|
|
|
Extraits
|
«
Rien ne prédisposait Clément Fraysse à scruter la vie culturelle
parisienne. Il avait vu le jour au printemps 1919 dans une ferme du
Rouergue, près de Villefranche, où ses ancêtres trimaient depuis
toujours, sans gloire ni tracas particulier. On y travaillait dur, on y
priait, on y économisait peu à peu, jusqu'à ce qu'une année mauvaise
avale le pécule, et le cycle reprenait. On y vivait, de naissances en
deuils, aux prises avec mille vicissitudes mais le plus souvent à
l'écart des soubresauts de la politique, à laquelle on n'accordait pas
plus d'importance que nécessaire. Pourtant si celle-ci avait rattrapé la
vie de Clément, c'était bien avant sa naissance, quand en août 1914 le
père se trouva mobilisé à destination de l'Argonne. »
***
« Ce à quoi je croyais, tel le charbonnier, tenait en peu de principes ; un ordre immémorial, catholique et traditionnaliste si l'on voulait, me semblait le mieux à même de régir les rapports entre les hommes. Travail et famille étaient des valeurs qui me convenaient, telles qu'elles avaient nourri mes jeunes années ; j'étais plus réservé quant à la notion de patrie, tant mon père avait hélas illustré les déboires militaristes qui l'accompagnaient souvent. Je ne me serais pas défini comme pacifiste, par modestie et par prudence, pourtant je voyais dans ce mot comme une référence suprême, celle qui interdisait, quel que soit leur sort, aux hommes de s'entretuer. Et à chaque interrogation à ce sujet, je revoyais l'image et j'entendais la prose de Giono. »
***
« Les atrocités du Vercors -ce nom qui pour moi sonnait comme celui de l'auteur clandestin d'un grand livre- et les multiples exactions de la Milice scellaient en deux le monde présent : la bêtise de ces nervis à l'inculture crasse et vide de la moindre pensée avait remplacé et effacé les fulgurances des Drieu, Brasillach et consorts, dont le talent était à présent englouti. Et c'était dans le camp opposé que l'on comptait ceux qui portaient l'intelligence de la France de toujours, qu'ils soient réfugiés à Londres, clandestins à Paris ou combattants dans un maquis de province. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire