lundi 25 avril 2022

2022 : De Molière à Boby Lapointe

L'année 2022 sera celle de Pézenas ou ne sera pas. Les deux principaux noms qui ornent l'histoire de la petite ville héraultaise font l'objet de la commération de leur naissance, voilà quatre siècles pour Poquelin qui y séjourna quelques années, et 100 ans pour Boby Lapointe qui y vit le jour.

Je ne m'attarderai pas ici sur Molière, d'autres le font ailleurs à satiété et mieux que moi. Reste Lapointe, qui n'est certes pas un inconnu amis qui me semble singulièrement sous-valorisé. Cet auteur-compositeur-interprète, comme disent les notices, était parti pour devenir ingénieur mais la guerre bouleversa le projet et c'est ainsi qu'on le retrouva sur les planches parisiennes et sur quelques écrans.

Il faut écouter Boby Lapointe, écouter ses textes et le son de ses textes ; il faut lire ses textes et les voir. C'est un gisement forcené de jeux de mots, de contrepèteries, de calembours et de gags sonores ou littéraires. L'humour et la fantaisie vaguement héritières du surréalisme et du nonsense révèlent toujours une surprise : voilà un bon demi-siècle que j'ai découvert BL, et je découvre presque à chaque audition un nouveau clin d'oeil qui m'avait échappé jusque là. Une série de trois mots produit facilement deux jeux de mots : capable d'inventer un système informatique, le piscenois est aussi un génie créatif. Un peu allumé parfois, mais assurément un génie.

Le Festival Printival lui rendra localement hommage. Pour le reste de l'année, profitez de tout ce qui sera proposé. Et si vous ne connaissez pas l'oeuvre de Boby Lapointe, n'attendez pas 100 ans de plus pour la découvrir !

vendredi 22 avril 2022

Edition, ballotage défavorable

Ses dernières éditions calamiteuses auront eu raison du Salon du Livre, porte de Versailles. C'est désormais le Syndicat national de l'Edition qui organise, intra muros au Grand-Palais, le Salon du Livre de Paris. Première conséquence : exunt, pour cause de coût des stands, les "petites" maisons d'édition indépendantes et les délégations régionales. On restera dans l'entre-soi germanopratin pour évoquer la fusion Editis-Hachette, l'affaissement des marges, le problème Amazon ou les progrès de l'auto-édition.

Au delà de la tambouille des professionnels de la profession, on communique donc beaucoup ces jours-ci sur l'univers du livre. Les ventes, par exemple : on nous a rebattu les oreilles avec les soi-disant fastes des années covid, quand les lecteurs chevronnés lisaient un peu plus (des têtes de gondole) et que le pass-culture stimulait les achats chez les jeunes (des mangas à 75 %). J'ai déjà écrit sur ce blog ce qu'on pouvait penser de la situation réelle, moins euphorique. Bilan à ce jour : les ventes ont chuté de 15 %... Bien sûr, on nous dit que la guerre en Ukraine ou les aléas de notre élection présidentielle ont détourné les lecteurs vertueux. On me permettra de douter que l'actualité ukrainienne ou que les (relatives) incertitudes électorales françaises aient beaucoup perturbé le lecteur de mangas... Et en même temps, comme on disait voilà cinq ans, le coût du papier s'envole de 20 %, et celui de la fabrication de 30 à 50 %...

Alors, bien entendu, des mesures d'adaptation sont évoquées, mezza voce : la hausse du prix des livres, inévitablement. L'édition purement numérique, sans impression physique, en attendant un jour prochain l'impression à la demande par le libraire. Avec, dans tous les cas, une promotion réduite à peau de chagrin, excepté pour les best-sellers.

Les gros éditeurs parisiens ont donc repris les affaires en mains, obnubilés par leur marge de rentabilité. Pas sûr que l'édition, la littérature ou la lecture y gagnent en qualité, ni que la crise, lente mais historique, s'en tienne là...

samedi 9 avril 2022

Voter Hegel ?

"Le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie". (Hegel)

Nous avons pu constater que la campagne électorale qui s'achève n'a dit que de pauvres choses, et encore ces choses ont-elles été dites pauvrement. Sabir déstructuré pour militants chez les uns, slogans de café du commerce pour d'autres, éléments de langage faits de clichés communicants en appelant à l'émotion chez presque tous, voilà de quoi fût fait ce temps fort de la vie démocratique du pays... L'émotion et l'image supplantent la pensée et le mot, l'inculture enterre le discernement.

Pourquoi Hegel ? pas forcément pour ses postulats philosophiques, mais parce que cette citation exprime en quoi le mot est indispensable à la pensée et qu'il la conditionne : pas de mot, pas de pensée ; peu de mots, peu de pensée ; plus de mots, plus de pensée. Le mot est la matière première de l'auteur, il est aussi celle de tout humain qui veut parler... De combien de mots est composé le vocabulaire usité par nos politiques ? par un consommateur moyen ? par un jeune lambda ? par un abstentionniste banal ?

Sur ce, bon vote !

mardi 5 avril 2022

Dépolitisation, de la vacuité à Jacquouille...

C'était une campagne électorale, et elle s'achève dans trois jours, du moins pour le premier tour. Il n'y a pas eu de campagne, me répondez-vous ? Eh bien peut-être n'est-ce pas plus mal, tant la vacuité des programmes et des postures aura été affligeante. Les propositions ne tiennent ni de la doctrine ni du projet, mais évoquent plutôt la liste des commissions, clientélistes, anecdotiques ou pathétiques. Quelques candidats ont fait illusion mais se sont vite perdus : Zemmour a parlé civilisation, avant de partir dans un délire névrotique d'un autre temps. Pécresse a parlé réformes, avant de sombrer dans les flots battus de l'agonie de son parti, écartelé de toutes parts. Mélenchon a noyé son talent dans une vieille démagogie brouillée avec les chiffres et parfois très ambigüe. Hidalgo aurait pu porter une social-démocratie nouvelle, avant de s'enfermer dans un sabir militant inclusif (socialiste-et-écologiste, celles-et-ceux, tous-et-toutes...) inaudible pour tout français normalement éduqué. Lassalle apporte la fraicheur des oubliés, témoignage essentiel mais fâché avec tout esprit de synthèse. Quant au candidat-président, il n'est jamais apparu aussi sûr de lui et trop occupé pour descendre dans l'arène...

Simple problème de timing face aux crises domestiques ? Nullement, si l'on considère que l'Europe elle-même, face au retour du tragique dans les plaines d'Ukraine, n'a d'autre analyse que la folie supposée de Poutine. Alors quand il ne s'agit simplement que de notre start-up nation... Et si les politiques n'étaient pas exempts de responsabilité face à la dépolitisation qu'on reproche volontiers aux Français ?

Ainsi donc, c'est très logiquement que la première chaîne de télévision française donnera à la soirée électorale de dimanche l'importance qu'elle semble mériter. Et c'est Jacquouille la fripouille qui animera nos écrans.