C'est à 91 ans que Michel del Castillo s'est éteint le 17 décembre dernier, au bout d'une longue carrière couronnée, entre autres distinctions, par le Renaudot et le Fémina. C'est en 1957 que paraissait son premier roman, Tanguy, qui racontait la pauvre vie d'un enfant maltraité par l'Histoire et par son ascendance. Abandonné par son père à l'âge de deux ans, interné avec sa mère dans un camp de concentration pour républicains espagnols près de Mende, échangé par sa mère en échange de sa propre liberté, envoyé en camp de travail en Allemagne puis en rééducation dans l'Espagne franquiste, il vécut une enfance et une adolescence dramatiques.
De nombreux romans ont succédé à Tanguy, qui reprenaient la même histoire avec juste le changement d'angle nécessaire, et qui procuraient à chaque fois le même plaisir de lecture, grâce à un style impeccable, une lucidité courageuse, à l'absence de pathos dans une trame pourtant pathétique. Mais del Castillo c'était aussi des biographies et des essais, et le hasard a voulu que je relise ces jours-ci son admirable Droit d'auteur, paru en 2000 autour d'une polémique d'alors portant sur le prêt payant en bibliothèque.
Je n'évoquerai pas ici le fond du débat de l'époque, mais la forme de la riposte de Michel del Castillo contre le catéchisme démagogue d'une certaine caste et des professionnels de la compassion. Droit d'auteur est un vrai pamphlet, c'est-à-dire féroce et bien écrit, et pourtant argumenté avec objectivité. Le propos n'a rien de brutal mais le style à fleuret moucheté touche juste, avec une élégance cinglante qui est le propre d'un grand écrivain. Et c'est ainsi que Jean-Marie Laclavetine ou Daniel Pennac se retrouvent habillés pour l'hiver. Est également exécuté dans quelques pages jubilatoires un jeune "philosophe" d'extrême-gauche (nous sommes en 2000), un dénommé Michel Onfray...
C'est aussi pour cela que Michel del Castillo, sa sensibilité, son regard et son style nous manquerons désormais.