mercredi 27 février 2019

De la tentation opportuniste de réécrire l'Histoire

La période, on le sait, est au débat, pas forcément nouveau, sur l'antisémitisme et l'antisionisme et les différences -ou pas- entre les deux. Israël étant au coeur de la problématique, au traditionnel antisémitisme s'est greffé un antisionisme lié au conflit israëlo-palestinien. Antisionisme désormais largement installé dans les banlieues, parait-il, et qui permettrait selon certains d'être aujourd'hui, selon le mot de Jankélévitch, "démocratiquement antisémite"...
Pendant ce temps, vient de paraitre en France un "Les musulmans et la machine de guerre nazie" (La Découverte) sous la plume de David Motadel, un jeune historien allemand. Je n'ai pas lu le livre, juste quelques critiques sur l'ouvrage. J'ai donc cru comprendre que le postulat de l'auteur vise à tordre le cou à ce qu'il estime être le "cliché" d'une alliance objective entre nazis et musulmans, au vu des résultats de l'Islampolitik hitlérienne. Preuves à l'appui selon lui, l'échec de cet Islampolitik à mobiliser les grandes contrées musulmanes au profit de l'antijudaïsme allemand. Bref à l'en croire les musulmans de l'époque auraient mis Hitler en échec...
Qu'il faille en toute chose raison garder, on ne peut que souscrire au propos. Et on peut en effet constater que le Maghreb ou l'Afrique ne s'embrasèrent pas contre les Juifs ; à l'inverse on ne notera pas non plus, dans ces contrées, de grands signes d'opposition au IIIème Reich, mais cela vaut pour bien des régions dans la période. Et nombre de nazis y trouvèrent refuge après la guerre.
Par contre, Motadel ne peut passer sous silence l'engagement auprès des nazis du Grand Mufti de Jérusalem, Al-Husseini, ou de celui de Pologne Szynkiewicz. Mais il ne s'agirait là que de musulmans "embrigadés", selon le terme utilisé par Omar Saghi dans son article pour l'Obs, article titré sans rire "Comment les nazis ont tenté d'instrumentaliser l'Islam". En clair, on retrouve ici à propos des musulmans la vieille réthorique gaulliste selon laquelle les Français, hormis quelques crapules "embrigadées" étaient tous des résistants.
Je ne suis pas historien, et n'entends pas le devenir. Cependant j'ai longtemps travaillé, pour la rédaction d'Aveyron Croatie, la nuit (L'Harmattan 2011) sur la division SS musulmane Handjar, dont un Bataillon atterrit à Villefranche-de-Rouergue en 1943.
Cette division, la 13ème Division SS, composée essentiellement de volontaires musulmans bosniaques, est sans doute la pire de toutes, au delà même de la sinistre Das Reich car ses méfaits sont beaucoup plus nombreux. Créée à l'initiative de Himmler, pour qui l'Islam était la seule religion compatible avec la guerre, elle a témoigné d'un engagement sans faille auprès des nazis et des oustachis, et accessoirement auprès de leurs charniers et de leurs camps d'extermination.
Encore une fois, et sans ajouter à la polémique ni évoquer la descendance d'Al-Husseini, il serait convenable de ne pas réécrire l'Histoire, fût-ce pour de supposées bonnes intentions (celles qui pavent l'Enfer...). On peut ensuite analyser celle-ci comme on l'entend, mais les faits ont une particularité, celle d'être têtus.

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