samedi 18 juillet 2020

Richard Millet : l'Angélus ou le glas ?

Voilà peu, il était encore considéré comme l'un des tout meilleurs écrivains français vivants. C'était il y a moins de dix ans. Une éternité. Richard Millet écrivait bien, et en tant qu'éditeur il raflait deux Goncourt (2006 et 2011)... On ne goûtait pas forcément une esthétique très droitière, ou son collapsisme établissant la fin de la littérature française, ou son dégoût du multiculturalisme. Mais le talent et la dimension de l'homme s'imposaient aux attaques de plus en plus acérées. Son oeuvre exaltait le temps, la mort, la Corrèze, la langue ; sa langue, noire et crue, exempte de toute vulgarité, était d'un autre temps.
Et puis, en 2012, il y eut "Eloge littéraire d'Andréas Breivik". Provocation ? Suicide ? Dérive ? ou simple travail littéraire ? On retrouvera sur ce blog, de septembre à novembre 2012, ce que nous pensions de cet ouvrage. Il déclencha surtout l'ire de ceux qui, semble-t-il, ne le lirent pas ; Annie Ernaux pris l'initiative d'une fatwa et, accompagnée de l'inévitable Le Clézio et de quelques dizaines d'auteurs inconnus, exigea dans une pétition adressée à Gallimard que l'ignoble soit interdit d'écrire et de publier. Gallimard minauda un peu puis Millet remit une "démission forcée". Il a depuis sorti dans un parfait silence quelques titres chez Pierre-Guillaume de Roux ou Leo Scheer, ce qui n'arrange pas son cas aux yeux des hyènes, livres bien entendu privés de toute critique. L'ostracisme est bien verrouillé.
Que la chute de Richard Millet tienne pour beaucoup à sa propre paranoïa, c'est sûr; qu'il y ait dans ses écrits quelques dégueulasseries qui eussent pu, selon Pierre Jourde, justifier un cassage de gueule, c'est évident. Mais avoir vu des écrivains réclamer la censure pour l'un d'entre eux restera un grand et triste moment de ce début de siècle...
Et c'est ainsi qu'a disparu des radars l'un des plus talentueux écrivains vivants. Misère de misère...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire