D'un peu partout sur la planète nous arrivent de lourds nuages noirs relatifs à la montée des censures. Et, signe inquiétant que j'ai souvent évoqué sur ce blog, ils viennent des deux horizons idéologiques. Aux Etats-Unis, le trumpisme triomphant interdit à tour de bras des ouvrages contraires à sa vision du monde; face à lui, un wokisme moins frontal mais plus diffus impose la cancel culture ou les sensitive readers pour réécrire l'histoire. En Amérique du sud, en Europe centrale, en Asie, en Russie, au Moyen-Orient et dans bien d'autres endroits les régimes "populistes" ou religieux assument sans complexe d'interdire l'expression des idées contraires aux vérités officielles. Dans un moment qui n'est pas sans rappeler peu ou prou l'avant-guerre du XXème siècle, ce constat doit mobiliser sans faiblesse les esprits libres dans un esprit de résistance aux menaces qui s'annoncent.
Dans le même temps abondent dans notre France des plaintes d'artistes contrariés : Jul, par exemple -voir billet ci-dessous- qui parle de "censure d'un autre temps" à propos de ses démêlés avec l'Education nationale (comme si l'EN pouvait sérieusement être suspectée de politiquement incorrect...) ou ces artistes meurtris par la baisse des budgets culturels dans une France exsangue... Je ne dis pas que que leurs luttes soient dénuées de légitimité, mais le principe de réalité est têtu.
Je crains juste qu'à crier au loup pour tout et n'importe quoi, on finisse par rendre inaudibles les atteintes graves à la liberté d'expression, et inopérantes les résistances à ces pestes brunes. L'heure est devenue assez grave pour qu'on fasse preuve de pudeur et qu'on sache raison garder entre l'essentiel et l'accessoire.