mercredi 25 mai 2022

Lecture : L'ai-je bien descendu ? de François Bazin

J'ai eu l'occasion, à moultes reprises, de faire sur ce blog l'éloge du pamphlet. Aussi me suis-je précipité sur le livre du journaliste François Bazin L'ai-je bien descendu ?, recueil de textes au vitriol, pépites de l'assassinat littéraire en politique. Ce livre, parus chez Bouquins et sous-titré "Les politiques dans le viseur des écrivains", est une somme de 380 pages où l'on retrouve les grands virtuoses de la plume empoisonnée, depuis Barbey d'Aurevilly jusqu'à Patrick Besson ou Yann Moix.

Si le calembour est la fiente de l'esprit qui vole, selon le mot de Hugo, le pamphlet est lui l'éructation de la conviction mâtinée de l'esthétique du style. Car il n'y a de bon pamphlet que bien écrit : l'élégance y sied bien à la violence. La violence sans l'élégance serait déplorable, le style sans virilité raterait sa cible. Or un bon pamphlet ne peut rater sa cible : Hugo a définitivement détruit Napoléon  III (Napoléon le petit), Jean Cau a blessé Mitterrand, Jean-Edern Hallier  a exécuté Giscard (Colin froid)... Il y faut bien sûr de l'injustice, de l'outrance et de la mauvaise foi, mais on ne s'attaque jamais qu'à des puissants.

Pour en revenir au livre de Bazin, on y retrouve notamment avec plaisir, parmi cinquante autres auteurs et outre ceux déjà cités, Pierre Boutang, Jacques Laurent, François Mauriac, Stéphane Denis (qui signa Manicamp), Françoise Giroud et bien sûr un des plus grands, Léon Daudet... Certes, pour goûter la prose, il convient parfois de se replonger dans l'Histoire de l'époque et de connaitre certains tenants et aboutissants, le politique et le pamphlétaire ainsi que leurs rapports.

Aussi s'en vient-on une fois de plus, à l'heure de la politique contemporaine, à regretter que l'usage du pamphlet soit passé de mode et que les plumes, comme tant d'autres choses, se soient aseptisées. En ces temps électoraux, on se plait à imaginer ce qu'un Daudet, par exemple, eût tiré d'un Macron, d'une Le Pen, d'un Mélenchon, pour ne s'en tenir qu'à eux... Il est vrai que l'ère des tribunaux est venue et que les polémistes n'ont plus le courage d'un Rochefort ("L'homme aux vingt duels et aux trente procès") envoyé au bagne...

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