mercredi 8 mars 2017

Céline, arbitraire à rebours

Est-ce le propre des auteurs d'exception ? Toujours est-il que Céline excelle encore aujourd'hui à nourrir la chronique... et certains chroniqueurs. Ainsi P.A. Taguieff, philosophe en baisse de notoriété, et A. Duraffour, normalienne en mal de reconnaissance, viennent-ils de publier "Céline, le juif, la race" (Fayard), ouvrage de 1285 pages entièrement à charge, visant à tordre définitivement le cou à la "légende littéraire" et accessoirement aux "admirateurs idolâtres".
On connait depuis longtemps les turpitudes et la plume de Bardamu, écrits géniaux et/ou horribles. Mais qu'apportent donc Taguieff et Duraffour, comme révélations établissant que Céline était, en vrac, un sale type, un délateur cupide, informé du sort des juifs, payé par les nazis, agent d'influence hitlérien, etc..? Absolument rien. Ils énumèrent des citations et des propos connus depuis 80 ans ou plus, en les décontextualisant ; ils torturent et manipulent, pour ne pas dire falsifient, des textes déjà connus, et élaborés, souvent avec courage par des céliniens !
Au bout de 1300 pages, on a donc toujours le même Louis-Ferdinand ; par contre, les spécialistes de l'oeuvre de Céline, généralement admirateurs, sont ramenés à un quasi-statut de négationnistes, méritant l’opprobre et les sanctions que le politiquement correct contemporain (ou comptant pour rien) prévoit en ces cas-là.
Est-il seulement possible d'évoquer le médecin des pauvres, qui soigna des résistants et aida des amis juifs ?
Propos collaborationnistes, hors sujet dans ce livre dont on ne sait trop s'il se veut pamphlet commercial ou oeuvre d'historien. Par contre on se demandera s'il serait possible aujourd'hui, juridiquement parlant, de publier 1300 pages à la gloire de Céline, surtout en oubliant la face cachée du personnage ? On en doutera.
A t-on encore le droit de considérer la création littéraire ou artistique comme une fin en soi ?
Peut-on encore tabler sur l'intelligence du lecteur et sur sa capacité critique ?
A t-on encore le droit d'aimer Céline l'écrivain, tout en désapprouvant l'homme, sans être soupçonné de négationnisme ?

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