lundi 27 juin 2016

Le monde perdu des pamphlets

Le livre est grand (215x150), épais (360 p.) et touffu. Il est paru en 2015 aux CNRS Editions, il s'intitule "L'âge d'or du pamphlet" et est signé Cédric Passard. La seule chose qu'on puisse lui reprocher c'est d'avoir 30% de volume en trop, tant il donne parfois l'impression d'un Mémoire de sociologie pour écoles de journalisme, où l'étudiant tire à la ligne.
Cela dit, il est remarquable d'enseignements. On y retrouve l'histoire du Pamphlet, en sa période de gloire, c'est-à-dire en gros la deuxième partie du XIXème siècle, en ces temps bénis où Rochefort, Drumont, Bloy, Tailhade, Mirbeau et les autres invectivaient sans retenue Napoléon III, Gambetta, Ferry ou des élites de moindre importance. Le livre évoque les ressorts du pamphlet, ses succès qui se vendaient par centaines de milliers d'exemplaires, et un code d'honneur où le duel remplaçait le droit.
On ne peut s'empêcher aujourd'hui (enfin, du moins moi) de garder une once de regret de ce mode d'expression. Non pour faire l'apologie de l'injure ou de la calomnie, ou de la flatterie de la sottise populaire, d'autant que le genre était plutôt pervers, à qui tout procès faisait ventre, qu'il fût gagné ou perdu (même si dans ce dernier cas la peine se comptait parfois en mois de prison). Mais derrière la féroce démagogie des pamphlétaires, démagogie qui depuis a pris d'autres formes, il y avait le débat et la rigueur, l'investigation et le courage, doublés d'un langage fleuri par des esthètes. Cela passait certes souvent par l'outrance, la caricature et la mauvaise foi, mais la démocratie ni la littérature n'y perdaient pas.
Depuis, les communicants ont pris le relais, pour arrondir, édulcorer, anesthésier toute saillie. Il devient impératif de ne rien signifier. Mais, même lobotomisées, les foules sont assez lucides pour apprécier la vacuité de la chose et fuir les urnes...

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