samedi 16 novembre 2013

Depardon, de la terre sur l'objectif

Je ne surprendrai personne en confiant l'estime que je porte à Raymond Depardon, alors que celui-ci expose ces jours-ci à Paris. D'abord il y a l'admiration pour le photographe, ses photos et ses documentaires. Ensuite il y a, bien sûr, ses racines paysannes, qu'il revendique et porte en lui des quatre coins du monde jusqu'aux reconnaissances officielles.
Ses souvenirs d'un tablier bleu, d'un tracteur rouge, d'un chien berger ou d'une toile cirée n'ont rien d'unique mais ils sont les émotions communes à tous ceux qui ont connu le monde paysan, même après qu'il eût commencé à devenir agricole. Ce sont, on le sait, aussi les miens. Depardon a su capter une quintessence du quotidien de cette culture, et l'a magnifié dans la sobriété, de l'image comme du sentiment. A propos de son père, il évoque "l'élégance de l'éleveur qui m'intimidait"...
La création de Depardon repose sur une ambivalence, celle liée à la fêlure entre amour des origines et envie de les quitter. Certes il n'est pas le seul, mais je crois qu'il faut une similitude de parcours pour saisir cela pleinement, dans le cas présent, pour entendre le gargouillement d'une prise d'air qui viendrait perturber le fluide vital mais qui apporterait l'oxygène qui fait inventer.
Le récit sur cette fracture schizophrène propre au paysan-intellectuel, ou l'inverse, est au coeur d'un ouvrage, le dernier livre de Pierre Jourde. Nous en reparlerons.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire