L'été ayant fait son œuvre, c'est l'heure de la rentrée littéraire, avec son cortège de favoris, ses tendances, et son déchainement des attaché(e)s de presse. Ainsi trouve-t-on en première ligne l'inévitable Amélie Nothomb (avec cette année Tant mieux, un roman sur sa mère), Emmanuel Carrère (avec Kolkhoze, un récit autour de sa mère), mais aussi Raphaël Enthoven (avec un livre L'Albatros à propos de sa mère), Régis Jauffret (Maman, ça parle de sa mère) ou Justine Lévy, qui n'est pas qu'une fille à papa puisque elle évoque sa mère dans Au grand jamais... La liste n'est pas exhaustive. Quant au bilan, selon les critiques qui disent avoir lu ces titres, il va de touchant à pleurnichard.
J'en déduis que l'espionnage industriel fonctionne bien du côté de Saint-Germain des Près, ou que le marketing littéraire tourne à plein régime. Il y a quelques décennies, le personnage de la mère était la star des cabinets psy. Puis l'évolution de l'idée de maternité et le néo-féminisme ambiant ont contribué à détourner le regard et à enfumer l'introspection, et l'expression contemporaine des névroses classiques a fait passer la mode. Mais la destruction d'un thermomètre n'ayant jamais fait baisser la moindre fièvre ou guéri la moindre maladie, le refoulé semble revenir aujourd'hui sous des formes plus hystérisées.
Alors certes, même littérairement le sujet est inépuisable et la veine pourrait durer, jusqu'à ce que notre marketing du livre capte un nouveau filon porteur. Mais d'ici là, néanmoins, n'est pas Romain Gary qui veut.