mercredi 17 août 2022

Lectures : Sandor Marai, l'étranger d'alors...

1926, un jeune docteur en philosophie hongrois débarque à Paris. Etranger, il évolue avec d'autres étrangers, dans un monde dont Montparnasse est l'épicentre : il y a là d'authentiques génies, artistes promis à une célébrité à venir, et de vrais escrocs qui exploitent le dernier arrivé. Notre héros survit tant bien que mal, avant de découvrir la culture d'une France plus profonde (la Bretagne).

Telle est la trame du livre de Sandor Marai, Les étrangers, paru en 1931. Ce récit initiatique est, derrière le propos romanesque et la peinture du Paris des années 20, une réflexion sur l'exil, qui marquera toute la vie et l'oeuvre de Marai. L'intérêt du livre est d'être largement autobiographique et rédigé presque à chaud ; il est sincère et à l'abri du pathos des auteurs contemporains, qui permet à la fois d'apparaitre généreux et de bien vendre. Il raconte une autre époque, d'avant la société de consommation, la règlementation du travail et la multiplication des travailleurs sociaux. On y vit pauvre et on y trouve le petit boulot (on ne disait pas alors petit) qui empêche de mourir de faim : ce n'est certes pas la panacée, mais c'est devenu presque impossible depuis.

Certes, en ce temps là comme aujourd'hui, l'autochtone est méfiant, parfois hostile. Mais la société fonctionne, de façon souterraine souvent, et elle "accueille" mieux qu'aujourd'hui, avec une résilience qui fait des miracles quotidiens. On ne l'idéalisera pas comme modèle, mais elle peut nous faire réfléchir sur les modes d'accueil actuels en redessinant l'exil dans toute sa complexité, celle qui a marqué Marai.

Avant-guerre, cet exil portait en lui les barbaries du XXème siècle, malgré la vitalité de cette société qui sortait de la grande boucherie. Mais notre société d'aujourd'hui, sclérosée et arc-boutée sur la culpabilité par défaut, augure-t-elle de mieux ?

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