lundi 28 mai 2018

De mai à mai

Etait-il décent de parvenir au terme de ce mois de mai sans consacrer le moindre propos à ce dont on nous rabat les oreilles depuis plusieurs mois, c'est bien sûr la célébration (davantage qu'une commémoration !) du cinquantenaire de Mai 68 dont je veux parler ? Oh oui, c'eût été décent ! Et même très convenable. Mais comme il y a pléthore de titres, de niveau variable et d'orientations diverses...
Le moins intéressant n'est pas le livre de Denis Tillinac qui, dans la posture qu'on lui connait d'ordinaire, a écrit un anti-68 (Mai 68, l'arnaque du siècle, chez Albin Michel) ; pour parcellaires que soient ses analyses et pour facile que soit la critique cinquante ans plus tard, il a le mérite de tempérer l'enthousiasme du camp d'en face. Son parti-pris idéologique est parfois caricatural mais il dégonfle quelque peu l'emphase avec laquelle on commente, ou même on réécrit les évènements.
Il me semble (mais j'avais onze ans à l'époque) que Mai 68 fut surtout le point d'acmé des états d'âme des sixties en France, où l'on préfère toujours le fantasme d'une mauvaise révolution à une bonne réforme aboutie. Pour le reste, que ce soit sur le fond (bien des "acquis" de 68 sont antérieurs, comme la pilule en 67) ou sur la forme (à quoi servent des barricades quand la police n'est plus à cheval ?) les évènements furent un exutoire assez creux dont chacun pensera ce qu'il veut.
Certes, ils furent la rencontre entre diverses aspirations (culturelles, matérielles, sociétales) et agglomérèrent un temps (sans les fédérer) les luttes étudiantes, ouvrières et paysannes. Il semble par contre assez folklorique de vouloir faire un parallèle avec d'éventuels "mouvements de protestations" de mai 2018 : 68 était un moment où il y avait du grain à moudre (la croissance était là) et de l'envie (le souvenir de la guerre restait prégnant), et tout était réuni pour aspirer à un autre monde, dans un esprit offensif. Aujourd'hui il n'y a de luttes que défensives, pour protéger des acquis souvent corporatistes. C'est la différence et elle est plus que fondamentale.
Alors, que l'on voit dans Mai 68 une arnaque ou une explosion de vie, une honte ou un joyeux foutoir, il fallait que Mai 68 eût lieu. Mais une chose est sûre : le bilan de ce monde cinquante ans plus tard n'en est pas plus joyeux...

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