mercredi 24 mai 2017

Regis Debray, Macron et l'Amérique

On reproche beaucoup de choses à Régis Debray ; en clair, la droite lui reproche sa jeunesse et la gauche son évolution. On voit par là qu'à défaut d'être originaux, le parcours et la réflexion du philosophe et médiologue ne sont pas sans lucidité ni courage. Et c'est avec plaisir qu'on lit son interview dans l'Obs de la semaine dernière,  à propos de son dernier ouvrage "Civilisation,comment nous sommes devenus américains" (Gallimard).
On y retrouve Emmanuel Macron, qui illustre bien l'américanisation de la société française ; Macron et sa main sur le cœur pendant la Marseillaise, geste inconscient chez une jeunesse grandie sous la domination du visuel américain ; Macron et son bagage (Inspection des Finances, Banque, entreprise, contrat, numérique, minorités, media, marketing, image...) fait de culture américaine, où l'économie commande à tout le reste, même la politique. Cela ne signifie pas que l'assistant de Ricoeur soit dépourvu à cet égard d'esprit critique, mais Debray rappelle que Ricoeur lui-même a fait carrière aux USA, où la condition protestante est un excellent facteur d'intégration. Et Debray salue aussi en Macron "un chef d'Etat qui va enfin nous sortir du désert culturel de ses deux prédécesseurs" et se réjouit : "un politique qui lit des livres, c'est une originalité absolue dans le monde atlantique"...
L'interview contient aussi d'intéressants propos sur la différence entre anciens politiques (Mitterrand en premier lieu) qui ont vécu la guerre et ce qui va avec, et les jeunes qui ont construit leur carrière sur la paix, le bonheur et la prospérité. Et des réflexions sur la civilisation, la culture et l'identité ; "faire partie d'un monde qui s'en va, c'est un peu vexant. Mais c'est frappant qu'il y ait si peu de gens vexés."
Debray, désenchanté mais lucide et "philosophe", sinon amusé, considère que l'Amérique reste au faîte de sa puissance, par l'économie, par les armes, par la langue, par l'ego. Ramené à l'actualité française, il constate : "Dans l'élection que nous venons de vivre, le système a su se déguiser en anti-système pour se perpétuer. Les gens qui récusent ce système ont été cohérents en s'abstenant."
De tout cela on peut sans doute débattre, mais déjà je sens poindre les législatives...

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