samedi 30 avril 2016

Les bouquinistes et le vieux monde

Il y a toujours quelque chose de sentimental à "faire les bouquinistes". ¨Pour un provincial comme moi, il y a l'impression de vacance(s), de ballade, de loisir, de culture, du temps passé.
Mais il y a aussi, concentré sur un espace somme toute assez réduit, tout ce que Paris peut offrir : la Seine, les quais, l'Histoire, la pensée. Certes, ce charme peut être tributaire du temps qu'il fait, mais il m'est arrivé d'arpenter les boites vertes sous la neige et dans un vent glacé, et j'en conserve un souvenir d'autant plus impérissable.
On trouve deux genres d'étal, ou de bouquiniste : l'attrape-touriste, vendant gadgets, tours Eiffel, faux poulbots et rebuts bleu-blanc-rouge de toute sorte, censés illustrer Paris, à des étrangers en goguette. Celui-là ne m'intéresse guère, voire insulte le lieu. L'autre vend des livres, plus ou moins poussiéreux, plus ou moins vieux, plus ou moins célèbres, plus ou moins lus, ou même pas lus du tout et à découper ; on y trouve des ouvrages intéressants, et des inepties. Des classiques de premier choix, des monuments de la littérature française, et des niaiseries contemporaines ; on s'y procure des titres rares, ou des œuvres qui sentent le soufre et le moisi, dont les cours me paraissent à la hausse...
Qu'il soit marchand de souk ou intello littéraire, le bouquiniste a toujours quelque chose d'inadapté social contemporain ; il possède généralement un sens commercial assez particulier, facilement ronchon. Pourtant, il demeure sympathique, essuyant gelée, canicule ou giboulée pour un revenu que l'on devine de misère, et il incarne ce que les vieux livres représentent d'humanité.
Alors, touriste ou non, on y revient, les doigts gluants de poussière, comme en pèlerinage dans le vieux monde.

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