vendredi 27 mai 2011

Le diable, encore

Ratko Mladic a été arrêté hier. Livré, assure t-on, par le pouvoir de Belgrade soucieux d'intégrer l'Union européenne. Mladic, surnommé le boucher de Srebrenica ou l'Attila serbe était recherché, jusqu'ici sans excès de zèle, pour génocide, extermination, déportation,... au total, 15 charges qui font de notre DSK un aimable trousseur de domestique.
L'ancien chef des Serbes de Bosnie, encore héros national pour certains, est le dernier avatar (dernier en date, sûrement pas hélas dans l'Histoire de cette malheureuse contrée) de l'impérialisme de la Grande Serbie vis-à-vis de ces peuples voisins, Croates et Bosniaques notamment.
Mais, me direz-vous, cette actualité a t-elle un intérêt littéraire ? Parfaitement, vous réponds-je, et grâce à votre serviteur, dont le prochain ouvrage (à paraitre chez l'Harmattan) mets en scène la révolte des soldats croates (A l'époque, la Croatie inclut la Bosnie) engagés de force dans les SS, à Villefranche de Rouergue (Aveyron) en septembre 1943.
Il y est notamment question, en autres faits, de deux jeunes croates, plus ou moins nationalistes en réaction à la suprématie serbe, dont le destin va se nouer avec l'Histoire des Balkans et, partant, de toute l'Europe. Comme bien souvent, l'Histoire est tragique. De l'enrôlement forcé par les nazis jusqu'à la récupération titiste (et donc "yougoslave") de ce fait de résistance, ces peuples semblent condamnés à une négation sanglante.
Mais nous y reviendrons...

vendredi 20 mai 2011

Le diable et le bûcher

Quelle que soit l'issue de l'affaire DSK, il est au moins un livre qui devrait connaitre un sursaut de notoriété, c'est le "Bûcher des vanités" de Tom Wolfe. Cet ouvrage, paru en 1987, raconte l'histoire d'un brillant financier "Maitre de l'Univers" qui, à la suite d'une banale sortie d'autoroute ratée, va se perdre dans le Bronx et y percuter un jeune noir. Circonstance ô combien aggravante, il est en compagnie de sa maitresse.
Petite cause et grands effets ; la machine policière et la justice, américaines, se mettent en branle... Puritanisme, communautarisme, publicité médiatique et enjeux divers vont rythmer une descente aux enfers... qui ressemble beaucoup à nos actuelles images de télé.
Les mois qui viennent devraient préciser les faits de la suite 2806. Il est toutefois à craindre que, quelle que soit l'issue, il subsistera durablement des soupçons de complot, pour ou contre l'intéressé, qui de toute façon a déjà été exécuté.
Attendre donc,...pour le fond. Reste la forme, et ces images. Il était de bon ton, dans nos jeunes années militantes, d'invoquer le retour du fascisme, avec ses fusils et ses bottes. Je me demande chaque jour davantage s'il ne sera pas, tout simplement, moral et puritain.

dimanche 15 mai 2011

Incommémoration

Fallait-il commémorer le 50ème anniversaire de la mort de Céline ?
On sait que le Ministre de la Culture s'apprêtait à le faire, quand Serge Klarsfeld s'en est indigné. Le ministre lui a donné raison : exit Louis-Ferdinand de la liste des célébrés.
Fallait-il le distinguer ? Question subalterne, car s'il est un auteur à qui ce genre de messe colle mal, c'est bien Céline. Et s'il est un écrivain qui puisse s'en passer, c'est toujours lui.
La vraie question me parait être la suivante : la République avait-elle à subir le diktat de telle ou telle communauté ? Certes le thème du débat est sensible, et Céline -immense écrivain, parfait salaud, a t-on coutume de dire- ne peut sortir indemne de ses pamphlets et de ses propos.
Mais si, pour chaque grand écrivain (ou peintre, ou musicien, ou...) on se penche sur ce que celui-ci a pu dire, ou écrire, ou faire en tant qu'homme -à propos par exemple de la colonisation, du conflit au Moyen-Orient, de son comportement pendant l'occupation ou de sa lucidité face aux "flots de sang purificateurs" de la révolution russe, et n'abordons pas le chapitre des moeurs- et que chaque groupe ou clan ou lobby entende faire valoir son interprétation de l'Histoire, alors gageons que l'Etat et ses services vont faire de grosses économies sur le budget des (auto-)célébrations.

mardi 10 mai 2011

La force et l'esprit

Qui le voulait savait qu'il venait "de droite", mais il a été le seul qui, en trois quarts de siècle, a fait gagner la gauche. A la veille de ce 10 Mai, Arte diffusait l'admirable film de Guédiguian "Le promeneur du Champ de Mars", sur la fin de François Mitterrand.
Il y a 30 ans, certains ont cru que "tout devient possible, ici et maintenant", ainsi que le clamait le bel hymne du PS (H. Pagani/M.Theodorakis) ; d'autres ont plus sagement eu le sentiment de vivre un moment historique. Il l'était.
Le propos ici n'est pas de faire le bilan politique du Florentin. Sans doute ne s'est-il pas assez "indigné", selon le mot à la mode ; on répondra avec Nietzche que "Nul ne ment autant qu'un homme indigné"... Non, il s'agit simplement de savourer un Président de la République qui croit aux forces de l'esprit, en jaugeant par Barrès, Péguy, Lamartine ou Bloy, ou qui peut évoquer une couleur à propos de la France et capter l'éternité qu'on prête à celle-ci, ou bien encore saisir l'énergie de certains lieux... L'enracinement.
La force était tranquille, l'esprit était sur les cimes. On n'aura pas la cruauté du moindre parallèle.

lundi 2 mai 2011

Diamants

Vu ces jours-ci, sur une chaine subalterne de télévision, un reportage sur Georges Moustaki. Un Moustaki qui a perdu le souffle mais qui a gardé toute sa lumière, et avec elle cette odeur de jeunesse et d'écriture intemporelle.
Car si ce sont Milord ou le Métèque qui l'ont porté auprès du grand public, ce sont d'autre joyaux que l'éternité gardera. On les connait : Ma liberté, Sarah, Ma solitude, et quelques autres...
Que dire après avoir entendu Reggiani sublimer ces merveilles ? surtout rien, tant elles se suffisent à incarner une transcendance de la poésie chantée. Et si après cela rien ne vient émouvoir, c'est qu'après le temps des assassins est venu celui des blaireaux.
Je veux bien qu'aujourd'hui les moindres lignes parlées par le premier souffreteux venu, surtout s'il est issu de la diversité, vaille label de chanson à texte, quand n'importe lequel de mes professeurs de français aurait bien été en peine d'accorder la moyenne à une telle rédaction...
Mais enfin, la poésie, dût-elle parfois être portée par la musique, s'offre universelle à tous, à chacun et à chaque sensibilité. Le chanteur Ridan, parmi d'autres, prouve aujourd'hui que la langue française peut très bien émerveiller jusqu'à ceux dont elle n'est pas la culture matricielle. Non que j'en ai douté, mais j'ai plaisir à croire aux diamants de Moustaki, comme un rempart face à la lobotomisation.