mardi 13 décembre 2022

Prix Nobel : prolongations...

Annie Ernaux a donc reçu le Prix Nobel de littérature. Mais la chose continue à faire des remous : sa rivalité ultime avec Michel Houellebecq a fracturé le pays en deux clans, comme aux plus belles heures d'Anquetil et de Poulidor. Ou plutôt il semble bien que la division recoupe celle de la politique d'antan, avec nolens volens Ernaux puisant à gauche et Houellebecq moissonnant à droite.

Ce constat est attristant, car il ne reconnait pas les avis qui s'émancipent de leur faction (et dont l'Histoire montre qu'ils ont souvent raison) ; et surtout il tend à prouver qu'une récompense pourrait ne se justifier que par le postulat et l'engagement politiques, ce qui dévalorise le travail de l'auteur primé. Restent quand même, en l'occurrence pour le Nobel 2022, une opposition fondamentale : d'aucuns fustigent l'écriture névro-nombriliste de Ernaux (autofiction, complexe de classe et féminisme), attribuant à Houellebecq une dimension plus globale et mieux fouillée, voire visionnaire. Et le camp d'en face salue les combats de la nobelisée et pourfend les dérives réactionnaires de son challenger. Dans les deux cas on peut faire mieux comme argumentation.

A chacun de se faire sa propre opinion, si possible face à la seule aune littéraire. On peut quand même sourire en entendant Annie Ernaux reprocher à Houellebecq non seulement ses idées mais "son écriture plate" qui le rend "facile à  traduire", et qui expliquerait son succès planétaire. Ce n'est pas la première fois qu'un hôpital se fout de la charité, mais à ce point-là c'est rare, et notre Prix Nobel en devient mesquine et grotesque.

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