mercredi 6 novembre 2019

P. Jourde contre l'ordre moral


J'ai souvent évoqué, sur ce même blog, le retour larvé d'un certain ordre moral. On le constate aussi un peu partout. Pourtant, comme pour bien des choses, on finit par s'accoutumer. C'est pourquoi le billet de Pierre Jourde paru dans le Bibliobs (www.nouvelobs.com/bibliobs) du 5 novembre est salutaire : en recensant , de façon bien sûr non exhaustive, divers interdits ou censures émanant de ce qu'il est convenu d'appeler le camp du Bien, il dresse un bilan glaçant de ces dernières années, depuis la censure de Renaud Camus et les avatars du carnaval de Dunkerque jusqu'à la récente interdiction de conférence de Sylviane Agacinsky.
Car cette liste fait froid dans le dos, surtout émanant le plus souvent de jeunes étudiants (Unef, Indigènes de la République) sur qui nous fondions il n'y a pas si longtemps nos espoirs de lendemains qui chantent. Accompagnés d'une certaine intelligentsia, il font grand cas de tout ce qui peut être suivi du mot phobe : dès lors que quelqu'un leur oppose un argument, il devient automatiquement "moi-phobe". Taxer ce quelqu'un de ( )-phobe est un argument définitif interdisant tout débat, et interdisant tout court le mal-pensant. Et tout syllogisme est bon pour l'amalgame : émettre de simples réserves sur la PMA, par exemple, vous vaut par le fait même d'être "homophobe", ce qui comme chacun sait est un délit, et on vous interdit de conférence (Sylviane Agacinsky, c'est-à-dire Mme Jospin, à Bordeaux).
De la même façon que la droite avait institué après la défaite de 1870 un "Ordre moral" à des fins de redressement national, une certaine gauche contemporaine jette, au nom du Bien et du Progrès et faute d'arguments, une nouvelle chape de plomb sur l'expression démocratique, avec aux manettes quelques nervis stalino-fascisants des plus actifs. Si je fais référence au trio Lagasnerie-Eribon-Louis, je viens de commettre un délit. Et on peut craindre que le pire soit devant nous (le baiser non consenti du Prince charmant à la Belle au bois dormant, par exemple...)
La liste est déjà longue, dans la seule sphère littéraire, de ceux qui ont fait les frais de cette hydre : R. Camus, R. Millet, M. Gauchet, A. Finkelkraut, Ph. Brunet, S. Agacinsky et bien d'autres. Pierre Jourde lui-même... qui après ce billet n'en aura pas fini avec les crachats.

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