jeudi 6 novembre 2025

Goncourt et itinérances

 Vous avez sans doute constaté que, dans de plus en plus de domaines, avoir un ancrage territorial est devenu vendeur. Cela prend souvent des formes douteuses, folkloriques dans le meilleur des cas, consuméro-franchouillardes souvent, intéressantes parfois. Mais peu importe, dans notre monde il faut bien vendre et tous les moyens sont bons.  Les auteurs n'échappent pas à la règle, sommés pour doper des ventes de plus en plus maigres de courir les salons et les librairies de province pour de laborieuses dédicaces. Cela permet de rencontrer quelques lecteurs, dont certains achètent le livre, et d'assurer une promotion via les médias locaux qui se félicitent des attaches locales de l'impétrant, qui a tout intérêt à multiplier celles-ci. Ainsi peut-il être accueilli comme un enfant du pays dans moult endroits : celui où il est né, celui où il vit, celui où il a vécu, voire celui où il vivra. Plus les éventuelles résidences secondaires et le berceau de ses ancêtres. Et n'oublions pas les conjoints, qui offre encore d'autres possibilités de connexions supplémentaires.

Dernier exemple en date, notre Prix Goncourt 2025, Laurent Mauvignier, que l'on célèbre un peu partout : en Touraine, légitimement, puisqu'il est né à Tours ; à Toulouse, où il a vécu longtemps après y avoir atterri en suivant sa compagne d'alors ; à Rennes, où réside et travaille désormais celle-ci et où il vit peut-être encore. On parle aussi de Paris, je ne sais plus pourquoi.

Tout cela est juste amusant, et n'a d'ailleurs pas que des mauvais côtés. Sauf que, symptôme de notre époque, à être de partout on est de nulle part. Je me souviens de ce que disait Mauvignier à propos de Toulouse voilà quelques années ; sa critique était intéressante, ambivalente mais pas méchante, mais laissait transparaitre une méconnaissance de la dimension historique et culturelle de la cité mondine.

Mais tout cela est du passé, et on lui souhaite désormais un bon Goncourt.