mercredi 30 octobre 2024

Notre-Dame de la finance

 C'est un débat très français qui agite depuis quelques jours le landerneau des sacristies, de la culture et des finances publiques : faut-il faire payer la visite de Notre-Dame de Paris, dont la restauration touche à sa fin ? La cible : les douze millions de touristes qui s'y rendent chaque année.

Deux écoles s'affrontent, depuis que la ministre de la Culture Rachida Dati a émis l'hypothèse, pour des raisons d'ailleurs plus électorales (Mairie de Paris) que culturelles ou financières. La première considère que Notre-Dame se doit, comme tous les lieux de culte, de demeurer gratuite, d'autant qu'elle appartient selon eux au patrimoine spirituel de l'humanité et que sa restauration a été financée par des dons dont beaucoup venaient d'un peu partout dans le monde.

La deuxième école considère, quant à elle, qu'on pourrait faire payer cette visite (en ayant auparavant changé la loi, et en distinguant fidèles et touristes), comme cela se fait beaucoup à l'étranger, et qu'avec ces recettes on pourrait entretenir, rénover et rouvrir beaucoup d'églises en France, qui souvent en ont bien besoin.

Chacun se fera son idée ; en fait le fond du problème est de savoir si l'on considère Notre-Dame comme un patrimoine spirituel, ou comme un bien matériel exploitable, coûteux mais source de profit dans notre civilisation de loisirs. C'est finalement un problème très contemporain...

lundi 21 octobre 2024

Lectures : Parmi d'autres solitudes, d'Yves Harté

 L'idée initiale de ce livre n'est pas une franche nouveauté : un fils revient à la demeure de son père décédé pour classer des affaires et mettre ne vente la maison. Mais, au hasard du tri, il retrouve ses propres écrits de jeunesse -des portraits de "solitudes"- que, à sa surprise, son père avait pieusement conservés. Au fil des re-lectures de ceux-ci, il renoue avec sa jeunesse et un père dont il s'était éloigné.

Le livre d'Yves Harté, Parmi d'autres solitudes (Le Cherche-midi), est pour une part une série de portraits d'écorchés de la vie, portraits empreints d'une belle humanité : en nos temps où il est de bon ton d'invoquer cette idée d'humanité à tout propos (vivre ensemble, migrants, inclusivités diverses...), la plume de Harté écrit ce que j'ai pu lire de mieux depuis bien longtemps. Récits lumineux et poignants, sens de la réalité des petits, des sans-grade et des malheureux, confrontés à ce que la vie peut offrir comme saloperies. Pas de pathos mais de la générosité et de l'empathie, de la chair et du coeur... Un hymne à la vie, comme on dit.

Le livre retrace aussi la quête d'un fils qui redécouvre son père, d'un provincial qui retrouve les attaches avec le monde rural (le fond des Landes) qui l'a vu grandir. Un ouvrage qui sort un peu de la production littéraire de cette rentrée.

lundi 14 octobre 2024

Lisez Patrimoni n°110 !

 La revue Patrimoni (avec un accent sur le o occitan que mon clavier ne peut reproduire ici) est le "Journal du patrimoine de l'Aveyron et de ses voisins". Ce trimestiel, cofondé et dirigé par Bernard Verdié (8.50 E le n°), est présent chez tous les marchands de journaux de l'Aveyron et dans nombre de lieux culturels ; sinon on peut s'abonner (39 euros) à Patrimoni 2 rue Lassis 12430 Alrance...

On y traite régulièrement d'une dizaine de sujets, avec des articles de très bon niveau scientifique ou culturel, touchant au patrimoine local : ainsi pour ce numéro 110 il est question, parmi d'autres articles, de champignons, des " Objets, pratiques et imaginaires des Grands Causses", des "Poids et mesures en Rouergue sous l'Ancien Régime", de la rivière Tarn,  et, accessoirement, de l'époque "Quand le Rouergue abritait la Joconde", signé par votre serviteur. La revue fait aussi la part belle à la langue et à la culture d'Oc.

C'est donc une jolie petite revue, sur papier glacé avec beaucoup de photos, très agréable à lire et très instructive, qui démontre une fois encore qu'un petit territoire, géographiquement parlant, peut être d'une grande richesse historique, scientifique et... humaine.

Je ne saurais donc trop vous conseiller de la découvrir.

vendredi 11 octobre 2024

Rien à dire, mais le faire savoir...

 Lorsque, au hasard de la lecture d'un de ces multiples médias de proximité comme notre époque en compte tant, on découvre qu'un proche village va organiser son premier Festival du Livre, on ne peut qu'être intéressé. Et puis en achevant cette lecture, on se dit que le pire est finalement toujours sûr.

Je m'explique. Sur la photo qui accompagne l'article, une demi-douzaine de suffragettes prennent une pose résolument "moderne" : en équilibre sur un pied, bras tendus en diagonale,tête renversée... Plutôt ridicule, mais pas grave. Arrive ensuite la présentation de la manifestation. D'une part, si ce festival est le premier du nom, il inclut un Salon du livre qui, lui, en est à sa troisième édition ; mais "salon du livre" fait désormais trop pauvre pour qu'on n'y ajoute pas une couche socio-culturelle qui en fasse un vrai Festival avec une majuscule. Et donc ce festival entend "mettre les femmes à l'honneur". Bigre, c'est original. D'ailleurs, la soirée d'inauguration s'intitulera "A fleurs d'elles" (???), avec des lectures sur "la femme sous toutes ses facettes, dans tous ses états d'âme". Mais où vont-elles chercher tout ça ?

L'invitée d'honneur sera une autrice (auteure ? je ne sais plus) locale auto-éditée, avec ses inoubliables titres "Pour mourir il faut être vivant" ou "J'écris pour que tu m'écoutes", roman "inspirant" (?). Il y aura en sus une "Dictée de Pivot" (je le croyais mort), pour un moment "intergénérationnel", avant que ce grand moment de culture ne s'achève en apothéose comme "une chanson de Grand Corps malade"...

Waouh.

Je crains que le rédacteur de l'article, lui-même peu inspiré et pas très original, n'ait rajouté à la caricature du machin. Mais quand même. Je ne sais plus quel humoriste affirmait que le monde est plein de gens qui n'ont rien à dire mais tiennent absolument à le faire savoir. Et, désolé pour toutes ces suffragettes probablement insoumises, la "littérature "feel good" est un parfait soutien du néolibéralisme. D'autre part, la cause des femmes dans notre monde mérite mieux que des jeux de mots douteux ou qu'une agitation narcissique teinté de bovarysme provincial. Pour le reste, c'est surtout un inénarrable festival de clichés qui nous est servi, et s'il  existe une culture en milieu rural elle peut faire mieux que ce type de postures pour ménagères de tous âges.