas, d'autant qu'on imagine mal un parrain s'agrippant à une frontière. Il n'empêche : ça ne déborde pas d'originalité et la manifestation n'a pas encore commencé que l'injonction politique fait son oeuvre.

S'agissant de frontières, on rappellera ici l'excellent ouvrage de Régis Debray, chroniqué en son temps sur ce blog. Cet Eloge des frontières démontrait brillamment l'intérêt de ces limites, qui autorisent l'identité et l'enracinement, et surtout la liberté. Mais même sans débattre des frontières (on pourrait penser que la seule poésie ouvrait unh champ suffisant) on regrettera qu'on s'en tienne à la seule notion douanière de celles-ci, avec un  totem "bon migrant-méchante frontière" digne d'une cour de récré. Mais il ne saurait apparemment y avoir dans nos époques si modernes une manifestation qui ne soit idéologiquement formatée. Certaines idées doivent être bien malades, que l'on veuille les imposer comme non discutables...

mardi 7 mars 2023

Librairies à gogo(s)

Heureusement que notre France est bien pourvue en officines de propagande officielle, qui nous inondent chaque jour de bonnes nouvelles. Sans quoi on finirait par croire bêtement que les temps sont difficiles et anxiogènes, mais non. Ainsi le Centre National du Livre vient-il d'annoncer que l'an de grâce 2022 a vu la création de 142 librairies, ce qui malgré 27 fermetures fait un solde positif de 115. Vous ne l'aviez peut-être pas remarqué, mais l'année 2021 avait déjà produit 140 créations. Et les années 2017 à 2020 entre 60 et 80 par an, avec 20 à 30 fermetures.

Bref, si l'on additionne tout cela et si l'on considère que la moitié de ces créations se fait dans des villes de moins de 15000 habitants, et 25% dans des bourgs de moins de 5000, on devrait trouver une librairie à chaque coin de rue et dans chaque village. J'exagère à peine.

Or n'importe qui peut constater que c'est l'inverse qui se produit, et que la réalié de l'économie de ces commerces est de plus en plus précaire. Certes, les trois-quarts de ces créations bénéficient d'aides diverses, du CNL, de la DRAC ou des régions. Certes, les libraires se contentent de peu, il en est de très dynamiques et leur surimplication peut durer plusieurs années. Mais il n'y a guère de miracle.

Aucune officine officielle ne prendra le risque d'étudier le turn-over des librairies, ni l'évolution de celles qui ont été subventionnées. Que le CNL, à coups de statistiques, veuille vendre et sa soupe et justifier son existence, c'est une chose ; vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes en est une autre...

lundi 27 février 2023

Epuration linguistique, IA et avenir de la littérature

La semaine dernière, c'est feu l'auteur britannique Roahl Dahl -Charlie et la chocolaterie, Matilda- qui passait à la lessiveuse : ses personnages qui étaient soit "gros", soit dotés d'un "visage chevalin", soit "petit nain dodu", etc... se voient libérés des adjectifs susceptibles de déplaire aux sensitivity readers qui nettoyent les livres.

Cette semaine, c'est au tour de Ian Fleming, dont on corrige les James Bond. Exunt les scènes de strip-tease, le mot nègre et les références ethniques, et bien sûr les expressions homophobes, et quelques autres décapages. Le grand nettoyage continue.

Bien sûr, on refuse d'admettre que c'est une réécriture : il ne s'agit que de "contextualiser", afin de "rendre appréciable pour tous" l'oeuvre karchérisée. Ces tartufferies cachent mal la trouille et surtout le mercantilisme des éditeurs et des ayant-droits. Et chaque jour se révèle un peu plus le mépris des oeuvres, livres ou tableaux, pris pour cible par un militantisme aussi inculte que fanatique. Les deux vont souvent de pair.

Tandis que d'un côté s'annonce une littérature condamnée à être lisse ou insipide, on voit de l'autre dans la production de livres les effets de l'Intelligence Articielle : 200 livres de ChatGPT sont déjà répertoriés sur Kindle d'Amazon. L'avenir de la littérature s'annonce radieux.

Pour finir sur une note d'espoir, un mot pour rire : Jeff Bezos a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur.

lundi 20 février 2023

Picasso castré ?

Pablo Picasso étant décédé en avril 1973, on va donc célébrer le cinquantième anniversaire de sa mort. Célébrer, pas commémorer, pas rendre hommage. En clair, on se souvient de la date mais on n'encense pas l'homme. Qui n'en a certes pas besoin, mais le distinguo et les numéros d'équilibriste des instances officielles en disent long sur notre époque.

On connait l'artiste. On connait aussi l'homme, et il est difficile de nier qu'il fut un monument d'égotisme. Comme le sont souvent les artistes d'exception, peut-être même est-ce une condition sine qua non. Quoi qu'il en soit, le monde de Picasso tournait autour de son nombril et de ses fulgurances. Certains de ses amis en firent les frais, ses compagnes également.

