Voilà quelques jours, dans une interview au Figaro, Vincent Lindon estimait que "la culture s'était terriblement embourgeoisée" ces dernières décennies. Un tel truisme aurait pu se passer d'argumentation, mais celle-ci n'est pas inintéressante. Ainsi déplore t-il que "les intellectuels ne communiquent plus entre eux" ; en effet, ils produisent, chacun dans son clan, et ne se rencontrent que pour s'invectiver, pour le plus grand bonheur des media qui les y encouragent. Lindon concède qu'il leur est difficile de s'adresser à une génération nourrie et formatée par les réseaux sociaux. C'est vrai, et le débat s'est donc plus qu'appauvri.
Plus curieusement, il déplore un "engagement en berne", lié à cet embourgeoisement. Personnellement je crains que, plus que la quantité d'engagement, ce soit surtout la nature de celui-ci qui pose problème. Il fût une époque où on pouvait parler à bon escient d'engagement quand choisir un camp comportait un danger. Qui aujourd'hui peut pronostiquer le moindre risque à proférer ad nauseam des banalités consensuelles sur les thèmes à la mode (femmes, migrants, malades, etc...) qui ne fleurent que des impératifs de com ?
Sur l'embourgeoisement lui-même, un petit tour sur Wikipédia à propos des têtes d'affiches de nos divers box-offices permet de constater que la plupart sont de bonne famille, et n'ont guère trahi leur classe. Naitre bourgeois n'est pas incompatible avec le talent ni avec la sincérité mais peut créer des réflexes peu révolutionnaires. Et Lindon lui-même , qui doit une bonne partie de sa carrière à des films prétendument "sociaux", est né avec une cuillère d'argent dans la bouche et n'a, à ma connaissance, pas pris énormément de vrais risques dans celle-ci...
Mais il me reste un doute : aurait-il donné la même interview à Libération ?
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