lundi 23 septembre 2019

Rémi Soulié, de la terre aux cieux...

C'est très récemment que j'ai découvert Rémi Soulié, séduit que j'étais par le titre de son dernier livre, Racination (PG de Roux). Pour le connaitre, il aurait fallu que je sois familier de Radio Courtoisie, de Familles chrétiennes, du Figaro magazine et de quelques officines sulfureuses, et ce n'est pas le cas. Rémi Soulié est philosophe, critique littéraire, essayiste et poète ; il a écrit sur Péguy, Nietzche, Boutang et d'autres. Autant dire qu'il est tout sauf mondialiste, plutôt pétri de culture gréco-latine, à rebours de l'air du temps et un peu provocateur... Bref réac et franchement maurrassien, au moins du Maurras fédéraliste et félibre.
Car Rémi Soulié, d'origine rouergate, est aussi Mainteneur du Félibrige, que Frédéric Mistral avait créé pour défendre la langue d'oc ; on lui doit parallèlement quelques ouvrages sur "Le vieux Rouergue" et sur "Les chimères de Jean Boudou"... Racination est un manifeste "poétique", philosophique, forcément politique, et me semble-t-il fondamental dans ce qu'il soulève. L'ouvrage n'est pas facile d'accès, aussi ma critique se veut-elle très modeste. On connait les écrits de Simone Weil sur l'Enracinement ("le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine") : Rémi Soulié, qui reprend un mot de Péguy, revendique que "la racination peut faire entendre la race, la grâce, la racine, la nation, donc la naissance".
Rémi Soulié apparait très "Mistralenc" : Mistral définissait la race comme le "peuple lié par la langue, enraciné dans un pays et une histoire" ; Soulié répond "je suis chez moi sur cette terre et sous ce ciel où mon nom est gravé", et prône le résonnement avant le raisonnement. La racination prime sur l'enracinement, qui prime sur l'identité, qui prime sur le nationalisme : "Ni conscience républicaine, ni fantasme d'une France pseudo-universelle ou d'obsession souverainiste".
La terre de Soulié, c'est le Rouergue ; ses origines françaises remontent à l'annexion du comté de Rouergue par la couronne de France en 1271 ; mais sa "petite patrie", sa "patrie charnelle", demeure ce Rouergue où il est né et où il s'enracine.
On peut, surtout dans ses injonctions contemporaines, ne pas partager les idées de Rémi Soulié. Mais il a le mérite de poser cette question, si basique et si actuelle : qu'est-ce qui permet de former un peuple ? et de démontrer pourquoi une culture "terrienne" est nécessaire à l'élaboration de l'individu, loin des habituels gloubi-boulga sur les origines et toussa. A tout le moins, on aimerait que son ouvrage, sur lequel j'aurais l'occasion de revenir, fasse débat... car on parlerait aussi de civilisation.
Au delà de son propos, Rémi Soulié illustre comment sa patrie occitane, en l'occurrence, répond à cette nécessité pour l'être humain telle que l'énonçait Simone Weil :"il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle par l'intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie"...

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