Car Picasso, et c'est là le sujet, enchaina (au sens de faire se succéder...) les compagnes, de Fernande Olivier à Jacqueline Roque, parfois deux en même temps (Olga Khokhlova et Marie-Thérèse Walter). Il s'adonnait à son art, et il s'est expliqué sur son besoin d'amour pour cela ; mais le néo-féminisme triomphant n'entend pas trouver la moindre excuse au Minotaure. Certaines voulaient envoyer aux galères Julien Bayou pour moins que ça...

Alors il ne saurait être question, dans notre époque si moderne, de rendre hommage à un tel monstre. Et le titan, le colosse monolithique de naguère n'aura droit qu'à des discours mitigés, ou teintés de la sacro-sainte distinction entre homme et artiste...

Tout cela serait bien triste, si heureusement du haut de leur Olympe la statue de Picasso et a fortiori son oeuvre ne renvoyaient à la niche les chiennes de garde et leurs aboiements.

lundi 13 février 2023

Vaincre ou mourir, mais aussi raisonner...

Il est un film récent qui fait parler, et qui donc rencontre peu à peu un public, comme on dit : Vaincre ou mourir, un film de Paul Mignot et Vincent Mottez. C'est une production du Puy du Fou et de Canal+, qui relate l'insurrection vendéenne de 1793 à 1796 à travers le personnage de Charette.

D'un point de vue cinématographique, le film (que je n'ai pas vu) est considéré comme assez moyen, dirons-nous : c'est un film militant, comme on en connût d'autres. Mais ce qui motive l'objet de ce billet, c'est plutôt la nature des critiques qui accompagnent son parcours en salles.

Sans surprise, la droite trouve au film des qualités dont il semble dépourvu, et encense son succès et celui d'un récit largement romancé : c'est bien un film militant. Sans surprise non plus les medias de gauche le flinguent, car c'est bien un film militant. De droite. C'est de bonne guerre, dira-t-on, tout comme de le présenter simplement comme le produit de Villiers et Bolloré, argument définitif. Plus caricatural est de dénoncer une "réécriture de l'histoire", avec de bons "blancs" contre de méchants "bleus".

Sans doute le film n'est-il pas des plus nuancés, de même qu'il convient de recontextualiser les guerres de Vendée, malgré les 200 ou 300 000 morts du "génocide" (le terme fait débat mais le bilan est là). Il n'en demeure pas moins qu'une certaine gauche peine à reconnaitre les faits historiques quand ceux-ci la dérangent, et le phénomène n'est pas nouveau. Pourtant de grands historiens "de gauche" comme François Furet ou Mona Ozouf ont largement démontré les avatars de la construction de l'Etat français, en Vendée notamment.

On pourrait espérer d'une démocratie adulte qu'elle sache regarder son histoire en face. Mais notre époque ne le veut pas, quand la politique tend davantage à exacerber les caricatures qu'à susciter le débat constructif, et que le manichéisme vérole de plus en plus les esprits.

vendredi 13 janvier 2023

Sus à l'accent aigu !

Tous les jours, en France, il nait des bébés. Il leur échoit un prénom, que les parents choisissent selon leurs critères ou leurs moyens culturels. Ainsi, à en croire l'INSEE, a t-on vu fleurir en 2022 sur les registres de l'Etat-civil, les attendus Cristiano-Ronaldo, Mbappé ou Messi mais aussi, ne serait-ce qu'à Montpellier, des Ouais, des Laurent-Fabius, des Taime-Lamour, des Stalone, des Alkapone, des Derrick... qui se sont rajoutés à une flopée de prénoms venus d'on ne sait où et qui évoquent, selon, des onomatopées, des marques, des BD ou des borborygmes, le tout d'une modernité indépassable. Rien à redire à cela, estime l'Etat-civil. Certes sa mission première n'est pas d'arbitrer les incongruités dont on l'abreuve, mais on nous dit pourtant qu'il doit veiller à ce que le prénom ne soit ni grossier, ni ridicule ni contraire à l'intérêt de l'enfant. Ce ne doit donc pas être le cas.

Cela étant, tout n'est pas permis et il ne faudrait pas abuser de sa clémence : est né à Mende, en décembre, un enfant de sexe mâle que ses parents entendent baptiser Artus (Arthur en occitan), qui s'écrit A majuscule, r,t, u accent aigu, et s. L'Etat français veut bien l'accepter, mais sans l'accent aigu sur le u, car cette lettre n'existe pas en langue française. CQFD.

L'accent aigu menacerait donc l'unité de notre République, une et indivisible comme chacun sait. Moi qui croyait que c'était plutôt le jacobinisme et l'ethnocentrisme du législateur et du fonctionnaire...

vendredi 6 janvier 2023

BD, Bastien Vivès : art pur et art dégénéré...

