lundi 31 mars 2025

Censures et contrariétés

 D'un peu partout sur la planète nous arrivent de lourds nuages noirs relatifs à la montée des censures. Et, signe inquiétant que j'ai souvent évoqué sur ce blog, ils viennent des deux  horizons idéologiques. Aux Etats-Unis, le trumpisme triomphant interdit à tour de bras des ouvrages contraires à sa vision du monde; face à lui, un wokisme moins frontal mais plus diffus impose la cancel culture ou les sensitive readers pour réécrire l'histoire. En Amérique du sud, en Europe centrale, en Asie, en Russie, au Moyen-Orient et dans bien d'autres endroits les régimes "populistes" ou religieux assument sans complexe d'interdire l'expression des idées contraires aux vérités officielles. Dans un moment qui n'est pas sans rappeler peu ou prou l'avant-guerre du XXème siècle, ce constat doit mobiliser sans faiblesse les esprits libres dans un esprit de résistance aux menaces qui s'annoncent.

Dans le même temps abondent dans notre France des plaintes d'artistes contrariés : Jul, par exemple -voir billet ci-dessous- qui parle de "censure d'un autre temps" à propos de ses démêlés avec l'Education nationale (comme si l'EN pouvait sérieusement être suspectée de politiquement incorrect...) ou ces artistes meurtris par la baisse des budgets culturels dans une France exsangue... Je ne dis pas que que leurs luttes soient dénuées de légitimité, mais le principe de réalité est têtu.

Je crains juste qu'à crier au loup pour tout et n'importe quoi, on finisse par rendre inaudibles les atteintes graves à la liberté d'expression, et inopérantes les résistances à ces pestes brunes. L'heure est devenue assez grave pour qu'on fasse preuve de pudeur et qu'on sache raison garder entre l'essentiel et l'accessoire.

vendredi 21 mars 2025

Jul, Education nationale et routine perverse

 C'est un fait d'actualité qui, s'il était sorti de l'imagination d'un auteur, ne ferait pas un pitch bien original, mais c'est un fait réel. Rappelons l'incident : l'Education nationale commande à Jul, auteur de BD, une adaptation de la Belle et la Bête, destiné à être offert aux élèves de CM2 dans l'opération Un livre pour les vacances, et tiré à 900 000 exemplaires.

Jul fait son travail, que les services de l'EN valident. Patatras : à la veille de l'impression la ministre Elisabeth Borne retoque le projet et le livre. "Décision politique de censure !", claironne sans surprise l'auteur, qui rappelle que dans la préface du livre Mme Borne saluait son travail, "un conte d'une modernité nouvelle" (On apprend au passage qu'il existe des modernités anciennes). On aura compris que ladite préface signée E. Borne a du être rédigée par les services du ministère et que la ministre a découvert tardivement le livre, où il est question d'algériens, de beurettes, d'alcool, de réseaux sociaux et de divers problèmes sociétaux, le tout bien éloigné du conte de 1756 signé Jeanne-Marie Leprince de Beaumont.

Pourquoi pas, mais le principe du  dispositif Un livre pour les vacances veut que le livre puisse être lu de façon autonome et sans accompagnement, et pour des enfants de 10 ou 11 ans "le livre amène plus de questions que de réponses" selon la ministre qui le voit plus adapté à une fin de collège.

Je ne connais pas le travail de Jul, et n'en pense donc rien. Mais j'ai l'impression d'assister une fois de plus, dans un ballet bien ordonné, à un affrontement rituel entre militants d'un côté, qui provoquent allègrement, et pouvoir politique de l'autre, qui en profite pour donner des gages au camp d'en face en bloquant in extremis le projet (qu'il faudra bien payer, mais on n'en est plus là). Ce bal de faux culs un peu pervers  radicalise encore un peu plus ce qui sert de débat et ne laisse rien espérer de bon : de tous côtés l'avenir s'obscurcit... 

mardi 11 mars 2025

Printemps et poésie, lave et fumée...

 Le monde de la poésie institutionnelle française s'est calmé. Après une 27ème édition agitée, l'année dernière, avec l'affaire Tesson puis la démission de la directrice Sophie Nauleau, l'édition 2025 s'annonce conforme à ce qu'on est en droit de ne pas attendre de ce type d'évènement, désormais dirigé par Emmanuel Hoog et programmé du 14 au 31 de ce mois.

Sont donc annoncés 18 000 manifestations dans des villes et des villages (à qui rien ne sera épargné) sur le thème "La poésie. Volcanique." (sic). Pourquoi pas. Mais pourquoi donc ? "C'est une image qui peut m'inspirer, on peut l'associer à mon tempérament" répond la ministre Rachida Dati... Mais encore ? "Je trouve que c'est très volcanique, de pouvoir amener la culture au plus grand nombre..." Si ça c'est pas du contenu...

Mais autant de vacuité ne signifie pas manque d'ambition, au contraire, et c'est des millions de français qui devraient entendre des poésies, nous dit-on. Comment ? par la grâce d'un contrat signé avec l'Union Nationale des Fleuristes qui pour tout achat vous remettra un QR Code renvoyant vers une vidéo de poésie, déclamée par des célébrités (on craint le pire) ou des anonymes (on le craint aussi)... Personne ne devrait laisser passer une si belle opportunité.

Bref, on l'aura compris, le printemps approche. Pour la poésie on attendra un peu.