vendredi 11 février 2022

Edition, business, culture et dépendance...

Le monde de l'édition ne parle que de ça : la fusion des deux groupes éditoriaux Hachette et Editis, désormais sous la houlette d'un même patron, Vincent Bolloré. La réunion des deux entités, respectivement n° 1 et 2, accoucherait d'un mastodonte : Bolloré justifie cet objectif pour concurrencer les GAFAM, et le reste craint la perspective d'un quasi-monopole, sur le scolaire et le parascolaire par exemple ou sur la distribution. Antoine Gallimard, PDG de Madrigall le groupe n°3, parle d'un tsunami. Argant qu'en France la tradition éditoriale relève plus de l'artisanat que de l'industrie, il craint une politique de "best-sellerisation" à l'américaine. Et de déplorer la financiarisation de l'édition. Il s'émeut aussi de l'exclusion programmée des autres "petits" éditeurs, qui se comptent 5000...

On pourrait s'amuser des larmes de Gallimard. C'est un euphémisme de dire que sa maison, toute familiale qu'elle soit, s'est très bien accomodée de cette financiarisation, sollicitant notamment Bernard Arnaud (et sa presse) pour son propre capital, et menant quelques rachats tambour battant. Quant à l'industrialisation ou la best-sellerisation, Madrigall a largement prouvé son savoir-faire.

Reste qu'on ne peut que lui donner raison quand il  prédit le risque de la fin de la bibliodiversité, avec un black-out sur tous les autres livres : les medias de Bolloré ne parleront que des livres des éditeurs de Bolloré ; idem pour la distribution.

Il se passe dans l'édition ce qui se passe partout ailleurs, et ça n'a pas commencé hier. Gallimard risque à son tour de devenir une proie, quand jusqu'à présent il était plutôt chasseur. L'élément nouveau c'est qu'il semble, avec Bolloré, que des ambitions idéologiques (et pas de la meilleure engeance) s'ajoutent aux appétits financiers. L'édition a toujours été un secteur stratégique, ce qui en fait la force, mais elle pourrait à l'avenir devenir plus prosaïquement militante.

Il ya longtemps que l'offre culturelle est soumise à la finance privée ou à la doxa politique des états et des gouvernements. Mais désormais ces deux pouvoirs se retrouvent sous la même bannière.

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