Le Festival International de la BD (FIBD) d'Angoulême est une institution, controversée pour sa gestion mais incontournable pour le monde bédéphile. L'évènement 2023 avait programmé une exposition Bastien Vivès, star du genre. Patatras. Cet auteur, qui avait déjà eu maille à partir avec des féministes pour "mysoginie" supposée, a vu s'abattre sur lui diverses pétitions pour cause de pédopornographie, dont dans Médiapart une "Tribune co-écrite par des autrices, éditeurices, étudiant-es et militant-es féministes", plus inconnues les un(e)s que les autres ; tant et si bien que l'expo, menacée de violences physiques, a été déprogrammée. Ces signataires déploraient notamment que "l'auteur souhaite provoquer l'excitation de son lecteur à travers l'expression de ses propres fantasmes", faisant allusion à quelques albums qui avaient déjà défrayé la chronique, avant que la justice ne classe sans suite les velléités purificatrices. Ces signataires badigeonnent d'une couche de ripolin politique et s'en prennent aux organisateurs du FIBD : "Ont-ils si bien intégré la pensée réactionnaire d'extrême-droite qu'ils n'hésitent plus à s'attaquer aux féministes qui luttent pour le droit des enfants ?". Au passage, on souhaite aux enfants d'avoir de meilleurs soutiens. Mais qui écrivait, jusqu'à présent, "Le temps où les artistes faisaient l'apologie de la pédocriminalité doit être révolue en France.", sinon l'extrême-droite réactionnaire dont ils se font les supplétifs ?
Je ne connais pas Bastien Vivès, ni personnellement ni en tant qu'auteur et, au risque de m'incliner devant des a-priori, je n'aime pas ces créateurs délibéremment immatures qui multiplient les provocations, sans qu'on sache s'il convient de prendre celles-ci au premier, au deuxième ou au quarante-huitième degré, surtout sur des thèmes aussi douloureux. Et après tout jouer avec la provoc comporte des risques de boomerang : je n'ai aucune sympathie particulière pour Vivès. 
Mais voir des artistes et des créateurs décider ainsi de ce qui a le droit ou non d'être produit par leurs collègues a quelque chose de terrifiant. Cette nouvelle définition de la vertu ressemble fort au nouvel ordre moral des régimes totalitaires. Qui aurait cru que des gens de culture, se revendicant de la gauche, de la liberté et du progrès oseraient écrire en 2022 :"C'est pourquoi nous demandons aujourd'hui que FIBD rédige et établisse une charte d'engagement, afin que les futures sélections et programmations du estival soient réalisées dans le respect des personnes minorisées ainsi que dans l'égalité de leur représentation" ? Se rendent-ils seulement bien compte de ce qu'ils disent ? Pour s'en tenir à la seule BD, univers nourrie de violence, de sexe, de mort, de sang, de fantasmes, d'égarements et de transgression : faut-il édulcorer tout cela et en revenir, comme l'écrit joliment Pierre Jourde dans l'Obs, à Fripounet et Marisette ?  Plus de fantasmes, plus de cochonneries, mais de la morale. Et des commissaires politiques pour contrôler tout cela. Un art moral et responsable, citoyen, indolore et respectueux de chacun, pour satisfaire les attentes (contradictoires) de toutes les minorités. Et exit la fonction subversive de l'artiste, sept ans après Charlie-Hebdo. Une deuxième mort pour Reiser, Wolinski et tant d'autres.
Nous n'en revenons pas simplement à la censure du procureur Pinard, garant des bonnes moeurs. Si Bastien Vivès outrepasse la loi, c'est à la justice de le dire et non aux réseaux sociaux où il est de bon ton d'étaler une indignation militante pour étaler sa prétendue supériorité. Leur argumentation est de même nature que celle de la fatwa contre Rushdie ; on en revient à Dzerjinski et à la culture soviétique des temps héroïques, ou à Goebbels, célèbre lui aussi pour avoir combattu l'art dégénéré.

A voir nouvelobs.com l'avis de Pierre Jourde :https://www.nouvelobs.com/societe/20221230.OBS67755/affaire-bastien-vives-assez-fantasme-par-pierre-jourde.html

mardi 3 janvier 2023

Bonne Année ! (2023, cette fois...)

Longtemps, les enfances rurales ont été rythmées par le Nouvel An et ses étrennes, bien plus que par un Noel dont la version commerciale n'était pas inventée, ou encore balbutiante... Le charme s'en est perdu, et les années qui me pèsent n'en sont pas la seule cause. Reste néanmoins le temps des voeux.

Aussi vous souhaiterai-je une bonne année 2023. Sans optimisme béat, vous me connaissez, mais au moins avec sincérité, pour que tous vos voeux soient comblés. Je viens de relire mon billet du nouvel An 2022, afin de ne pas écrire la même chose, et le considère avec le recul plutôt perspicace. Ce qui peut laisser espérer que l'année qui vient sera meilleure !

Bref, Bonne Année !!!