mardi 18 janvier 2022

Anomie, citoyenneté et jacobinisme...

Campagne électorale aidant, il est de bon ton de s'interroger sur ce "mal français" qui conduit les habitants de ce pays à une méfiance générale, permanente et parfois féroce, vis-à-vis de l'action publique, des politiques, des corps constitués et plus globalement de tous ceux qui prétendent parler plus qu'en leur seul nom. Moultes raisons ont été évoquées par les analystes à propos de ce fléau "endémique" qui augure mal de l'exercice démocratique et de son avenir.

Un livre, que je n'ai pas encore lu, vient de paraitre, aux Presses de Sciences Po : Les raisons de la défiance, signé Luc Rouban, chercheur au Cevipof. Et son approche est intéressante en ce sens qu'il constate que pratiquement la moitié des Français ne se retrouvent dans aucune communauté, qu'elle soit nationale, régionale, religieuse, d'origine, linguistique ou autre. Rouban nomme "Anomie" cet isolement socio-culturel et cette absence de repères, prompts selon lui à expliquer des soubresauts tels que le mouvement des Gilets jaunes, pour prendre un exemple récent.

A l'heure où notre jacobinisme hexagonal fait du communautarisme, et du séparatisme qui en découlerait, l'alpha et l'oméga de la problématique contemporaine, en hystérisant un peu le tout, il serait peut-être intéressant de s'interroger sur ce que signifie (au sens psy du terme) le fait que la moitié de nos concitoyens n'ont aucun sentiment d'appartenance. Et sur le fait, toujours selon Rouban, que cette proportion est trois plus élevée que dans les pays voisins.

Peut-être pourrait-on observer que cette "inclusivité" chez nos voisins tient pour une bonne part à l'organisation politique de leur pays, bien plus régionalisés que notre hexagone où il n'est bon bec que de Paris. L'Italie (15 % d'anomie), l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni, pour ne citer qu'eux, ont au minimum une reconnaissance de leurs régions ; cela peut générer parfois des situations compliquées, comme en Catalogne ou en Ecosse, mais  au moins les citoyens ont-ils une identié à laquelle ils sont fortement attachés.

Cela pourrait nous ramener aus thèses de David Goodhart (Les deux clans) sur les "somewhere" et les "anywhere". Sans doute cet état d'anomie est-il d'essence très complexe, mais il est probablement plus inquiétant pour l'avenir de notre démocratie que bien des chiffres qu'agitent les uns ou les autres...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire