mercredi 12 janvier 2022

Simenon, tel qu'en lui-même...

Ma première lecture de l'année est ce que j'appellerai une lecture de fond, loin des modes, de l'actualité ou de l'écume du quotidien. Noël m'a offert l'Autodictionnaire Simenon, signé Pierre Assouline aux Editions Omnibus. Le principe : des mots d'entrée éclairent l'écrivain, avec des textes issus d'extraits d'oeuvre, d'interviewes, de correspondances... qui expliquent la vie de l'auteur, son ressenti, ses sentiments. Qu'il s'agisse de travail, d'amour, d'argent, de rencontres ou de découvertes, on (re)découvre l'univers de Simenon. 

Simenon est surtout connu du grand public pour ses Maigret qui, à eux seuls et ensemble, méritent de la littérature, mais il est aussi l'auteur de ses "romans durs", moins faciles, moins consommables, car plus ambitieux, et sans doute plus personnels. Mais, au-delà de ses 214 livres recensés (et presque autant de nouvelles) on comprend pourquoi GS est "populaire" (ce qui, on le sait, n'est pas toujours un compliment) : né au sein du peuple, il est resté fidèle à celui-ci, proche des humbles et des petites gens ; et sa prodigieuse réussite n'a rien changé, il est demeuré un artisan, selon son terme, pétri d'humanité et de respect. Et le public ne s'y est pas trompé.

C'est un homme vrai, pas meilleur que les autres, mais sans fard ni orgueil. C'est un introverti, voire un sentimental au sens de Le Senne, avec ses zones d'ombre, prompt à culpabiliser mais assez exigeant avec lui-même pour avancer et qui sait se souvenir. Il a pansé sa sensibilité en fuyant dans l'écriture, écrivant un Maigret en trois semaines ou un roman en deux mois, et donnant vie à 9000 personnages.

Bien sûr, la carrière de Simenon s'étend, en gros, des années trente aux années soixante ; il décidera en 1972 de ne plus écrire de roman, et ne publiera plus que des textes plus autobiographiques et plus intimistes. Et tout cela est bien loin d'aujourd'hui. Pourtant, les critiques qu'il formulait vis-à-vis des gensdelettres et de leur univers seraient sans doute de nos jours encore plus judicieuses, et encore plus féroces. Quant à celles qu'il exprimait à propos de la production littéraire de son temps on n'ose imaginer ce que seraient ses termes aujourd'hui ; il se disait "allergique à la littérature des autres et à la mienne". Pourtant chaque jour qui passe lui rend justice et le consacre comme un pilier de la littérature francophone du XXème siècle.

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