dimanche 9 octobre 2016

Nostalgie interdite

Voilà quelque temps, et même quelques années, que je ne vous avais entretenu de madame Sophie Delassein. La journaliste de l'Obs, connue comme aussi généreuse et complaisante envers ses amis que perfide avec les autres, écrit cette semaine un billet sur le nouvel album de Vincent Delerm, chanteur que j'aimais bien avant de le perdre de vue et d'ouïe.
La journaliste, donc, n'a jamais reculé devant la tartufferie. Ici, elle affirme tout d'abord, horresco referens, que "le chanteur peine à vivre avec son temps", ce qui en langage contemporain vaut condamnation aux galères. Elle trouve à l'album "un parfum de violette un rien désuet", -désuet, rendez-vous compte !- qui pousse à la légitime défense :"les références incessantes au siècle dernier sont anxiogènes, à la longue."...
Pauvre Sophie Delassein, agressée jusqu'à l'angoisse par des chansons de Delherm... mais ne faisons pas trop d'honneur à la plumitive qui se caricature si bien elle-même, et posons la question : est-il encore permis aujourd'hui de conserver par devers soi quelque sympathie pour le passé ? a-t-on le droit de préférer, par exemple, le XXème siècle au XXIéme ? Peut-on, en matière de littérature populaire, préférer Balzac ou Dumas à Lévy ou Pancol ? Est-il autorisé de privilégier Céline par rapport à Houellebecq ? Gide à la foultitude des écrivaillons invertis contemporains ? Zola à BHL ? Ou, tout simplement, le vieux monde qui, avec ses tares et avec nos morts, portait l'humanité, au lieu des calembours anthropologiques qu'on nous inflige présentement ?
Durant trois siècles, on nous a seriné, non sans raison certes, que l'avenir était devant nous, et que l'avenir valait progrès, et que le progrès passait par la modernité. Aujourd'hui, l'injonction veut que tout ce qui est moderne est forcément progrès.
Qui croit encore à ce qui ressemble de plus en plus à des sornettes ? Trop de  gens sans doute, mais cela est un autre grand débat. Quant au pauvre Delerm, qu'il se rassure : tout créateur, surtout mélancolique, est par définition en dehors de la doxa dominante.

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