jeudi 3 mars 2016

Le Goff : malaise dans la démocratie... et dans sa critique

Jean-Pierre Le Goff n'a pas un parcours bien original : activiste en 68, puis maoïste investi, il se retrouve aujourd'hui classé parmi ces intellectuels "néo-réacs" à la mode. Faut-il conclure à une simple évolution dans l'air du temps, selon une expression qu'il utilise souvent ? Pas seulement.
D'abord sa critique de l'extrême-gauche soixante-huitarde et de son aveuglement a été pertinente, distinguant notamment les subjectivités des individus (leurs névroses) et leurs idées supposées cartésiennes, schize expliquant souvent cette certitude d'être dans le bon camp, voire de l'incarner (on n'est pas loin de la perversion narcissique...).
Ensuite parce que son évolution a été courageuse, depuis cette critique du gauchisme jusqu'à celle de l'idéologie managériale, qui me l'avait fait découvrir en 1992. En ouvrant son analyse de sociologue à la philosophie et à l'anthropologie, il a dépassé les réflexes marxisants qui ont englué bien des sociologues. Il a stigmatisé les idéologies, les communautarismes et l'inculture des élites avec une belle acuité. Le voilà à présent taxé de néo-réac et d'anti-moderne pour avoir affirmé que le moderne n'était pas automatiquement synonyme de progrès, et que son diktat pouvait aussi ouvrir la voie d'un anti-humanisme sanglant.
Pour autant, faire de l'idéologie libérale-libertaire l'alpha et l'oméga de la déroute contemporaine me parait réducteur, voire simpliste, et suscite un malaise face à la posture ; l'homo soixantuitus a causé beaucoup de dégâts, mais pas uniquement, et certains de ses apports en matière de liberté ou de culture sont à mettre au crédit du bouc émissaire que l'on voudrait en faire...
Il n'empêche, le travail de Le Goff est précieux et salutaire. Il vient de publier Malaise dans la démocratie, chez Stock.

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